À
UN JEUNE ENGAGÉ
Mission
CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES·LUNDI 3 AVRIL 2017
Mon cher camarade,
Ainsi que je vous l’écrivais dans ma dernière lettre, notre continent européen est confronté à une élévation sensible du niveau de la menace. Dans ce contexte particulier, la France doit, plus que jamais, veiller à conserver la maîtrise de son destin, en s’opposant, avec fermeté, à toute forme de contestation, terroriste ou étatique.
« Le maintien de la souveraineté nationale fonde la mission des forces armées ». Autrement dit, la France compte sur ses armées pour lui assurer de ne jamais avoir à subir la volonté de l’adversaire. Comme militaire, vous êtes acteur de cette ambition : protéger la France et les Français. C’est une responsabilité importante ; une mission essentielle qui, dans un monde ouvert et avec le niveau de menace que je vous ai décrit, ne peut s’envisager que dans la profondeur.
Au plus loin, c’est la défense de l’avant. Face au phénomène terroriste, nos forces ont contre-attaqué avec succès au Sahel, dans un cadre national, et au Levant, intégrées à la coalition internationale. Dans le même temps, face aux dérives de certains États-puissances, la France affiche sa détermination en opposant sa capacité de dissuasion nucléaire et participe aux «mesures de réassurance», dans le cadre de l’OTAN.
Plus près de nous, c’est la défense des approches de notre territoire, dans des milieux où l’activité des États-puissances est croissante. Les postures permanentes de sauvegarde maritime, d’une part, et de sûreté aérienne, d’autre part, protègent nos côtes par un maillage adapté et sanctuarisent notre espace aérien grâce à nos avions de chasse, en « alerte 7 minutes ».
A l’intérieur, enfin, c’est la protection du territoire national et de nos concitoyens. Il s’agit d’une stratégie globale qui vient s’inscrire en complémentarité de l’action des forces de sécurité intérieure. Je pense, ici, à tous nos efforts dans le domaine du cyber et de l’espace. Je pense, également, à la posture de protection terrestre, articulée autour de la défense de nos emprises militaires, de nos « plans catastrophes naturelles », mais aussi, bien sûr, de l’opération Sentinelle. Comme vous avez pu le remarquer, les réservistes y ont toute leur place. Nos armées ont besoin d’eux et notre pays compte sur eux pour raffermir l’ « esprit de défense », signe de la vitalité et de l’ambition d’une nation.
Au terme de ce rapide « tour d’horizon » de nos missions, je voudrais vous dire quelques mots sur l’esprit avec lequel nous devons les aborder. Une expression, bien connue, l’exprime parfaitement : « le culte de la mission ». Autrement dit, la mission reçue n’est pas une base de discussion. Elle appelle, au contraire, un engagement entier et, au besoin, l’acceptation du sacrifice ultime pour sa réussite. Elle exige, également, une cohésion totale et une vraie fraternité. Nous en avons déjà parlé. Cela concerne l’ensemble de la communauté de défense, dans laquelle les personnels civils prennent aussi toute leur place.
En contrepartie, il y a deux conditions. Premièrement, la mission doit être élaborée dans le respect strict de nos valeurs et de nos principes. Nous y veillons. Deuxièmement, les moyens accordés doivent, évidemment, être en cohérence avec la mission reçue. Les moyens, après les menaces et les missions : ce sera le thème de ma prochaine lettre.
Fraternellement,
Général d’armée Pierre de Villiers