Déni présidentiel, crise nationale et risée internationale

Pascal Le Pautremat
Rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF

.
Ainsi, l’actuel locataire de l’Elysée s’accroche à son poste, obstiné autant qu’aveuglé, refusant d’admettre qu’il est temps de remettre l’avenir du pays entre les institutions et dans les mains des citoyens français, après des années de calamités cumulées depuis 2017.

La France est en repli et retrait, partout et dans tous les domaines.

À l’étranger, la presse est sans appel face à l’actuel chaos de la vie politique qui persiste en France. Le quotidien suisse Blick, dans son édition du 10 octobre, résume ainsi la situation avec ce titre explicite : « Macron renomme le kamikaze Lecornu sur un champ de ruines ». La Stampa, journal italien, souligne, pour sa part, le « […] pari dangereux pour le président français qui, en accordant à nouveau sa confiance à son fidèle d’entre les fidèles, risque de braquer davantage une France incapable, du moins en apparence, de surmonter l’instabilité politique dans laquelle elle est plongée ». Pour le journal belge, Le Soir, la situation française est comparée à « […] une mauvaise série à suspense qui semble s’étirer sans fin ». Quant au journal américain The New York Times, il souligne que « Le gouvernement français est (encore) tombé » et que tout relève d’un « assortiment d’options imparfaites, déplaisantes même ». Plus francs, The Independent et Politico Europe déplorent de manière claire une « farce en France »…

Le journalisme télévisé n’est pas reste avec des formules lapidaires autant que sans appel. Sur Blombeg Television, en apprenant le retour de Sébastien Lecornu à Matignon, une journaliste a même lancé : « C’est comme une bonne série télé ». Sur CNN, une journaliste assimile Emmanuel Macron à un volatile bien mal en point :« Si cette impasse politique continue, ce qui est très probable tant qu’il sera président, il n’y a tout simplement aucun moyen de contourner cela, il est difficile de voir une alternative à une sorte de présidence de canard boiteux ». Sur Al jazeera English, de façon plus pudique et en retenue, on évoque un « effondrement choquant » de la politique française.

Le coup de grâce, dans une certaine mesure, est asséné avec les observations teintées d’ironie et d’un léger sarcasme, de Donald Trump, très au fait de la nature des hommes et de la réalité française. Au sommet international sur l’avenir de Gaza, lundi à Charm el-Cheikh, le 13 octobre, devant une tribune de dirigeants mondiaux, le président américain a fait mine de chercher du regard Emmanuel Macron avant de lancer : « Emmanuel ? J’imaginais qu’il était quelque part derrière moi. Où est-il ? Je n’arrive pas à y croire ; tu te fais discret aujourd’hui ! » Et peu après, de congratuler Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, seule femme parmi les dirigeants réunis, non seulement pour sa beauté mais surtout pour ses qualités de femme politique : « Elle est très respectée en Italie ; une dirigeante très performante »…On ne peut être plus clair.

Ne faisons pas mine, non plus, de n’avoir rien vu ni entendu, encore moins compris : les innombrables opérations de marketing – et non pas de communication – des années durant, et surtout lors de diverses phases de tensions ou de crises, sciemment exacerbées pour mieux manipuler et convaincre, ont certes brouillé la réalité qui se jouait en catimini à l’Elysée. Mais la duplicité du président élu – et réélu – était palpable. Pire, on se demande comment cet homme a pu ainsi être reconduit à la direction du pays, alors que jamais nous n’avons entendu de véritables satisfactions à son égard. Qui, autour de vous, a fait – ou entendu – des éloges sur cet homme ?

La « macronie » restera un programme soi-disant porteur pour le pays et qui s’avère, selon les secteurs, soit creux et sans portée bénéfique, soit catastrophique : c’est une évidence au niveau socio-économique et sanitaire, dans le sillage des mandats des présidents précédents qui ont, eux aussi, torpillé l’Etat providence et le système de Santé, déstructurant toujours un peu plus le maillage national. Il suffit d’observer la situation actuelle pour en dresser un constat glaçant…

Aujourd’hui, la superficialité et l’imposture de ce que représente le locataire de l’Elysée ne peuvent plus être occultées ; au contraire, elles éclatent au grand jour et achèvent de convaincre les derniers récalcitrants qui tentaient de se rassurer vis-à-vis d’un homme qui, se croyant au-dessus de tout et de tous, a su – certes – fédérer des espoirs, en premier lieu. Mais, à deux ans de la fin de son second mandat, il est désormais bien isolé, désavoué par ses « amis » de la première heure, perdu dans son palais élyséen, appuyé par un ministre multitâche, moine soldat ayant glissé de l’Hôtel de Brienne à celui de Matignon, symbole d’un dernier carré de fidèles qui s’amenuit de semaine en semaine.

