CELA NE S’ARRANGE PAS
AU PROCHE-ORIENT…
Richard Labévière
Rédacteur en chef
En Syrie, sur le plan militaire, les Etats-Unis ont perdu la partie face à la Russie, l’armée gouvernementale syrienne et ses alliés iraniens et du Hezbollah libanais. Malgré tout, le Pentagone refuse d’admettre cette défaite et pousse l’administration Trump à maintenir une présence militaire : 2000 soldats des forces spéciales et cinq plateformes interarmées réparties le long de la frontière turque de Kobané jusqu’à Hassaké et Deir ez-Zor, dans l’Est du pays jusqu’à la frontière avec l’Irak ; régions qui possèdent les plus grandes réserves pétrolières de Syrie. Parallèlement, Washington a annoncé la création d’une force de 30 000 Kurdes, destinée à consolider les FDS (Forces démocratiques syriennes, essentiellement composées d’éléments kurdes). Cet effort de guerre reviendrait à 4 milliards de dollars par an.
Voilà qui n’augure pas d’une prochaine sortie de crise en Syrie dans un contexte marquée par quatre évolutions majeures des plus préoccupantes. 1) Les Etats-Unis ont décidé de changer de posture nucléaire face à la Russie. Le Pentagone vient d’annoncer qu’il va développer des armes nucléaires tactiques miniaturisées « pour s’adapter aux nouvelles menaces internationales ». Le président iranien Hassan Rohani a répondu : « comment quelqu’un peut-il parler de paix mondiale et en même temps annoncer qu’il développe de nouvelles armes nucléaires destinées à ses principaux ennemis ? »
2) Les ministres de la Défense de l’OTAN se sont entendus les 14 et 15 février derniers à Bruxelles sur les grandes lignes d’une nouvelle refonte des structures de commandement de l’Alliance Atlantique. Cette « adaptation – la plus grande depuis la fin de la Guerre froide », selon le secrétaire général Jens Stoltenberg, est proposée par les militaires américains. Elle vise à rendre l’Alliance plus efficace en cas de crise de haute intensité. En clair, il s’agit de « mieux dissuader et répondre aux nouvelles menaces venant de certains Etats, au premier rang desquels la Russie ».
3) Aux lendemains de la destruction d’un chasseur israélien dans l’espace aérien syrien et, alors que la police israélienne demande l’inculpation du premier ministre Benyamin Netanyahou pour malversations personnelles, Tel-Aviv accuse l’Iran de s’implanter en Syrie et menace de multiplier ses opérations militaires. Ce n’est pas la première fois que le premier ministre israélien – qui refuse de démissionner – utilise les regains de tension régionale pour consolider son pouvoir personnel et son alliance avec l’extrême-droite du pays.
4) Enfin, le soutien militaire de Washington aux Kurdes de Syrie continue à provoquer l’Ire d’Ankara. La crise de confiance est consommée et l’axe turco-américain est au bord de la rupture. Deuxième contingent de l’OTAN, l’armée turque a accentué le tournant conservateur et anti-occidental après le putsch raté de juillet 2016. Mission vient d’être donnée à un général aux tendances conservatrices et islamistes de restructurer l’armée turque dégarnie par les purges.
En définitive, la stratégie américaine – et par extension occidentale – en Syrie est d’une navrante limpidité : saboter les efforts de paix de Sotchi, ajouter deux nouvelles guerres à la crise syrienne : celle des Turcs contre les Kurdes et celles des Israéliens contre l’Iran et le Hezbollah libanais. « Les Américains n’ont jamais admis leur défaite militaire en Syrie et ne veulent pas lâcher le morceau et surtout leur objectif stratégique principal », commente un haut diplomate français, « celui d’un démantèlement de la Syrie, relativement similaire à celui qui a été conduit en Irak et en Libye. Leur incompressible volonté est d’armer les Kurdes pour contrôler les régions pétrolières de l’Est syrien afin de pouvoir peser sur la reconstruction politique et économique du pays ». La paix n’est, donc pas pour demain.
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