La guerre des étoiles de Reagan à Trump :
Entre coopération et compétition

Nathan Vauthier (*)
Étudiant en RI à l’ILERI Paris & UGA

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En 2025, la conquête de l’espace apparaît véritablement, pour plusieurs acteurs étatiques et privés, comme la prochaine compétition mondiale. L’histoire a en effet démontré que chaque enjeu qui venait à opposer deux sociétés pouvait produire des tensions et des guerres. Désormais, il paraît certain que l’espace connaîtra ce même sort. Le moment est-il venu pour les historiens d’écrire que notre espèce s’est engagée dans une véritable guerre des étoiles, comme l’avait imaginé, de façon fictive, George Lucas ?

Une idée qui ne date pas d’hier…

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Depuis le début des années 2020, les enjeux spatiaux ont été très médiatisés. Des phrases chocs telles que “objectif lune” ou “objectif Mars”, reprises à la fois par les politiciens et les médias, ont fait rêver une grande partie de l’humanité, l’invitant à lever les yeux vers le ciel. Mais la réalité est la suivante : partir conquérir ce nouvel espace du monde est un fantasme très ancien. Plutôt qu’énumérer les hommes et les femmes qui ont rêvé d’explorer ce nouveau territoire, il convient de revenir à l’époque où les premières avancées technologiques ont permis à l’humanité de croire, et même de se dire : “C’est possible.”

Constantin Tsiolkovski a d’ailleurs posé les fondations du voyage spatial dès 1903, grâce à son équation décrivant le mouvement des fusées. Mais c’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’idée de conquête spatiale s’est réellement concrétisée, donnant naissance aux premiers programmes destinés à envoyer l’Homme dans l’espace. Considérant l’importance du sujet, une mise en contexte est nécessaire pour comprendre l’enjeu dans sa globalité.

Lors de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, les deux puissances se sont affrontées de manière intense et multiforme dans plusieurs domaines : l’économie (investissements dans des pays tiers), la politique (soutien à un régime) ou l’idéologie, (la démocratie contre le communisme), ou encore le domaine militaire (opérations dans des États dits “proxy”). Ce qui marqua la fin de ce conflit fut l’apparition d’un nouveau terrain de compétition, où Washington et Moscou livrèrent leur dernier combat : l’espace. À l’image du titre du film Transformers 3 : La Face cachée de la Lune réalisé par Michael Bay (2011), la guerre des étoiles possède, elle aussi, une part dissimulée, du moins aux yeux des non-spécialistes. Historiquement, lorsque l’on évoque les actions humaines dans l’espace extra-atmosphérique durant ce conflit, plusieurs événements populaires sont souvent cités, expliquant parfois, à tort, la défaite du camp communiste.

En s’abstenant de la chronologie, on peut mentionner : l’envoi des premiers satellites dans l’espace (mission Spoutnik 1) ; le second avec un animal à son bord (la chienne Laïka -mission Spoutnik 2 en novembre 1957). Toutes ces actions ont nécessité des investissements très importants. Le sujet reste sensible et, dès lors, il est difficile d’accéder à des informations fiables. Néanmoins, d’après plusieurs sources Moscou aurait investi plusieurs milliards de roubles entre 1951 et 1989. Sur l’ensemble des recherches scientifiques, 20% était alors alloué au budget spatial.

En réalité, c’est la face cachée de cette conquête de l’espace, peu connue du grand public, qui a créé cette distance et précipité l’URSS vers sa chute. Le mardi 8 mars 1983, le nouveau président Ronald Reagan a annoncé à Orlando, dans l’État de l’Indiana, lors de son discours de l’“Empire du Mal” prononcé devant l’Association nationale des évangéliques et retransmis sur les chaînes nationales, la mise en place du programme Strategic Defense Initiative, sous la supervision du département de la Défense des États-Unis et plus précisément sous la responsabilité du lieutenant-général James Alan Abrahamson. La guerre spatiale lancée par Washington est double : elle vise en effet à asphyxier l’économie russe et à démontrer par une avancée significative et historique la supériorité de l’Oncle Sam sur la Mère Patrie, et plus largement sur les autres nations.

L’issue de cette course effrénée à l’espace est bien connue : une Amérique triomphante et une URSS disloquée. Les réactions des autres États face au programme SDI ont marqué les premières divergences sur ce sujet.

« Strategic Defense Initiative »

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La mission de la « SDI » est d’intercepter les missiles à différentes phases de vols de l’engin. La Strategic Defense Initiative trouve son originalité dans l’emplacement des capteurs et des moyens utilisés pour neutraliser le danger. Quant à la localisation des détecteurs, elle était envisagée à la fois sur Terre, dans les airs, mais aussi dans l’espace lui-même, en y positionnant des détecteurs.

Les armes envisagées pour défendre la nation reposaient sur l’utilisation de rayons laser, déployés à la fois sur Terre et dans l’espace extra-atmosphérique. La mise en œuvre de ce dispositif aurait entraîné une rupture technologique majeure dans le domaine militaire, offrant au pays un avantage sans précédent. Il est même envisageable que ces avancées aient rendu les missiles de l’époque obsolètes, leur usage devenant caduc. Une telle innovation aurait propulsé les États-Unis d’Amérique directement dans le XXIe siècle. Si on devait représenter la « SDI » de façon caricaturale, il conviendrait de l’imaginer comme bouclier quasi immatériel flottant dans l’espace extra-atmosphérique. Au niveau géopolitique, la volonté de créer un bouclier stellaire a été mal perçue par Moscou, chose assez évidente à deviner, et même par les alliés de Washington ; ce qui peut paraître plus surprenant.

La capacité des États-Unis à se doter d’un « glaive et d’un bouclier spatial » était susceptible de rendre caduque la force de dissuasion de certains pays. Elle pouvait en effet les rendre vulnérables, puisque, in fine, le pays de l’oncle Sam pouvait devenir tout puissant de manière non-réversible à la fois dans l’ensemble de l’espace atmosphérique mais également extra-atmosphérique. Le fait que l’espace, jusqu’alors épargné par la militarisation, soit menacé a suscité de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale. Beaucoup ont vu dans cette initiative unilatérale une transformation du dernier domaine encore non perverti par l’action humaine. Un tel scénario les aurait rapprochés de réalité, jusque-là seulement développé dans la fiction hollywoodienne des grands films de l’époque tel que la trilogie des film Star Wars, épisodes IV à VI réalisé par Georges Lucas. Pour ces États, dont la France, l’espace devait rester un domaine consacré à la coopération, pensé comme un lieu de paix et de collaboration, excluant toute forme d’armement ou de militarisation. L’objectif était de ne pas en faire un champ de confrontation comme la terre, l’air ou la mer.

La France et Mitterrand contre les États-Unis d’Amérique et Reagan

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Au fil des différentes phases de coopération et de tension suscitées par les enjeux spatiaux, la position française face à la politique de militarisation américaine peut être vue comme l’un des premiers gestes diplomatiques visant à prévenir un futur conflit dans ce nouvel espace stratégique.

Lors de l’annonce de la Maison Blanche, l’Elysée a exprimé son incompréhension, voire son inquiétude et sans doute aussi sa frustration et son mécontentement sur l’orientation adoptée par la politique américaine. Si la première course à l’espace entre rivaux est historiquement connue (États-Unis versus URSS), le monde a eu l’occasion, en 1984, d’assister à la première rivalité spatiale entre deux puissances alliées et « amies » à travers le duel France & CEE (anciennement UE) vs les États-Unis.

Avec la nouvelle posture américaine, la diplomatie mitterrandienne s’est tournée vers ses partenaires européens pour concevoir une initiative européenne capable de venir concurrencer Washington. Cette étape majeure dans l’histoire de la conquête de l’espace extra-atmosphérique marque une véritable avancée dans la coopération européenne en matière de défense dans l’espace extra-atmosphérique. Ainsi, en 1985, la France et son nouvel allié du continent européen, la République fédérale d’Allemagne (RFA), lancent le programme EUREKA. Ce projet est une initiative pro-européenne qui a vocation à renforcer l’industrie et la compétitivité européenne dans le domaine technologique. De manière concrète, ce programme est un label qui permet à des projets nationaux d’obtenir des financements supplémentaires. Il est rejoint à l’époque par 18 pays dont la France, la Belgique ou encore l’Italie. Ce plan européen et intergouvernemental est considéré comme étant relativement souple, il ne contient en effet pas d’obligation d’engagement. À la fin des années 1980, plusieurs États européens se voient proposer le choix suivant : adhérer à l’IDS via une contribution financière, et ainsi se placer sous la protection (et on peut le dire la domination) américaine ou rejoindre le camp européen avec le plan EUREKA. Historiquement, on peut prendre le risque d’affirmer que Mitterrand a réussi son pari. D’une part, le programme « SDI » n’a pas pu arriver à terme, notamment parce que les technologies dont disposaient les autorités n’étaient pas assez évoluées. D’autre part, l’initiative EUREKA n’a pas connu un franc succès au sein de la communauté européenne même si elle a réussi à survivre face à la « SDI » puis à se développer à travers le temps. De sa première année (1985) jusqu’en 2007, le programme européen a engagé 25 milliards d’euros d’investissement dans approximativement 2 800 projets de l’Union.

