LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT DE CONSACRER 295 MILLIARDS D’EUROS SUR 5 ANS À LA DÉFENSE

EST-CE CRÉDIBLE ?

Patrick Toussaint

A ce jour, la seule référence que l’on ait est l’exécution de la loi de finance pour 2017, qui, certes n’avait été préparée par l’actuel gouvernement, où une partie des dépenses avait été engagée par l’ancien gouvernement mais dont la gestion de l’actuel gouvernement est intéressante.

Que voit-on ? Le budget accordé aux armées dans la loi de finance pour 2017 a été voté à hauteur de 40,84 Milliards d’euros.

De ce montant, il faut défalquer le montant des sommes prévues pour les pensions et retraites soit 8,15 milliards d’euros et, en conséquence, les sommes destinées à la défense proprement dite sont de 39,62 milliards d’euros.

Le budget voté fin 2016 prévoyait une augmentation des crédits de 600 millions d’euros.

Pour faciliter la lecture, toutes les sommes mentionnées sont en euros et les milliards sont écrit MM et les millions M.

Le gouvernement chiffre alors l’effort de financement à hauteur de 1,77 % du PIB.

Ce chiffre est important car l’on sait que les Etats-Unis, dans le cadre de l’OTAN, demandent que tous les membres consacrent 2% du PIB  au titre de la défense.

Alors que, surprise, l’Observatoire économique de la défense, qui fait partie du ministère de la Défense – appellation sous l’ancien gouvernement- chiffre le financement  a  seulement 1,4 % du PIB.

D’autres chiffres sont publiés qui fixent le pourcentage de la part du PIB a 1,8 % voire même à 2%.

Là, cela devient compliqué par ce que les dépenses incluses dans le pourcentage du PIB sont en principe, précisément définies par l’OTAN mais pas toujours respectées par les autres membres de l’Organisation d’où des difficultés de comparaison.

L’Observatoire économique de la défense pointe aussi une diminution de la part du budget de la défense dans  le budget global de la France, certes légère – 0,1 % , alors que le précèdent gouvernement avait budgété une hausse de crédits à hauteur de 600 M ainsi qu’il a été dit.

Donc, premier couac !

Mais ce n’est pas fini avec l’arrivée de nouveau gouvernement qui décide au printemps d’infliger une diminution de 850 M aux crédits de la défense comme participation aux efforts d’économie du budget général.

La contribution des armées représente 20 % du montant total demandé à tous les ministères alors que la part de budget qui lui est réservée  n’est que d’un peu plus de 10 % (10, 2 %).

Cette contribution réduit à zéro l’accroissement des crédits jugé nécessaires par le précédent gouvernement à hauteur de 600 M ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus.

Bercy, par ailleurs, avait déjà gelé 2,66 MM €

Première conséquence, réduction de programmes essentiels :

Par exemple, c’est 18 % du montant des crédits du programme 146 « équipement des forces » qui sont gelés.

C’est aussi, l’utilisation de « cavalerie budgétaire » : on ne règle pas le versement dû à l’OCCAR au titre de 2017 d’où une économie de 400 M, qu’il faudra bien payer ultérieurement.

Cela fait 3,06 MM € dont sont, momentanément privées les armées.

Deuxième couac !

Finalement, Bercy relâche la totalité des 2,66 MM € mais seulement après une bagarre de chiffonniers, les derniers 700 M € étant payés en toute fin d’année.

Ce n’est toutefois pas fini car il reste encore le problème du coût des opérations extérieures, les fameuses OPEX.

Il existait une règle non écrite mais admise : la défense provisionnait un montant  qu’elle jugeait raisonnable compte tenu de son implication et le solde était réparti entre les différents ministères et donc une contribution supplémentaire était payée par la défense.

