PENSÉE DU TERRAIN : LETTRE À UN JEUNE ENGAGE
SERVI
GÉNÉRAL D’ARMÉE (2s) PIERRE DE VILLIERS
ANCIEN CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉE
Servir
Mon cher camarade,
Depuis le jour où vous vous êtes engagé pour servir votre pays, ce mot de « service » – dont vous connaissez maintenant l’exigence et dont vous acceptez les contraintes -, n’a plus cessé de faire partie de votre quotidien de soldat : « service de semaine », « années de service », « service à la mer », « service aérien commandé », « note de service », « service de santé », « service d’une arme »… La liste est longue.
Si le mot occupe, à ce point, notre vocabulaire, c’est bien parce que le service est au cœur de la vie que nous avons choisie. Vous l’avez rapidement découvert, dès les premières semaines, dans la discrétion et le désintéressement des missions du quotidien.
Il y a quelques années, évoquant le sens du service, un sous-officier, déjà un peu ancien, m’a dit quelque chose que je n’ai pas oublié : « Je me suis engagé pour l’aventure ; j’ai vite compris que j’avais choisi une vie de service. Alors j’ai servi et, dans le service, j’ai eu la surprise de découvrir l’aventure ». Il y a beaucoup de sagesse dans cette phrase.
Comme ce sous-officier, je ne vous dirai pas que le service est un chemin facile et plaisant. Le service « en tous temps et en tous lieux » est, au contraire, une voie exigeante, qui demande de la persévérance, de l’abnégation et du travail.
Mais, comme lui, je peux vous dire que c’est une formidable aventure. Un chemin escarpé. Un chemin exposé. Un chemin pour lequel il vaut mieux être encordé. « S’élever par l’effort » ; cette devise est magnifique !
Servir pour le succès des armes de la France nous expose. Tous nous avons librement accepté cette exposition au danger et l’éventualité de payer un prix élevé. Il y a de la grandeur dans le service de son pays parce qu’il y a, derrière, l’acceptation du sacrifice. Chacune de mes visites à l’hôpital Percy, auprès de nos blessés, est pour moi une leçon de courage. « Un service vaut ce qu’il coûte ».
Servir pour le succès des armes de la France est, aussi, une aventure collective. C’est là que réside l’opposition fondamentale entre « servir » et « se servir ». En choisissant de servir, nous décidons de faire passer notre intérêt personnel au second plan. En contrepartie, nous découvrons l’extraordinaire richesse de la cohésion. Celle qui nous permet d’aller toujours plus haut et de découvrir qu’on a plus de plaisir à donner qu’à recevoir.
Servir pour le succès des armes de la France est, surtout, un chemin des cimes. Nous ne sommes pas au service d’une personne, ni d’un groupe de personnes, ni même uniquement d’un chef. Nous ne sommes pas davantage au service d’une idée et encore moins d’une idéologie. Nous sommes au service d’un pays – la France –, à travers la difficile mission qui nous a été confiée, collectivement, de la protéger. Ce que nous servons – le bien commun – nous dépasse et, en même temps, nous en incarnons une part.
Protéger les Français est notre honneur de soldat. Servir est notre ADN, qui privilégie les devoirs plutôt que les droits, le sens de la mission plutôt que l’intérêt personnel, la responsabilité plutôt que le pouvoir, la disponibilité plutôt que le calcul du temps de travail.
Servir exige des chefs attentionnés et des subordonnés loyaux. Ne dit-on pas, d’ailleurs, que « toute autorité est un service » ? J’aime beaucoup cette phrase.
Fraternellement,