2000-2016: développement technologique de pointe ; entre protection des intérêts gouvernementaux et coopération internationale

Le spatial au service de la sécurité

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Depuis les années 2000, les sociétés ont connu de nombreux événements géopolitiques qu’on peut considérer comme historiques : les attentats de 2001, l’arrivée du terrorisme islamiste, la crise financière de 2007, le début de vagues migratoires vers les pays de l’hémisphère nord, la montée du populisme, le réchauffement climatique et l’éclatement ou la reprise de conflits armés à haute intensité. La conséquence de ces circonstances a été une mise en lumière de l’intérêt des enjeux que représente l’espace extra-atmosphérique pour les États. De fait, les différents gouvernements, notamment issus de pays « puissants » militairement et économiquement tels que les États-Unis d’Amérique, se sont rendus compte que le contrôle de l’espace procure à la fois un rayonnement, une influence importante (soft power), mais aussi une capacité de contraindre un acteur (hard power).

Le fait de maîtriser l’espace extra-atmosphérique a démontré plusieurs avantages stratégiques pour les nations. Ainsi, en 2001, la traque d’Oussama ben Laden à la suite des attentats du 11 septembre de cette même année apparaît comme un cas d’école, quant à l’importance de contrôle de l’espace spatial. Après l’attaque d’Al-Qaïda sur les tours jumelles dans l’État de New York, à New York, l’ensemble des agences gouvernementales américaines (FBI, CIA, DIA) a utilisé des satellites afin de localiser, écouter et trouver les responsables de ce drame. Le film réalisé par Kathryn Bigelow, intitulé « Zero Dark Thirty », souligne de manière importante mais indirecte le rôle qu’ont joué les satellites dans la chasse à l’homme le plus recherché du monde pendant une décennie. Les images issues des satellites ont joué un rôle prépondérant dans l’orientation et la recherche de renseignement qui a mené à sa neutralisation. Ces satellites de reconnaissance optique ont donc été indispensables et  les plus connus sont ceux de classe : KH-11, Crystal et Kennan.

De manière plus globale, la capacité d’envoi de satellites par un État permet à ce dernier de se doter de compétences quasi visionnaires dans le champ géopolitique sur le long terme. Si cet objet spatial permet de trouver et d’identifier des cibles à haute valeur ajoutée, il permet également aux autorités d’éclairer au mieux leur prise de décision grâce à l’accès à plus d’informations de meilleures qualités.

A l’image de ce qui se passe dans l’espace maritime, les États ne maîtrisent aujourd’hui que deux types de véhicules spatiaux : les satellites et les fusées. Si l’efficacité des satellites est désormais incontestable, les fusées, quant à elles, conservent une dimension presque sacrée. Autrement dit, compte tenu de l’histoire récente, notamment la Seconde Guerre mondiale, un développement approfondi sur ce véhicule spatial, véritable incarnation, à ce jour, de la fameuse et potentielle « guerre des étoiles », mériterait un article à part entière.

La fusée symbolise à elle seule les enjeux et la compétition extra-atmosphérique entre les États. Elle incarne à la fois la puissance et la capacité d’un pays à projeter son influence au-delà de la Terre. Concrètement, une fusée est un véhicule propulsé par un moteur à réaction, capable d’évoluer dans l’atmosphère et/ou dans l’espace. Elle peut être utilisée pour transporter des charges explosives ou des dispositifs techniques. Certaines sont habitées, d’autres non, et elles peuvent avoir des usages civils ou militaires.

Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que les fusées constituent la première étape vers le développement de véritables vaisseaux spatiaux. Pour donner une image parlante, on pourrait comparer la fusée à une barque et le vaisseau spatial à un porte-avions à propulsion nucléaire : l’un rudimentaire mais essentiel, l’autre abouti et ultra-technologique. On distingue généralement deux grandes catégories de fusées : Les fusées militaires (non habitées), dites « classiques », qui transportent une charge offensive létale. Elles sont lancées depuis la surface terrestre, traversent l’espace extra-atmosphérique, puis retombent dans l’atmosphère pour atteindre leur cible. Toutefois, en raison de leur puissance destructrice, leur usage reste extrêmement limité. À titre d’exemple, les fusées M51 de la France sont tirées depuis des sous-marins nucléaires. Puis les fusées civiles (habitées ou non) ont, quant à elles, pour mission l’exploration, la recherche et le déploiement de dispositifs comme des satellites ou des stations spatiales (ex. : ISS 21), dans une logique pacifique. Elles incarnent le versant « soft » de la conquête spatiale.

La coopération dans le spatial

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Lors de cette période (2000-2016), plusieurs acteurs gouvernementaux, institutionnels et privés ont créé des partenariats stratégiques qui ont pour vocation l’exportation et la découverte ou le renforcement des acquis, tel que : l’envoi d’astronautes dans l’espace. Ces accords s’articulent autour de la mise en commun de ressources : moyen humain, technologique et financier. Au niveau public-privé, on peut citer le partenariat entre L’ESA (European Space Agency) et Arianespace/Ariane Group qui a été officialisé le 6 décembre 2024 et qui poursuit un triple objectif : garantir une autonomie d’accès à l’espace pour l’Europe, assurer la compétitivité des lanceurs européens et effectuer le service d’Ariane 6 (en remplacement d’Ariane 5). Parmi les autres partenariats, qui incarnent cette coopération spatiale, et qui éclipsent un peu l’idée d’une guerre des étoiles, le Programme Artemis & Accords d’Artémis apparaît comme un bon moyen d’apaiser l’éventualité d’un futur conflit. Le partenariat est conduit par les États-Unis via leur agence spatiale : la National Aeronautics and Space Administration, NASA. Elle réunit environ une trentaine de pays dont la France, le Japon ou encore le Brésil. L’objectif est de construire une base sur la Lune grâce à un travail commun. D’autre part, la partie sur les accords traite de la manière dont ces acteurs encadrent l’espace afin d’éviter des situations qui pourraient rendre le risque d’une guerre des étoiles plus réel que jamais. Au sein de ces dispositions qui permettent d’encadrer les actions et comportements des acteurs, on peut mentionner des obligations telles que la protection du patrimoine spatial ou l’utilisation responsable des ressources spatiales. La mise en place de tous ces dispositifs et engagements a montré que les gouvernements étaient capables de ne pas transformer ce nouveau terrain de découverte et d’exploration, en espace uniquement militaire promis à incarner les scénarios apocalyptiques de demain.

Et aujourd’hui ? La guerre des étoiles relève-t-elle encore de la science-fiction ?

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En résumé, la géopolitique de l’espace extra-atmosphérique a longtemps fait rêver plusieurs gouvernements, et pour des questions technologiques trop fragiles, leurs aspirations sont souvent restées au stade du rêve politique. Ce sont ces facteurs qui ont permis d’éviter l’émergence de conflits ouverts entre États dans l’espace extra-atmosphérique au XXᵉ siècle.

À l’aube de ce nouveau siècle, les cent prochaines années pourraient ne pas bénéficier de la même chance. Les investissements réalisés dans la recherche et  le développement (R&D) ont en effet permis de donner l’accès et de rendre l’utilisation de l’espace possible aux hommes de manière plus conséquente. J’entends par cela, l’accroissement de voyages, l’envoi d’outils technologiques (satellites), une exploration intensive et toujours plus lointaine de la galaxie. Plusieurs agences nationales et intergouvernementales ont d’ailleurs augmenté leur budget afin de développer leur activité dans l’espace. L’Agence spatiale européenne a ainsi augmenté ses fonds de 45 % entre 2020 et 2022. Quant aux acteurs spatiaux nationaux tels que le centre national d’études spatiales français, ils sont davantage soutenu par l’Etat afin de rester compétitif. En 2010, le programme français 193 « Recherche spatiale » avait un budget estimé à 1,393 milliard de dollars. À titre d’exemple comparatif, le budget de l’écologie, d’après la loi de finances, est estimé à 10,24 milliards de dollars. On observe donc une différence de 8,8 milliards de dollars, ce qui n’est pas anodin.

Il paraît alors évident qu’aujourd’hui, l’humanité est plus proche d’une guerre dans l’espace que jamais. En effet, le lancement de satellites et les résultats qu’ils produisent, que ce soit dans les airs, sur terre ou dans les fonds marins, ont démontré que la maîtrise de l’espace était indispensable puisque cela procure un avantage jusqu’ici, encore inégalé. Il permet, en outre, de se doter des premières cartes indispensables dans le jeu de la géopolitique mondiale : l’anticipation et l’identification de risque-enjeux (militaire, climatique etc) ou de comportement d’acteur. Ce constat a créé plusieurs effets en lien direct avec les enjeux spatiaux : le financement de projets spatiaux publics, mais aussi un encouragement de l’émergence d’entreprises privées dans le domaine spatial (création de fusées, recherche et développement) par des entreprises américaines telles que SpaceX.

À ce jour, il serait difficile de penser une « guerre spatiale » comme une guerre classique. La première raison est que la confrontation directe, de soldat à soldat, est compliquée à concevoir et à mettre en place. Ce siècle ne possède pas encore les technologies nécessaires pour envoyer des soldats combattre directement dans l’espace, que ce soit à court, moyen ou long terme. Dans ce scénario, nous sommes, comme l’était le président Reagan en son temps, limités à concevoir ce qui s’approche le plus du Dôme de fer détenu par l’État d’Israël. Les contours d’un tel conflit ne peuvent donc s’articuler autour de l’utilisation de satellites utilisés depuis la terre. De plus, il est très probable que ce type de future guerre ne concernerait pas uniquement les États à long terme mais aussi es entreprises privées, notamment américaines, telles que Blue Origin, possédant aussi plusieurs intérêts dans l’espace. Or, le fait que ces technologies appartiennent à de grandes puissances financières, parfois plus influentes que certains petits États, comme c’est le cas d’Elon Musk (358 milliards de dollars selon Forbes, mai 2025), fait qu’un incident touchant l’une de leurs infrastructures pourrait provoquer un véritable choc. Les ripostes possibles, aux formes multiples, seraient si variées qu’il serait difficile d’en dresser une liste exhaustive. Ce qui, au départ, pourrait sembler n’être que des dommages collatéraux pourrait en réalité engendrer de nouveaux types de belligérants, totalement inédits, et faire émerger une configuration de conflit jamais encore envisagée.

Il existe aujourd’hui une question qui mérite d’être posée et qui peut remettre en perspective tous les propos tenus jusqu’à présent : est-il nécessaire de se battre pour un espace qui est considéré comme infini ? Quel en serait exactement l’objectif ? Si ces interrogations peuvent prêter à réflexion, comme je l’espère, un autre sujet peut alors être abordé, à savoir les planètes. En effet, les différentes étoiles qui constituent notre système solaire deviennent de plus en plus des sujets de campagnes politiques prouvant dès lors que tout est politique et que la politique s’intéresse à tout. Le retour sur la Lune et l’accès à Mars sont aujourd’hui les priorités spatiales, non pas de gouvernements mais plutôt d’hommes à la tête de gouvernements et de milliardaires qui estiment que ce sont les prochaines étapes de la conquête spatiale. L’Amérique se fait d’ailleurs le porte étendard de cette thématique. Même si ces objectifs peuvent paraître symboliques, il reste controversé de considérer les enjeux spatiaux comme des priorités essentielles pour la survie et l’évolution d’un grand État surtout face aux urgences déjà déjà bien réelles sur terre, dans les océans et dans l’atmosphère comme le réchauffement climatique ou la montée des eaux.

Et si, finalement, grâce ou à cause de puissances financières et de volontés politiques, la R&D spatiale permettait demain ou dans quelques siècles, ne sait-on jamais, de pousser l’Homme dans un conflit dans les étoiles contre un belligérant qui ne nous ressemblait pas…


(*) Nathan Vauthier est étudiant en master 2 de Sécurité internationale, Cybersécurité et Défense à L’ILERI Paris et à l’université de Grenoble Alpes. Il est passionné parallèlement par le fonctionnement des négociations diplomatiques menées lors de conflits armés ouverts à haute intensité. Quant au sujet géopolitique de manière globale, il s’intéresse particulièrement à la diplomatie de défense américaine depuis le XXIᵉ siècle.