APRÈS LE BREXIT :

LE GRAND LARGE ?

de Patrick TOUSSAINT (*)
Avocat spécialisé dans l’international

La Grande-Bretagne est tiraillée entre sa disposition séculaire à être tournée vers grand large, son système préférentiel d’alliance bilatérale avec chaque pays européen, sa position d’allié privilégié des Etats-Unis et la réalité.

Les déclarations des dirigeants britanniques sont contradictoires avec les demandes de relations privilégiées avec l’Union européenne, le maintien des alliances déjà existantes ou celles à créer.

DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE, si l’on essaye d’y voir clair, il faut faire le point sur les besoins réels de la Grande-Bretagne pour maintenir sa position de pays, certes du deuxième rang, mais ayant une armée couvrant le spectre total lui permettant d’agir indépendamment que ce soit dans un conflit à l’étranger.

Pour ce faire, les besoins de ses armées sont les suivant :

  • Pour l’armée de terre, et pour les gros matériels, poursuivre la modernisation de ses chars Challenger 2, de ses véhicules de combat blindés chenillés Warrior, de se doter des véhicules de combat à roues Boxer (commandés à Rhein Metall– société allemande – nous y reviendrons – de moderniser son artillerie et sa défense contre avions en basse couche , la modernisation de ses hélicoptères de combat ou de transport ( commande Chinook auprès des USA), sans compter tous les radars de conduites de tir, de détection de tir ou d’attaques, les véhicules logistiques blindés en grand nombre, modernisation ou renouvellement des armes d’infanterie…. sans que la liste soit close.
  • Pour l’aviation, l’acquisition des avions F35 commandés aux Etats-Unis, modernisation des chasseurs Typhoon, développement d’un nouvel avion de 6e génération baptisé « Tempest », achat des avions de patrouille maritime P3 Poséidon, acquisition d’autres avions de transport A400 M , de drones mâles Predator, développements de missiles de combat air-air, air-sol…. Et la liste n’est pas close non plus.
  • Pour la marine:la terminaison de la procédure d’acceptation d’un premier porte-avions, qui n’a pas encore ses avions qui doivent encore être achetés – des F35 à décollage court -, l’achèvement du 2ème porte-avions, l’achèvement de la série des 8 frégates type 26, l’acquisition des frégates intermédiaires type 31, le renouvellement des sous-marins, de chasse type Astute, des sous-marins lance engins nucléaires type Dreadnough, des bâtiments de patrouille océanique , des bâtiments de soutien logistique…. La encore la liste n’est pas close.

Il convient aussi de parler des équipements de pointe que constituent un système de navigation satellitaire, l’accès au système européen Galileo étant encore en discussion (l’absence d’accès à un tel système de navigation satellitaire coûterait un milliards de livres par jour à la Grande-Bretagne),sans compter sa place dans l’industrie spatiale – la Grande-Bretagne est leader mondial dans la technologie des petits satellites et fabriquent 1 satellite de télécommunications sur 4 fabriqués dans le monde.

On arrête là une énumération qui devient fastidieuse mais une conclusion s’impose : la Grande-Bretagne se trouve à un moment où elle subit les conséquences d’années passées à participer avec des opérations de coalition  à l’extérieur avec les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, essentiellement, qui ont pesés à tel point qu’elle a négligé le maintien des ses capacités en armement dits classiques et qu’elle doit maintenant mettre à niveau et tous ensemble.

Pour autant, dans les discours, elle ne renonce pas à sa place mondiale, elle proclame que le Brexit est une excellente occasion, qu’elle va retrouver sa coopération avec le « Five Eyes », qu’elle va ouvrir deux bases à l’étranger : une dans les Caraïbes -Montserrat ou Guyana- en Asie du Sud Est – Singapour ou Brunéi – qu’elle va construite 2 Littoral Strike Ship pour permettre des opérations offensives de débarquement pour sa Commando Brigade.

Dans la réalité, le tableau est tout autre et les évaluations précisent que pour faire face à tous ces programmes, il faudrait accroître le montant des dépenses à 3% du PIB alors que le pourcentage du PIB consacré à la défense est déjà de 2 %.

Alors que l’économie britannique subit déjà, en baisse de croissance, les premiers contre-coups du Brexit,  dans une perspective mondiale de ralentissement des économies, tout ceci relève de ce que l’on aurait appelé autrefois de la propagande et la Grande-Bretagne ne peut pas se passer de l’Europe ce qui n’est pas sans conséquence des deux côtés.

Au moment où les Etats Unis sont en train de se dégager de l’Europe, ils ne vont réduire voir cesser les opérations de coalition qu’ils mènent à l’étranger pour s’orienter vers l’Asie -changements qui ont commencé avec le Président Obama et qui s’accélèrent avec le Président Trump qui mène une politique résolument « America first ».

En réalité, une demande britannique de rester dans la PSDC a déjà été posée : elle demandait à participer au processus décisionnel de la défense européenne, à participer à la planification et au commandement des opérations de gestion des risques de l’EU au cas où Londres déciderait d’intervenir et de bénéficier d’un accès comparable aux autres membres de l’UE aux capacités européennes : Galiléo, Fonds européen de défense, Pesco, Agence européenne de défense.

Ces demandes restent pour l’instant sans réponses tant que l’accord, ou le désaccord sur le Brexit n’est pas acté.

La Grande-Bretagne conserve tous ses précédents accords : Rhein Metall pour la modernisation des forces, maintien des accords de Lancaster pour la force expéditionnaire de 10.000 hommes, concertation pour l’armée de l’air française , maintien du programme en coopération de drones sous-marins de chasse des mines, coopération sur les missiles aériens, participation aux programmes spatiaux de construction de satellites.

Quoiqu’en disent les discours, la Grande-Bretagne ne se passera de l’Europe et notamment de la France.

Qu’en est-il de l’Europe ? Pour l’instant, les réactions se situent aux niveaux des Etats.

L’entreprise Rhein Metall continue sa coentreprise avec BAE Sytems Lands, engagée d’ailleurs après la décision  britannique du Brexit dans la mesure où elle poursuit sa démarche industrielle de construction d’un acteur mondial de véhicules blindés avec les technologies afférentes.

Les Italiens se sont précités à Londres pour participer à la réalisation du fameux avion « Tempest » de 6e génération – études et fabrication- de même pour accroître leur participation dans le domaine des satellites et des missiles.

 La France, également, maintien les liens qui se sont créer dans l’étude des drones qui ont été mené avec l’espoir de peut-être associer le Royaume Uni au futur programme de combat aérien qu’elle mène avec l’Allemagne.

En effet, la France a des différences significatives dans l’emploi des forces aériennes qu’elle utilise dans ses opérations extérieures et l’Allemagne qui ne les voit que dans une optique de défense ce qui risque de créer des divergences dans priorités opérationnelles du système aérien envisagé, alors que l’Angleterre a les mêmes doctrines d’emploi que la France.

 Surtout, au-delà des problèmes européens, le Brexit, s’il coûte cher à la défense de l’Europe avec ce retrait, pose un énorme problème à la France dans la mesure où l’Angleterre a la même vision de son rôle dans le monde, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU et en tant que pays disposant de l’arme nucléaire exerçant une dissuasion avec cette arme et n’hésitant à intervenir dans des opérations de pure coercition à l’extérieur.

Au final, il parait difficile que la Grande-Bretagne puisse voler, de ailes vers le grand large mais avec les Grands Bretons, les surprises ne sont pas finies.

Wait and See


(*) Patrick TOUSSAINT, est avocat spécialisé dans l’international, droit des société, droit fiscal et contrats sur les plans nationaux et internationaux. Directeur juridique d’espritcors@ire depuis 2012, Membre du comité de rédaction de ESPRITSURCOUF, auditeur de l’IHEDN, Lieutenant- colonel (H).

                                                                                           

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