Le nouveau Président a exigé que le coût des OPEX soit entièrement supporté par les armées ce qui semble  en contradiction avec ce qu’il a dit quand il était candidat : le budget doit s’accroitre chez année de 1,7 MM €   pour atteindre 2 % du PIB en 2025, étant entendu que les crédits nécessaires pour atteindre ce pourcentage seraient calculés hors coût des OPEX.

Or, ce coût des OPEX en 2017 a été de 1,3 MM alors que la provision au titre de 2017 est de 450 M. En règle générale, le coût des OPEX est de l’ordre de 1,1 à 1,3 MM.

Troisième couac !

Par ailleurs, le coût des opérations sur le territoire national, les OPINT,  n’a pas été budgété.

Il faut aussi se pencher sur les reports de crédits : à titre d’exemple, il a été estimé par le gouvernement Philippe qu’il y aurait un report de charges     au titre du programme 146 « équipement des forces » de 2,1 MM de l’exercice 2018 sur l’exercice 2019.

Le report de charge de l’exercice 2016 à 2017 a été de 3,1 MM € et celui de 2017 à 2018 sera du même ordre.

Quatrième couac !

De même, il faudrait voir tous les reports de charge de l’exercice 2017 sur l’exercice 2018.

On s’arrêtera là au risque d’être lassant.

Quelles conclusions peut-on tirer de ce bref survol ?

1°/ Le budget voté par le Parlement n’est pas celui qui est exécuté.

2°/ C’est Bercy qui a la haute main sur l’utilisation et l‘exécution des sommes mises, en principe, à la disposition des armées selon des priorités  définies par la représentation nationale.

C’est aussi Bercy qui négocie les reports et les annulations de crédits sur les différents programmes sans se soucier des implications des réductions sur les nécessités et sur la cohérence des programmes.

3°/ Bercy est couvert par le Président ainsi qu’on a pu le voir en juillet 2017.

Il faudra d’ailleurs y revenir à propos de la loi de programmation militaire de 2019 à 2022 et de l’article 14 du projet de la loi de programmation des finances publiques limitant au niveau de 2017 le « Reste à Payer (RAP) » de tous les engagements financiers antérieurs.

Le Président se réserve d’intervenir à tout moment pour apporter toutes modifications sur les priorités et sur les programmes comme il l’a fait savoir en juillet 2016.

4°/ La ou le Ministre des Armées doit être rompu(e) aux arbitrages budgétaires avec Bercy.

De ce fait, on peut sans doute dire que le choix de la Ministre actuelle est plutôt bienvenu.

5°/ Les armées ne sont pas une priorité absolue pour le Président de la République mais  leur ministère mérite néanmoins un effort.

Il semble que nos dirigeants passés et actuels ne rendent pas compte qu’il faut des années pour construire une défense et que tout retard se paye cher alors que les périls augmentent.

6°/ La lecture ou le calcul des chiffres-clés est difficile et sujet à interprétation mais il est clair que nos gouvernants ne tiennent pas vraiment à les rendre plus lisibles.

7°/ Il faut absolument  rappeler que les reports de charge que doivent effectuer les armées concernent en grande majorité des sommes à payer à des fournisseurs qui sont des entreprises dont  beaucoup sont PME, PMI et ETI  qui n’ont pas forcément la trésorerie pour supporter de tels différés de paiement.

A titre d’exemple, le GICAT regroupe 225 adhérents soit plus de 30 entreprises dont 8 % sont des grands groupes, 20 % des ETI et 70 % des PME/PMI.

EN CONCLUSION

Dans ces conditions, il est difficile faire une confiance aveugle à l’actuel gouvernement et au Président  de la République pour l’exécution de la loi de programmation militaire étant donné la complexité du suivi de l’utilité des crédits, les possibilités de report de charges, de gel de crédits et de transferts étant trop nombreuses et trop faciles.

De surcroît, il est très difficile de se fier aux pourcentages affichés, qui sont, eux aussi, facilement manipulables.

 


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 » LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : LE REMÈDE AU DÉSENCHANTEMENT DES TROUPES ? « 

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