UNE REFORME EN TROMPE L’ŒIL : LA GARDE NATIONALE
Général (2S) Claude Ascensi
On nous l’avait promise. On l’a eue. La Garde nationale est née le 13 octobre 2016 par décret n° 2016-1364 publié au Journal officiel du même jour. Tous ceux qui, attentifs aux problèmes de sécurité, attendaient de cette création un bouleversement en profondeur de notre système de défense seront probablement restés sur leur faim. Qu’en est-il exactement ?
Depuis la fin des années 90, il était admis que le nouveau modèle d’armée issu de la professionnalisation devait, pour fonctionner correctement, faire largement appel aux réservistes. Ces derniers devaient apporter aux forces d’active les compléments d’effectifs et de compétences nécessaires en cas de besoin. Pour que ce système rende les services attendus, il était indispensable que la réserve bénéficie de ressources budgétaires et d’un soutien politique constant pour pouvoir recruter, former, employer et fidéliser des volontaires en nombre suffisant. Malheureusement, aucun des objectifs initiaux n’a pu être atteint aussi bien en termes de budgets que d’effectifs. Pour de strictes considérations budgétaires, les quelques mesures envisagées pour favoriser le recrutement, l’emploi et la fidélisation des réservistes ont été systématiquement torpillées par Bercy. Comme la cigale du bon monsieur de La Fontaine, la réserve s’est trouvée fort dépourvue lorsque la bise est venue. En l’occurrence, le terrorisme et l’insécurité sur le territoire national … Les armées, aux effectifs dangereusement amenuisés et elles-mêmes engagées sur différents théâtres, ont du faire appel à cette réserve qui, pour les raisons précédemment décrites, s’est révélée incapable de rendre le service attendu à l’échelle voulue.
Il fallait donc rattraper le temps perdu sans faire état des négligences passées. C’est alors que certains ont lancé l’idée de « Garde nationale » dont le seul nom devait permettre de tirer un trait sur le passé. Elle ne pouvait toutefois jaillir ex nihilo. Il fut donc décidé de faire du neuf avec du vieux en apportant à la réserve traditionnelle les améliorations tant de fois demandées et tant de fois refusées : accroissement considérable du budget, mesures incitatives à l’engagement, primes de fidélisation, aides diverses aux volontaires, crédits d’impôts pour les employeurs, etc. Ce qui était impossible hier est devenu brutalement indispensable aujourd’hui. Ainsi, les effectifs de la réserve opérationnelle passeront-ils de 63 000 à 85 000 d’ici 2018 alors que le budget de 81,9 M€ en 2015 s’élèvera à 311 M€ en 2018. Ces mesures se sont accompagnées d’une modification d’appellation par le regroupement sous le même vocable de « Garde nationale » des réserves opérationnelles des armées, de la gendarmerie nationale et de la police, chacune d’entre elles restant sous la responsabilité de son ministère d’appartenance. La création concomitante de nouveaux organes de coordination, de concertation et d’études complète le dispositif, mais porte en germe la question de leur articulation avec les dispositifs déjà existants, notamment le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), dont les attributions recoupent largement celles des nouveaux organismes. Mais, comme disait Kipling, ceci est une autre histoire …
Général (2S) Claude Ascensi