La panne des ETI
menace la croissance française

Alexandre Mirlicourtois (*)
Directeur de la conjoncture et de la prévision/ Xerficanal

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Loin de la focalisation sur l’instabilité gouvernementale, les analyses économistes ne peuvent qu’être préoccupés par les difficultés qui touchent les entreprises, notamment celles de taille intermédiaire dont le rôle est majeur.

 

Pilier essentiel de la croissance française, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont en mauvaise posture. Pour preuve, leurs défaillances atteindront un niveau record cette année et les perspectives d’un retour à la normale semblent bien maigres. ETI, si l’acronyme est familier, il est important d’en connaître le contour. Il s’agit d’entreprises qui, d’une part comptent entre 250 et 4 999 salariés, et d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1,5 milliard d’euros, ou un total bilan ne dépassant pas 2 milliards. Petite subtilité, une entreprise qui a moins de 250 salariés mais plus de 50 millions de chiffre d’affaires et plus de 43 millions d’euros de total bilan intègre l’ensemble.

Croissance menacée

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L’Insee dénombre un peu plus de 6 200 ETI, un chiffre en hausse jusqu’à peu. Bien qu’elles représentent seulement 0,2% du tissu productif, elles emploient près de 3,5 millions de personnes soit le quart des salariés du privé et sont à l’origine de 26% de la richesse créée par les entreprises hors finance et agriculture. Elles sont aussi globalement plus innovantes que les autres catégories d’entreprises et réalisent une part importante des investissements effectués sur le territoire. Elles se distinguent enfin par leur orientation manufacturière ce qui leur confère un rôle essentiel dans le commerce extérieur.

Or, les ETI sont entrées dans une zone de fortes turbulences selon le baromètre Palatine-Meti. Les dirigeants expriment un pessimisme croissant sur l’évolution de leur activité : 58,1% se disent inquiets pour le 4ème trimestre; un sur deux anticipe désormais une baisse de leur chiffre d’affaires en moyenne sur l’ensemble de l’année. Leur vision pour les 3 premiers mois de 2025 est plus noire encore, puisque près des trois-quarts des répondants s’attendent à un recul. Ces difficultés trouvent leurs origines dans des facteurs conjoncturels multiples : ralentissement économique mondial, tensions géopolitiques, protectionnisme accru aux États-Unis, concurrence chinoise exacerbée, incertitudes politiques et budgétaires en France.

Répercussions étendues

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Sur le plan financier, la situation est également préoccupante. Quatre chefs d’entreprise sur 10 constatent une dégradation de leurs trésoreries. Si l’explosion des défaillances est l’élément le plus spectaculaire de l’accumulation des difficultés qui s’abat sur les ETI, trois autres signes doivent plus particulièrement alarmer sur les impacts macro-économiques de leur décrochage :

  • En matière d’emplois tout d’abord. La tendance est mal orientée avec une baisse massive des créations dont le rythme a été divisé par plus de deux. Compte tenu de l’évolution des suppressions d’emplois, le solde reste positif mais avec 1 070 créations nettes seulement, c’est le pire trimestre depuis 4 ans. Cela ne va évidemment pas dans le bon sens. Cela ne va évidemment pas aider à contenir la progression du nombre de chômeurs en accélération depuis la rentrée.
  • En termes de montants investis, l’arrêt est brutal. Seuls 1,5 milliards d’euros ont été investis par les ETI cet été, et sur les 9 premiers mois de 2024, ils ont chuté de 25% en valeur par rapport à la même période de 2023.
  • Cet effondrement des investissements limite la capacité à innover et à rivaliser face à une concurrence internationale de plus en plus agressive. L’évolution de la balance commerciale montre déjà combien le tissu productif français peine à la fois à s’imposer à l’extérieur mais aussi à maintenir ses positions à l’intérieur. Moins d’ETI ou affaiblies et c’est la certitude de rester ou de s’enfoncer plus loin encore dans le rouge.

Mais le rôle des ETI ne se limite pas à leur impact direct. Elles jouent un rôle structurant pour les PME en agissant comme des partenaires stratégiques dans les écosystèmes économiques locaux et régionaux. Grâce à leur taille intermédiaire et à leurs capacités, elles servent souvent de relais entre les grandes entreprises et les PME. Quand les ETI vacillent, c’est la croissance française qui est menacée à court, moyen et long terme.

Vidéo publiée le 5 décembre 2024 sur le site Xerfi Canal

 

https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-La-panne-des-ETI-menace-la-croissance-francaise-_3753448.html

(*) Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi depuis 2006, est en charge de la direction économique et quantitative des études sectorielles et responsable des scénarios macro-économiques. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis.