« L’asphyxie en roue libre »


On ne compte plus les grands raouts internationaux au cours desquels, depuis des années, diverses personnalités, la main sur le cœur, multiplient de grandes diatribes et promesses face à l’urgence d’appliquer des programmes décisifs pour stopper net la destruction des écosystèmes et de la biodiversité, pour contenir la dégradation de l’air de notre planète. Or, les résultats communiqués récemment par l’ONU viennent, une fois de plus, démontrer que nous sommes loin des objectifs claironnés en faisant mine de se persuader qu’ils seront atteints.

Pourtant, l’heure est grave. Car jamais la Terre, depuis que la vie y existe, n’a dû faire face à une telle concentration de gaz à effet de serre qui est largement due aux activités polluantes de l’activité humaine. Les deux derniers siècles, on le sait, ont été lourdement responsables de cette course en avant. Et tout semble s’accélérer encore depuis la fin du XXème siècle.

Ainsi, selon l’agence météorologique et climatique de l’Organisation des Nations unies, via son quinzième Emissions Gap Report, la concentration de gaz carbonique ou dioxyde de carbone (C0²) a fait un bond de 10% en à peine 20 ans, en raison notamment de la déforestation. Les forêts constituent en effet d’indispensables et salutaires puits de carbone. Les deux autres gaz à effet, le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), ont, eux aussi, connu une croissance inégalée. En clair, depuis 1750, les concentrations respectives de ces trois gaz ont connu des hausses de 151 %, 265 % et 125 %. Autant dire que les capacités de contenir la hausse des températures sont loin d’être opérantes…

Il fallait pourtant entendre ces assemblées étatiques s’autocongratulant en 2015, lors de l’Accord de Paris, pour dire qu’elles étaient d’accord pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés Celsius.

Ces nouveaux résultats affligeants, publiés le 24 octobre dernier, sont diffusés à quelques semaines du prochain sommet sur le climat de l’ONU, la COP29, qui doit se tenir à Bakou en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024. Cela ne manque d’ailleurs pas de sel. Ce sommet se déroulera au cœur d’une Asie centrale sur laquelle toutes les grandes puissances, de la Chine à la Russie, en passant par les Etats européens, louchent, pour y capter gaz et pétrole. Elles y courtisent ainsi des régimes le plus souvent corrompus et bien fâchés avec le concept de démocratie.

L’Azerbaïdjan est bien connue pour sa répression de toute forme d’opposition, notamment celle des militants écologistes, comme le rappellent les organisations non gouvernementales Human Rights Watch et Freedom Now. Il en est de même pour ceux qui défendent les droits civiques et dénoncent les jeux de corruption. C’est le cas, par exemple de l’universitaire Gubad Ibadoglu, chargé de recherche à la London School of Economics, défenseur des droits de l’homme, emprisonné depuis juillet 2023, pour avoir pointé du doigt, recherches à l’appui, le manque de transparence des recettes de l’Etat et la corruption qui décrédibilise le secteur pétrogazier de l’Azerbaïdjan. Soulignons qu’il a aussi travaillé sur l’accord de coopération énergétique établi entre l’Union européenne et Bakou. Sa voix dérange donc. Il risque aujourd’hui jusqu’à 17 ans de prison, accusé de trafic de fausse monnaie. Un mensonge largement dénoncé par diverses associations et même par les cercles diplomatiques de plusieurs pays dont les Etats-Unis.

Enfin, pour couronner le tout, il est désormais affiché qu’un tiers des arbres de la planète sont menacés de disparition, sous le poids des activités humaines, de l’étalement urbain, de l’agriculture et de l’élevage extensifs, selon les résultats dressés par l’Union internationale pour la conservation de la nature et actualisés lors de la 16ème conférence mondiale sur la biodiversité ; conférence qui se tient en Colombie, dans la ville de Cali, du 21 octobre au 1er novembre. Près de 200 pays y sont présentés. Et comme d’habitude, on peut craindre que se réitère une prise de conscience de façade.

Le C0² qui est la cause de près de 64 % du réchauffement climatique n’est donc pas assez absorbé par les écosystèmes végétalisés et pourrait à l’avenir ne plus l’être par les écosystèmes océaniques. Au contraire, la hausse de température des océans pourrait empêcher ces derniers d’en absorber en quantité suffisante.

