LES HYBRIDES
« CRIME – TERRORISME »
LE DURABLE AVEUGLEMENT ETATIQUE
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Richard Labévière donne la parole à
Xavier Raufer
Criminologue français
Directeur des études au Département de recherches
sur les menaces criminelles contemporaines à l’Université Paris II
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La « chute de l’empire romain » n’eut rien de soudain, comme quand un homme glisse sur le verglas et tombe d’un coup. De même, la « Chute du mur de Berlin » ne marqua-t-elle pas l’effondrement de l’empire soviétique, mais conclut plutôt une longue, invisible et souterraine désagrégation. Durant cet épisode Carl Schmitt appelle cela joliment «la modestie secrète des commencements » émergea à bas bruit la figure nouvelle de l’hostilité planétaire : l’hybride.
L’idéologique Guerre froide tenait terroristes et bandits dans des boîtes séparées et étanches. Or dans la décennie 1980, ces fragiles parois tombent et pour l’avenir prévisible, tous ces illégaux basculent sur la même scène. Dès lors, ranger comme jadis ces sujets dangereux dans des boîtes séparées mène au désastre.
Pour qui sait voir, ce phénomène émerge au Sud du monde. Modernes « Grandes compagnies », guérillas maniant corruption et terrorisme : des hybrides militaro-criminels investissent bidonvilles et mégapoles du Sud – Lagos, Bogota, Karachi : où nulle police n’entre plus. Dans ces aires chaotiques rurales ou urbaines, ces hybrides multiplient enlèvements, racket, pillages de convois, ports et aéroports et exportent des stupéfiants. Ce contrôle de sanctuaires par ces prédateurs, leur abordage d’autres continents forment dès la décennie 1990 une grave, endogène et exogène menace planétaire.
Ce phénomène, des criminologues refusant la fixité et sachant déceler précocement – d’abord le signataire – l’exposent alors comme danger majeur. Car qui est rigide, ou encore idolâtre tout métissage comme positif et désirable, s’interdit de poser à temps un diagnostic juste sur les dangers du chaos mondial.
A l’inverse, le décèlement précoce suit, dans leur mutation du blanc au gris puis au noir, ces complexes hybrides nés à la fin de la Guerre froide.
Acteurs politiques privés de parrains idéologiques d’un côté (guérillas, milices, groupes terroristes, fronts de libération) bandits de droit commun (mafias, cartels) de l’autre, associent désormais terrorisme et narcotrafic, finançant leurs guerres par les négoces illicite, notamment de narcotiques.
Depuis la fin de l’ordre bipolaire, naissent ainsi des mutants hier impensables : mafias (Cosa Nostra) et sectes (Arum Shinrikyo) passant au terrorisme ; guérillas, sectes – unités d’élite, même -dégénérant en supplétifs des narcos Zetas , Cartel du Golfe) ; émergence de pseudo-religions morbides (culte du « narco – saint » Jésus Malverde, nord du Mexique).
Masqué par le Djihad d’Oussama ben Laden & Co. ; invisibles pour des politiciens et appareils sécuritaires aveuglés par la société du spectacle et noyés dans le constant et le constatable , le phénomène d’hybridation éclot sous nos yeux, autour de nos métropoles.
Accompli vers 2010, il sévit en 2012 par Mohamed Merah : depuis, presque tous les djihadis d’Europe ont un passé criminel et les « hybrides » forment la figure sous laquelle l’hostilité frappe la planète à l’ère de l’Information.
Omar el -Hussein (qui vise une synagogue à Copenhague en février 2015) est un hybride. A l’automne 2015, les Kouachi, Coulibaly 1 et 2, La fratrie Abdeslam et autres terroristes de Paris et Bruxelles sont des hybrides. A Londres (mars 2017) Khalid Masood est un hybride. A Orly, Ziyed ben Belgacem (mars 2017, 44 mentions au fichier des antécédents judiciaires) est un hybride. Etc.
Comprendre ce processus d’hybridation est bien sûr crucial pour précocement détecter et éliminer de telles « bombes humaines ».
Or du début à sa sanglante apothéose, ce processus d’hybridation a duré plus de trois décennies , mais ni les Etats-nations d’Europe ni Bruxelles ne l’ont vraiment prévu ni anticipé ou détecté à temps. Conformisme, goût de l’ennemi de confort et aveuglement ont prédominé.
Pour l’Europe, le prix de ce tragique loupé est de plus de 300 morts.
Espérons que la leçon portera
Vous pouvez retrouver cet article sur le site de la revue : http://eska-publishing.com/fr/1333-securite-globale
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