DEPUIS 2015 UNE GUERRE
POUR DÉTRUIRE LE YEMEN ?

Par Richard Labévière,
Rédacteur en chef

Il aura fallu qu’une quinzaine de barbouzes saoudiennes assassinent Jamel Khashoggi pour que nos vieilles « démocraties » découvrent que la guerre du Yémen a fait, vraisemblablement plus de 200 000 morts.

L’historien Isa Blumi de l’université de Stockholm écrit : « La guerre contre le Yémen a pris la forme la plus violente qui soit. Le pays est totalement assiégé dans l’intention évidente de provoquer une famine qui tuera la population résistante. Les pays attaquants, les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Grande-Bretagne et les Émirats arabes unis, avaient prévu de s’emparer des ressources du Yémen, mais leur guerre d’agression piétine. Ils font maintenant les premiers pas pour y mettre fin… »

Un silence de plomb recouvre cette guerre clandestine depuis 2015 ! Et ce n’est qu’aujourd’hui qu’on peut enfin lire quelques reportages de terrain dans les presses anglosaxonne, allemande, espagnole et même…parisienne. Formidable ! Un problème demeure quant à l’évaluation du nombre des victimes !

Entre le printemps 2015 et juillet 2017, la coalition américano-saoudienne a effectué plus de 90 000 raids aériens sur le Yémen. La plupart d’entre eux se sont accompagnés de bombardements extrêmement meurtriers. Faut-il croire que seulement 10 000 civils ont été tués par toutes ces bombes sans compter l’artillerie lourde, les tireurs d’élite et les attentats suicides ?

Ce décompte est organiquement contradictoire avec les opérations de masse mieux rapportées par les médias arabes pendant la guerre. Selon les meilleurs experts militaires, un chiffre oscillant entre 150 et 200 000 civils morts est bien plus vraisemblable…

BOMBARDEMENTS, FAMINES ET ÉPIDÉMIES

Le centre de recherche Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), associé à l’Université du Sussex, estime que depuis le début de la guerre saoudienne – en mars 2015 – 70 000 à 80 000 personnes ont été tuées au combat. En décembre 2017, l’ONG Save the Children a évalué que plus de 50 000 enfants étaient morts de faim et/ou emportés par une épidémie de choléra dévastatrice. La famine n’a fait qu’augmenter depuis lors. D’ici la fin de l’année, 50 000 autres enfants seront morts. Le nombre total de victimes causées par la guerre et le blocus depuis mars 2015 a donc probablement dépassé la barre des 200 000.

Désormais, les organisations d’aide humanitaire tentent d’apporter plus de nourriture dans le pays. Mais la poursuite des attaques saoudiennes pour s’emparer du port d’Hodeïda, la seule entrée de la zone contrôlée par les Houthis, rend l’approvisionnement de plus en plus périlleux. Même si la nourriture arrive au port, il n’y a plus de système gratuit de distribution d’aide humanitaire dans le pays. L’ONU et d’autres organisations sont obligées de s’en remettre à des commerçants privés pour la distribuer. Ces intermédiaires en prélèvent une part pour couvrir les risques de transport qui s’effectuent sous les incessants bombardements saoudiens.

Guerre, famine et épidémies ont causé non seulement un nombre énorme de victimes, mais aussi d’immenses destructions : les bombardements des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite ont détruit au moins 421 911 maisons, 930 mosquées, 888 écoles, 327 hôpitaux et infrastructures de santé, ainsi que 38 centres de médias, tout en mettant un terme au fonctionnement de 4 500 écoles et en obligeant plus de 4 millions de personnes à fuir. L’Arabie saoudite a exigé que les organisations d’aide humanitaire opérant au Yémen présentent sous un jour favorable le rôle de Riyad, qui aurait fourni 930 millions de dollars US d’aide, précise un document interne des Nations-Unies.
(Quand on sait que les Saoudiens dépensent environ 200 millions de dollars par jour dans leur guerre contre le Yémen l’aide humanitaire au Yémen correspondrait à moins de 5 jours d’engagement militaire, …)

 

LA « COUPURE » KHASHOGGI : LA POLITIQUE AMÉRICAINE CHANGE

L’assassinat à Istanbul de Jamal Khashoggi sur ordre de Mohammad bin Salman (MBS) a opéré une véritable « coupure épistémologique ». Soudainement, il devient politiquement correct de parler des crimes de l’Arabie saoudite et de son système de lobbying international, consistant à présenter cette dictature  comme un pays en pleine modernisation…

Ainsi la position américaine, sur ce sujet, change : le ministre américain de la défense James Mattis a appelé à un cessez-le-feu au Yémen : « la solution à plus long terme – et par plus long terme, je veux dire dans 30 jours – nous voulons voir tout le monde autour d’une table pour parler d’une paix fondée sur un cessez-le-feu, sur un retrait de la frontière, puis sur l’arrêt des bombardements qui permettront à l’envoyé spécial Martin Griffiths de les réunir en Suède et de mettre fin à cette guerre ».

Le secrétaire d’État Mike Pompeo aussi déclare aussi en faisant un amalgame qui  mélange tout : « le moment est venu de mettre fin aux hostilités, notamment aux frappes de missiles et de drones depuis les zones contrôlées par les Houthis vers le Royaume d’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Ensuite, les frappes aériennes de la Coalition doivent cesser dans toutes les zones peuplées du Yémen ».

Des consultations sous l’égide de l’envoyé spécial des Nations Unies doivent commencer en novembre prochain – vraisemblablement en Suède comme précédemment indiqué – afin de mettre en œuvre des mesures pour « construire la confiance » et aborder les problèmes de fond : la démilitarisation des frontières et la concentration de toutes les armes lourdes sous observation internationale.

Les déclarations américaines négligent la dimension économique de la famine. Tout en se félicitant du changement de l’attitude de Washington, l’envoyé de l’ONU a souligné que la question de la Banque Centrale du Yemen était l’un des problèmes à l’origine de la famine : « j’exhorte toutes les parties concernées à saisir cette occasion de se joindre de manière constructive aux efforts que nous déployons actuellement pour reprendre rapidement les consultations politiques afin de convenir d’un cadre de négociations politiques et de mesures pour rétablir la confiance, en particulier le renforcement des capacités de la Banque centrale du Yémen, l’échange de prisonniers et la réouverture de l’aéroport de Sanaa ».

Dans tous les cas de figures, la guerre saoudienne contre le Yémen a échoué. La troisième attaque des Émirats arabes unis contre le port de Hodeïda a été repoussée alors que les attaques des Houthis en Arabie Saoudite se poursuivent et s’intensifient. Leurs forces continuent à améliorer leurs capacités opérationnelles.

En définitive, la « bavure saoudienne » révèle crûment ce que les observateurs des Proche et Moyen-Orient savent depuis bien longtemps : l’Arabie saoudite est une dictature effroyable. Mais elle est protégée par le Pacte du Quincy – signé entre le roi Ibn Séoud et le président américain Franklin Roosevelt le 13 février 1945 : pétrole contre protection… pour 60 ans. En 2005, George W. Bush a renouvelé ce pacte du diable pour 60 nouvelles années sans que ce marchandage ne mérite une seule ligne dans la presse parisienne.

Extrait de http://prochetmoyen-orient.ch/

 
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