Vue de l’hexagone, la crise politique actuelle donne le sentiment d’une véritable confiscation de l’Exécutif et de blocage délibéré du jeu institutionnel inhérent à la Vème République. Cela ne fait rire personne, et les citoyens oscillent entre stupéfaction et abattement, colère et lassitude.

En 1956, sortait le film de Mark Robson, Plus dure sera la chute (The Harder they fall) avec Humphrey Bogart, inspiré du parcours du boxeur Primo Camera (1906-1967), montrant la manipulation d’un système mafieux qui érige en champion un homme au gré de matchs truqués d’avance, sans que ni lui, ni le public ne le sachent. Mais quand la vérité éclate, tout s’effondre.

Plus dure sera la chute, peut être aussi un adage qui s’applique à bien des personnalités…

Que reste-il des présidences passées ? L’image que reflète Nicolas Sarkozy et ses anciens collaborateurs du premier cercle est effroyable, avec ces procès en série et condamnations. François Hollande laisse surtout l’image d’un président de région, amoureux de la Corrèze et de ses habitants…

Que restera-t-il d’Emmanuel Macron dans l’Histoire ? L’instabilité, l’inconstance, la suffisance ? Un jusqu’aboutisme au profit de l’Union européenne sans se soucier de l’état de la nation ? Même l’Union européenne apparaît aujourd’hui en crise de crédibilité et de rayonnement, minée par ses divergences internes et son incapacité à s’imposer avec force sur la scène internationale.

Quant au monde entrepreneurial français, il s’avère figé devant tant les incertitudes passées et surtout à venir…Le monde entrepreneurial enregistrait, en septembre, la pire période de défaillances d’entreprises depuis 16 ans ; soit 6 800 selon une étude du groupe Altarès, parue le 14 octobre et citée dans Capital. Il est même fait état de 14 371 défaillances d’entreprises au 3ème trimestre 2025, soit une hausse de 5,2 %, avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Corse classées « dans le rouge »…

Tout le monde attend un cap, une vision, une boussole stratégique… En vain…

Assurément, nous sommes loin des grandes périodes de l’histoire contemporaine où des Churchill, de Gaulle faisaient bouger les lignes, affrontaient les affres de la guerre, descendaient dans l’arène et traversaient des périodes terribles, en acteurs, stratèges et visionnaires.

Après Emmanuel Macron, on ne voit absolument pas de véritable figure politique crédible et synonyme de cohésion nationale capable de prendre le relais de manière convaincante…et surtout rassurante.

Nous sommes donc bien dans une double crise de notre pays : une crise d’identité et une crise de régime.

 


Dans ce 266ème numéro d’Espritsurcouf, Michel Goya revient sur le contexte qui, aux Etats-Unis, entoure le meurtre survenu le 10 septembre 2025, à l’Université de la Vallée de l’Utah, de l’influenceur conservateur Charlie Kirk ; entre miliciens, réseaux complotistes et crise politico-sociale : « Les Minutemen et le chaos qui vient » (Rubrique HUMEURS).

Sur le plan européen, Pierre Houste propose la synthèse des études d’analystes concernant la Communauté politique européenne, quant à sa situation et son devenir : « La communauté politique européenne (CPE) » (Rubrique GEOPOLITIQUE).

La posture des femmes est au cœur d’un thème original autant que précieux : face à la menace de nucléarisation des tensions durant la guerre froide. Sarah Caron offre ainsi une étude conciliant, sociologie, histoire et défense. Avec une première partie consacrée à la situation qui prévalait aux Etats-Unis : « Les femmes, le genre et le nucléaire pendant la Guerre froide. 1ère partie – Les mouvements anti-tests nucléaires des années 1950/1960 aux Etats Unis » (Rubrique DEFENSE).

Laure Fanjeau, dans sa rubrique, vous invite à découvrir, dans son Focus, la présentation de l’armée de Terre 2025  – « PAT25 »  (Rubrique LU, VU ET ENTENDU POUR VOUS).

André Dulou, parachève ce numéro avec une nouvelle REVUE D’ACTUALITE avec un focus introductif au titre évocateur : « Des ambitions pour demain ». L’Europe et les questions stratégiques autour de la prolifération nucléaire, du réarmement européen, la Chine…Autant de thèmes évocateurs.

Si vous souhaitez prendre le temps de lire, nous vous suggérons le dernier ouvrage co-écrit de Sébastien Laurent, qu’il consacre au Renseignement dont on connaît l’importance et la prégnance tant dans le monde politique et économique qu’au niveau de la Défense et de la Sécurité : Sébastien Laurent, Peter Jackson, Boris Delagenière, L’essor du renseignement moderne. Une histoire mondiale de l’espionnage. Paris, Nouveau Monde Eds, collection « Grand Jeu », 2025, 463 pages. (Rubrique LIVRES).

Bonne lecture !

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.