La France face aux défis
d’aujourd’hui et de demain

Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF

.
Sans doute ne le rappellera-t-on jamais assez : la France est plongée dans un monde multipolaire, qui nécessite, de sa population et de ses représentants, une acuité des plus vives, avec une capacité d’anticipation stratégique, pour être mesure d’y maintenir sa place, de préserver sa nature intrinsèque et de se porter vers l’Avenir de manière constructive avec force et détermination.

En géopolitique comme en géostratégie, il existe un triptyque essentiel, immuable et quasi perpétuel, de génération en génération, depuis des millénaires civilisationnels : l’association – voire combinaison – entre l’espace pluridimensionnel, les Hommes et les Femmes, et un sentiment fort autant qu’essentiel dans la vie tant individuelle que collective : le désir.

Désir d’une union nationale, d’une cohésion nationale, d’une aspiration à porter vers l’avant et le haut un pays, en ayant conscience de ses atouts mais aussi de ses points de fragilité qu’il faut désormais de toute urgence panser.

Les piliers de l’Etat français sont constitués notamment de l’Education et de la Défense. Ainsi, quels que soient les régimes politiques en vigueur – sachant que la France est le seul pays au monde à les avoir  tous testés à travers son histoire – les moyens de la Défense constituent un socle précieux autant que vital pour le pays.

Cela est d’autant plus avéré que nous sommes face à des défis autant que des enjeux polymorphes : guerre économique et éclatement des équilibres inhérentes aux choix établis via le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du Commerce ; crise de l’Organisation des Nations unies, qui appelle à sa réforme systémique, arsenalisation de l’Espace extra atmosphérique, retour de la guerre de haute intensité, résurgence et mutation du terrorisme islamique… sans oublier la fragmentation d’une communauté nationale minée par des dogmes divergents, des tensions sociales et économiques particulièrement intenses.

Car le nouveau triptyque en vigueur auquel nous devons nous adapter est, dès lors, le suivant : compétition – contestation – affrontement.

Cela se traduit par une hausse sensible du budget dédié à la Défense. A tel point que certaines études prédisent que la part du budget de la Défense – 2ème poste des dépenses de l’Etat – pourrait atteindre les 5%du PBI en 2035, contre 2% en 2025, en vertu de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Dans la continuité, la LPM 2024-2030 devrait conforter nos capacités de dissuasion nucléaire française, sur fond de retour à la guerre de haute intensité et d’affirmation de nouveaux champs de conflictualité  du cyber aux fonds marins.

Aussi, la LPM 2024-2030 prévoit-elle une hausse budgétaire en faveur des armées de 413 milliards d’euros d’ici 2030, soit un budget annuel moyen de quelque 68 milliards d’euros. Le budget du ministère des Armées devrait atteindre 57,1 milliards d’euros en 2026, en vertu du projet de loi de finances (PLF) 2026, soit une marge d’augmentation du budget de 6,7 milliards d’euros. Si l’on maintient cette progression, le budget de la Défense en 2027 devrait être le double de son niveau de 2017.

Compte tenu de son importance stratégique, le Renseignement, en particulier, connaît une hausse impressionnante depuis 2017, passant de 2,4 à 3,1 milliards en 2023 ; hausse qui se poursuit en 2026 et pourrait se traduire, en 2030, par un budget de quelque 5 milliards d’euros.

Conjointement, les effectifs devraient être accrus, avec vers 20203, 355 000 militaires et civils, dont 80 000 réservistes opérationnels. Et l’on perçoit combien l’Exécutif veut réamorcer le processus de cohésion national, après l’échec relatif du Service national universel, en annonçant, le 27 novembre dernier, un projet de service militaire volontaire de 10 mois, censé remplacer le service national universel (SNU) dès l’été 2026. Il est prévu d’y intégrer 3 000 jeunes en 2026, 10 000 en 2030, et près 50 000 d’ici 2035. Plus de deux milliards d’euros devraient être alloués à ce programme.

Toujours est-il que s’il s’agit de restaurer le service national stricto sensu, il faudra une nouvelle loi du Parlement, comme ce fut le cas pour le suspendre en 1997 (Loi du 28 octobre 1997).

Tout reste donc à inscrire dans la durée avec, à l’esprit, la conviction que tout cela est juste et légitime.


Ce 270ème numéro d’Espritsurcouf a une résonnance spécifiquement portée sur les enjeux internationaux et les questions de défense.

Pour autant, le papier d’Henri Roure peut paraitre à contrepied de ce thème global en abordant la question de la langue français. En même temps,  ne fait-elle pas partie de notre patrimoine qu’il nous faut préserver, à l’heure où la règle de la langue anglo-saxonne s’impose toujours davantage à tous les niveaux ? : « Patriotes, défendez notre langue ! le faire c’est défendre notre identité ! » (rubrique HUMEURS).

Pour sa part, le général Trinquant partage son analyse des troubles relationnels qui traversent le monde et rappelle les menaces qu’il nous prendre en compte avec la plus grande vigilance : « Regard sur le monde : Relations interétatiques et potentielles menaces » (Rubrique GEOPOLITIQUE).

Laure Fanjeau, dans sa rubrique, fait le point sur la jeunesse et l’armée française, toute en intégrant deux enregistrements vidéos : une conférence de Bertrand Badie, spécialistes des relations internationales, et l’audience de Thomas Gomart, directeur d l’IFRI, devant la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat en septembre dernier. (ECRAN RADAR).

En matière de Défense, l’Amiral Berard Rogel, met en exergue la place de la dissuasion nucléaire française par rapport à l’Europe dont le réveil stratégique est réclamé par moult voix…: « La dissuasion nucléaire française et l’Europe. Stratégie, sécurité et défense » (Rubrique DEFENSE).

André Dulou, enfin, vous a dressé une nouvelle REVUE D’ACTUALITE.

Côté librairie, nous mettons en avant un ouvrage de 70 photographies prises sur le vif par le photographe américain, Charles W. Alexander, lors du Procès de Nuremberg qui, il y a 80 ans, s’ouvrait le 20 novembre 1945, et aboutissait à la condamnation de 24 hautes responsables du IIIe Reich. Matthias Gemählich, Brigitte Sion, Stéphanie Boissard. Préface d’Olivier Wieviorka. Nuremberg, l’album du procès. Paris, édition Tallandier, collection « Histoire », 2025, 192 pages. 29,90 euros. (Rubrique LIVRES).

Bonne lecture !

 

(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPR