L’AFFAIRE SKRIPAL
ET
LA RÉÉLECTION
DE VLADIMIR POUTINE
Jean-Pierre Arrignon
L’affaire Skripal a occupé les médias et l’Europe, elle concerne la tentative de meurtre, le 4 mars à Salisbury, par un gaz innervant, de l’ex-agent du KGB Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia. Le gouvernement britannique en la personne de Madame Theresa May, sans attendre les conclusions de l’enquête, a accusé la Russie et son Président d’être les commanditaires de cette tentative de meurtre et a immédiatement sollicité les 27 autres Etats européens pour manifester leur solidarité et adopter des mesures de rétorsion à l’encontre de la Russie. Cicéron attribuait au juge Julius Cassius longinus Ravilla, cette formule Cui Bono/A qui profite-t-il ?
Il paraît étonnant que le Président russe ait ordonné l’élimination d’un homme, condamné à 13 ans de prison pour trahison, échangé contre des espions russes aux Etats Unis en 2010, à une semaine de l’élection présidentielle russe et à trois mois de l’ouverture de la coupe du monde de football !
D’autre part, la méthode employée semble révéler un réel amateurisme ; la règle d’or des services secrets est d’éliminer à l’instant les personnes visées, ce qui n’est pas le cas. D’autre part, le gaz innervant utilisé, le Novitchok, n’est pas une spécialité russe exclusive, puisque les Etats Unis l’ont développé depuis 1998 sous le code A 234. Enfin Mme Th. May a refusé de collaborer non seulement avec la Russie mais aussi avec l’OIAC organisme onusien chargé de gérer les armes chimiques, comme l’exige les lois internationales !
A la différence du Président français pour qui « il n’y a pas d’autres explications plausibles », le leader travailliste, S. Corbyn, a refusé d’attribuer à Moscou l’empoisonnement de Salisbury et a pointé surtout l’activité de blanchiment des oligarques russes à la City.
L’empressement de Mme Th. May à accuser la Russie peut aussi se lire à l’aune de la difficile négociation du Brexit. Elle a saisi l’opportunité de rassembler l’opinion publique anglaise à ses côtés dans une accusation antirusse qui fait toujours recette et d’apparaître aux yeux des Etats européens comme le fer de lance de l’opposition à la « menace russe », s’attirant le soutien de la Lituanie, de la Pologne, de la France notamment et des Etats-Unis, chef de l’OTAN !
Cette tentative d’assassinat n’est pas aussi évidente que semble l’affirmer Mme Th. May ; il eut été sage d’attendre les conclusions de l’enquête avant de jeter le haro sur la Russie !
Le 18 mars 2018, Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Fédération de Russie avec 76,69% des voix sur un taux record de participation de 67,98%. Son gouvernement ne sera formé qu’après son investiture début mai 2018. Quant à son programme, il sera centré sur la croissance de l’économie russe, le développement du système de santé, de l’éducation, de l’industrie, des infrastructures et de la sécurité et de la défense. Ainsi la politique intérieure sera le principal objet de la sollicitude présidentielle. La politique extérieure passera au second plan tant vis-à-vis de l’Europe que des Etats Unis. Retenons les propos d’Evguénij Primakov « Nos n’avons jamais cherché de confrontation avec l’Union européenne ; nous cherchons à voir en l’UE un partenaire possible et clair avec qui nous pouvons avoir des relations et commercer. » Espérons que la France pourra poursuivre ses bonnes relations commerciales avec la Russie puisqu’elle est devenue le premier investisseur étranger en Russie avec 13, 9 milliards de dollars investis pour le 1er trimestre 2017 !
Toutefois, l’expulsion de diplomates russes de 14 pays européens dont la France et l’Allemagne, en représailles de l’affaire Skripal, place l’Europe dans la dépendance politique et économique de la mouvance anglo-saxonne otanienne, repoussant la Russie de plus en plus vers l’est, vers l’organisation de Shangaï.
Il est certain que les 14 pays de l’Union européenne ne seront pas considérés des partenaires possibles et clairs », à la différence des 10 qui ont su résister aux pressions anglo-américaines ! Ces réponses concertées et coordonnées seront suivies de représailles.
Faisons attention à ne pas tomber dans la logique de Clausewitz : La guerre est une action violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté »
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