L’Europe face aux Etats-Unis : stratégiquement à la traîne

Denis Jacquet (*)
Avocat fiscaliste chez Baker & Mac Kenzie

L’Europe décline. C’est une réalité que seuls les Européens veulent ignorer. Personne ne met un pays Européen dans le top 10 des pays les plus puissants en 2050.  Moins visionnaire que la Chine, investissant infiniment moins que les USA, impuissante sur les évènements internationaux, divisée et sans stratégie, elle n’est pas taillée pour la puissance brutale de Trump et le génie Chinois. Sa classe politique ressemble aux ailes de l’albatros de Baudelaire. Elle ne court plus depuis longtemps et ne parvient même plus à marcher. L’incompétence crasse dénoncée par tous désormais des présidences Macron et le statuquo de l’Allemagne, fait du moteur de l’Europe un pneu crevé. Trump risque de nous asséner le coup de grâce.

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USA-EUROPE: « 50 nuances de grey »

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« Lorsque je regarde dans le miroir j’ai honte, quand je me compare, c’est pire ». Cette très mauvaise paraphrase peut néanmoins s’appliquer à la perfection quand on compare l’Europe et les USA. Nous avons désormais en ce bas monde, une 2 CV et une Ferrari et aucun mécanicien à l’horizon pour espérer changer le moteur et la carrosserie. Cela fait plus de 15 ans que sur les 10 critères qui permettent de mesurer le droit d’espérer un avenir meilleur, il n’en est pas un seul qui place l’Europe sur l’échiquier mondial à 2050. Dans le top 5, on prévoyait que l’Allemagne parviendrait à conserver sa place, mais désormais le pays de la bière sent le sapin, son leadership industriel fuit de toute part, notamment en Chine qui devient plus innovante et plus spécialisée qu’elle, en version discount.

Pourquoi sommes-nous si mauvais, alors que les Français sont si bons ?

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Les raisons sont nombreuses, mais tiennent quand même beaucoup aux inepties politiques qui marquent au fer rouge nos divers pays en Europe. Il n’est plus contestable, ni même politiquement incorrect de dire que le gouvernement Macron aura mené le pays au sommet de l’incompétence. Les chiffres sans cesse aggravés de la dette, à l’insu du plein gré d’un Ministre des Finances pour qui l’économie resta un mystère, suscitent l’incrédulité de tout élève de CAP redoublant. L’Allemagne ne parvient plus à se renouveler et Angela Merkel a été un remarquable outil du maintien du statu quo, certes, mais dans un monde où l’immobilisme n’est plus en marche. L’Italie riche d’un « super Mario » (Mario Draghi) à qui il aura fallu 800 pages et 15 ans pour réaliser que l’Europe avait raté le coche du virage technologique et qu’il fallait appuyer sur l’accélérateur d’urgence. Ce que de modestes entrepreneurs comme nous, disions depuis déjà plus de 10 ans et en 1,5 pages. Bref, notre classe politique est ignorante, celle des USA n’est pas toujours plus brillante, mais l’économie dépend moins d’eux. C’est toute la différence.

Parmi les critères qui expliquent le succès possible d’une nation, il y a de nombreux éléments. L’investissement. La fiscalité. La stabilité juridique. L’indépendance et l’accès aux ressources essentielles. La dette. Les brevets. La recherche…etc..

L’un des plus importants à ce jour, reste l’investissement. La dette est également un critère clé, mais tout dépend de sa composition. Elle est infiniment plus lourde aux USA, mais elle est non seulement composée d’une masse plus critique d’investissements et non un tonneau percé de coûts de fonctionnement insensé comme en France notamment, mais elle est aussi compensée par une fuite en avant positive, alimentée par la croissance. Enfin quand on parle d’avenir, l’indépendance et l’accès aux ressources est essentiel, et sur ce terrain, nous cédons aux BRICS la plus grande partie des ressources mondiales dont l’humanité aura besoin demain pour prospérer et seuls les USA peuvent encore y résister et combattre.

L’investissement tout d’abord. Sur la partie non technologique, il reste à l’Europe de beaux restes. Elle investit encore. Les grandes entreprises, sont de belles machines incrémentales, fondées sur de bonnes vieilles habitudes. On ne change rien, on investit là où l’on a pied et on évite de s’aventurer au-delà. Sur ce point, nous faisons jeu égal avec le reste du monde.

Sur les investissements technologiques, nous sommes 6 fois moins investisseurs que les USA et plus de 3,5 fois moins que la Chine. Par tête d’habitant. La « brillante » Ursula, réélue sur d’autres critères que la compétence, déclarait ainsi à Davos, en février dernier, que nous devions nous emparer du sujet de l’IA. Je parle bien de 2024 !!! La Chine a commencé il y a plus de 12 ans. Macron a annoncé un plan de 500 millions en 2022 ; autant dire de l’argent de poche, quand la 20ème ville chinoise investit, dans le même temps, près de 2,5 milliards. De quoi rire jaune. Nous sommes totalement dépassés sur cette technologie, mais aussi sur le quantique, l’espace, les puces…

En clair, dans la boule de cristal de l’avenir lié à la technologie, aucune sœur Anne ne voit rien venir en Europe !

Et quand il s’agit des ressources nécessaires aux data-centers, aux batteries des véhicules électriques, aux métaux rares de nos téléphones, nous sommes et serons totalement dépendants du reste du monde. JD Sénard, président de Renault, le rappelait encore récemment, en moquant un continent qui veut de l’électrique, mais n’a pas de supply-chain pour se fournir en matériaux nécessaires pour l’alimenter.

La lourde perte d’une assise européenne en Afrique

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La calamiteuse politique africaine de ce gouvernement nous a aliéné le Burkina, le Niger, le Gabon. Autant dire le bois, l’uranium, le lithium, l’or et tant d’autres ressources livrées aux Russes. Notre incapacité à vouloir exploiter ce qui constitue une des plus grandes réserves au monde de métaux rares (notamment) qui se trouvent au pied d’un littoral le plus important au monde (grâce au DOM TOM), nous prive de ressources qui nous tendent pourtant les bras.

Les USA l’ont compris. Depuis 2 ans, ils accélèrent en Afrique, pour ne pas la laisser aux mains des Russes et des Chinois. Ces derniers, associés dans les BRICS à l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Venezuela, la Russie etc.. sont à la tête de ressources qui feront de l’Europe leurs vassaux dans les 15 années à venir.  A nouveau, seuls les USA ont une politique comparable. La Chine et le Moyen-Orient achètent depuis 10 ans des terres agricoles, l’or vert véritable du futur, et Bill Gates, à lui seul, est devenu l’un des plus gros propriétaires de terres agricoles au monde.

L’offensive américaine is back

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L’inflation-Act de Biden, un lourd débit à mettre à son crédit, a attiré tous les plus gros investissements de la terre et permis une réindustrialisation basée sur un prix compétitif de l’énergie, pendant que l’Europe étouffe ses PME (63 000 liquidées en France ces 12 derniers mois), non seulement en les ayant condamné par une politique Covid dont nous réalisons enfin qu’elle était insensée et mortifère, et en leur assénant le coup final par des coûts stratosphériques de l’énergie. Elle est pourtant disponible en telle quantité que nous l’exportons. Une folie, doublée par la duplicité de l’Allemagne de Merkel qui a tout fait pour tuer le nucléaire en France, et continue à voter pour des appels d’offres européens qui sont gagnés par les USA et la Corée contre EDF, et fait rouler ses voitures électriques au charbon. Quand on a des amis comme ceux-là, nul besoin d’ennemis.

L’arrivée de Trump au pouvoir va ouvrir une ére de négociation intense. Menaces de droits de douane accrus, investissements massifs dans la Tech et l’IA sous la houlette et les conseils de Musk, dans l’espace et j’en passe. Comme les Chinois il menacera de taxer ce que nous savons exporter, nos avions, nos alcools, notamment, en échange d’ouverture à ses produits agricoles et autres. Il va accroître le leadership des USA de l’IA, en négociant (comme Biden) un Yalta avec la Chine sur ce point précis, excluant totalement l’Europe pour qui il n’a que peu de considération, surtout pour Macron, lui préférant pour les négociations sur l’Ukraine, Viktor Orban. Naïve, désordonnée et sans vision, l’Europe va être rasée mais pas gratis.

 

Il faudrait donc que le couple franco-allemand retrouve la lumière, mais elle semble avoir perdu l’accès à l’interrupteur depuis un long moment, et rien n’indique que personne ne soit susceptible de lui en montrer le chemin. Super Mario ? Un homme est bien peu de choses face à la machine à dévorer et enterrer les rapports les plus fins, qui ont pour désavantage de mettre à jour l’incompétence de ce « machin » divisé, naïf, sans stratégie, passionné par l’investissement dans les armes pour l’Ukraine, pour ce qui tue, au lieu de se concentrer sur ce qui donnera la vie demain.

Désormais le numéro de téléphone européen répondra sur la ligne de Viktor Orban, pendant que les autres standardistes, choisis pour leur asservissement (Ursula) ou leurs amitiés particulières (Séjourné), continueront à répondre aux abonnés absents sur les sujets économiques.

Trump pourrait achever une Europe déjà au sol !


 

(*) Denis Jacquet est diplômé d’HEC (89) et titulaire d’un Maitrise de Droit des Affaires. Il est avocat fiscaliste chez Baker & Mac Kenzie, dirigé par Christine Lagarde.

Il est, depuis l’âge de 25 ans, entrepreneur et a développé plusieurs entreprises qu’il a revendues. Il est désormais fondateur et CEO de Top Cream, un service B2B, sorte de Netflix des meilleures conférences mondiales. Par ailleurs, il est chairman (USA) de la principale ONG Sahélienne, SOS SAHEL, dédiée à l’Afrique sahélienne et son développement économique pour le recul du désert. www.sossahel.org. Il est également l’auteur de livres à succès (Ubérisation : Un Ennemi qui vous veut du bien ? (Dunod) et Pourquoi votre prochain patron sera Chinois (Eyrolles).

Il est chroniqueur chez Atlantico et un habitué de CNews, Europe1, BFM business, RCF…

Son dernier livre, COVID : Début de la Peur, fin d’une démocratie, a été publié, en 2021, aux éditions Eyrolles.