Certains médias veulent être rassurants en considérant que la quasi généralité de la centaine de pays responsables de plus de 80% des émissions de gaz à effet de serre ont promis des engagements pour tendre vers le « zéro émission »… Sauf que les dates butoirs annoncées sont étonnement trop lointaines : 2050 pour les pays européens et 2060 pour la Chine …La Chine dont le pourcentage d’émissions entre 1850 et 2023 est passé de 18% à 30% des émissions totales affiche donc de manière éhontée une croissance effrénée.

Dans la même logique, les promesses faites pour protéger près du tiers des espaces maritimes et terrestres d’ici à 2030 apparaissent de moins en moins tenables. Actuellement, seuls 17,6 % des terres et 8,4 % des mers sont protégés ; Il faudrait que leur superficie soit quasiment triplée d’ici 5 ans pour tenir les engagements pris, soit 16,7 millions de km2 de terres (un territoire comparable à la surface de la Russie) et 78,3 millions de km2 de mers. En comparaison, l’Océan indien couvre 70,56 millions de km².

Ainsi, selon la nouvelle lister établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et rendue publique le 28 octobre, il apparaît que sur les sur les 47 282 essences référencées à l’échelle mondiale, 16 425 (38 %) sont menacées d’extinction. Et avec elles, plus de 20 000 espèces d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’amphibiens, dépendants des arbres et dont les milieux de vie sont gravement fragilisés voire détruits.

Nous sommes plongés donc un véritable cauchemar qui risque de virer au cataclysme apocalyptique si, toujours et encore, les représentants politiques ergotent, minimisent et repoussent aux calendes grecques ce qui est pourtant la seule priorité qui vaille pour préserver la VIE végétale, animale et humaine.

En réalité, les Etats restent massivement focalisés sur le seul monde des affaires, loin des réalités existentielles. Les puissants acteurs économiques, qu’ils relèvent du secteur public ou privé, demeurent obsédés par l’accumulation des capitaux et leur poids financier en bourse. Les multinationales se contrefichent éperdument de la situation sanitaire mondiale, tant que cela ne vient pas entacher leur quête effrénée de bénéfices. D’ailleurs, elles sont dans une posture tellement préservée autant que coupée de toute réalité raisonnée que les Etats hésitent le plus souvent à les mettre à contribution pour les faire participer à l’effort budgétaire des nations, au contraire de nos concitoyens.

 

Pour notre nouveau numéro d’Espritsurcouf (N°244), Eloïse Herbretau vous propose une vue d’ensemble sur la posture changeante d’Emmanuel Macron dans la gestion de la guerre russo-ukrainienne.  (« Emmanuel Macron. Face à la guerre russo-ukrainienne » rubrique GEOPOLITIQUE).

Et comme rien ne semble aller bien dans notre pays, Vincent Gourvil, expert en diplomatie nous rappelle les limites de nos dirigeants actuels, qui sont perdants sur de nombreux tableaux (« France arrogante, France déclinante » rubrique HUMEURS).

Vous retrouverez par ailleurs une vidéo d’Alain Juillet qui donne son avis sur le retour en force d’Emmanuel Macron en direction du Maroc, après avoir semblé lui tourner le dos, au profit de l’Algérie (« Vers un renouveau des relations franco-marocaines » rubrique GEOPOLITIQUE)

Et compte tenu du contexte des élections présidentielles aux Etats-Unis, Jean-Claude Beaujour analyse ce que fut, in fine, la campagne électorale outre-Atlantique (rubrique GEOPOLITQUE).

Retrouvez également le nouveau SEMAPHORE qu’André Dulou a établi pour vous, en renvoyant à des articles de Défense et Sécurité, en France comme à l’étranger, mais aussi à une page d’histoire, avec la Peste qui frappa Marseille, le 1er novembre 1347.

Enfin, pour clore ce numéro, nous vous suggérons une nouvelle lecture, entre Droit et Histoire avec le dernier ouvrage de Gina Monti-Rossi Dulou, philosophe et enseignante de Lettres Classiques, Les grands auteurs latins et leur influence sur le droit paru chez Edilivre (118 pages, 12,50 euros). Une synhèse quant aux enseignements des professeurs de Lettres classiques puisant dans les sources des auteurs latins, où apparaît la relation entre l’homme et son environnement. Gina Monti-Rossi Dulou a également enseigné le droit romain et est membre associée des auditeurs de l’IHEDN (rubrique LIVRES).

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Bonne lecture

Pascal Le Pautremat

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF.
Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF.