L’empreinte
du trumpisme
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Pascal Le Pautremat
Rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF
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Devenu le 47ème président des Etats-Unis, Donal Trump parachevait en septembre 2025, le huitième mois de son – second – mandat. Quelles observations peut-on faire de manière sommaire sur cette période initiale d’une présidence clivante et pleine d’inconnues ?
À l’évidence, l’amateurisme du premier mandat semble avoir été gommé, laissant la place à une célérité extrême témoignant d’une détermination unilatérale qui ébranle non seulement les Etats-Unis eux-mêmes mais le monde entier ; sur le plan économique notamment.
Aux Etats-Unis, en effet, les tensions polymorphes entre démocrates et républicains, notamment en matière de modèles sociaux aux antipodes, scindant les Américains partisans de l’un ou de l’autre, font apparaitre un pays de plus en plus fragmenté. La réalité sociale s’avère de plus en plus tragique, et le climat sécuritaire donne le sentiment d’un glissement progressif dans un cadre de plus en plus froid et autoritaire. La condition humaine y semble toujours davantage occultée ou désincarnée, sinon récupérée par des logiques sectaires.
Sur le plan international, la Maison Blanche impose ses règles de droits de douane exorbitants qui viennent finalement desservir aussi, en partie, les entreprises américaines, ; alors que le pays continue d’être exposé, comme chaque année depuis plus d’une décennie, à un nouveau shutdown, après 7 ans de répit en la matière. C’est-à-dire une incapacité de l’Etat fédéral à assurer les règlements financiers qui incombent à son bon fonctionnement, en raison d’un désaccord entre le Sénat et la Chambre des représentants quant au choix du budget fédéral qui doit être validé, ensuite, par le Président lui-même. Près de 750 000 fonctionnaires sont donc, en principe, en chômage technique. Le staff de Donald Trump pourrait en profiter pour amenuir sectoriellement les dépenses prochaines dans l’Administration fédérale en procédant à la fermeture définitive de quelques services spécifiques.
La conjoncture a des conséquences sur la valeur du dollar qui baisse – soit 10% depuis le début de l’année – tandis que l’or tient de plus en plus son rang de valeur refuge, l’once (soit 31 grammes) dépassant désormais les 3 819,47 dollars (au 29 septembre 2025). Malgré tout, le taux de croissance du pays est reparti à la hausse entre avril et juin, pour atteindre les 3% ; taux qui s’est maintenu durant l’été. La consommation des ménages est là, mais à un niveau moindre qu’en 2024. Par contre, les créations d’emplois sont largement inférieures aux projections : 22 000 emplois ont été créés en août alors que les cercles d’expertises en escomptaient 75 000.
Tout le monde plie sous les desiderata de Donald Trump et l’Europe, incapable d’oser dire non et de s’unifier, donne l’image d’une structure qui subit toujours et encore. Les rodomontades et gesticulations de ses divers représentants politiques ou des membres de la haute administration institutionnelle ne trompent personne sur l’inertie d’une Europe en crise existentielle et conceptuelle évidente.
Sur le champ international, toujours, mais en matière d’enjeux géostratégiques et de crises, on peut retenir que Donal Trump a voulu reprendre en main les dossiers majeurs : guerre russo-ukrainienne, crise israélo-palestinienne. Mais finalement, rien de concrètement rassurant n’est pour l’instant ressorti de la rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump, le 15 aout 2025, sur la base interarmées Elmendorf-Richardson d’Anchorage, en Alaska. Le Président russe avait donné le sentiment d’être prêt à favoriser la paix. Mais, une fois revenu sur le continent européen, il a repris, avec une détermination intacte son processus offensif vis-à-vis de l’Ukraine et ordonné une succession d’opérations-tests dans les espaces aériens des pays de la Baltique.
Conjointement, divers axes dit du « Sud global » – appellation vide de sens car loin d’être uniformisée – semblent désormais actés autour de l’axe Russie-Chine. Viennent s’y greffer d’autres pays comme l’Iran et la Corée du Nord donnant le sentiment d’une résurrection bien sombre, d’un Axe du Mal couplé aux deux puissances déjà sources de préoccupations pendant la guerre froide.
Bien évidemment, on peut imaginer l’anxiété qui gagne les centres d’analyses et de prospective quant au devenir de Taïwan dont le parallèle, à tort ou à raison, est toujours davantage souligné avec le sort de l’Ukraine…
Si tout dérape, quel sera le choix de la Maison Blanche ? Le Hard Power par la force militaire ou par des blocus et embargos économiques ? Qui viendra en aide, ou non, à Taïwan, Etat insulaire de plus en plus assiégé par les forces chinoises et soumis à un soft power des plus redoutables pour faire plier la récalcitrante, aux yeux de Pékin ?
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Notre 265ème numéro d’Espritsurcouf, est donc essentiellement consacré à la question étasunienne à travers la politique de Donald Trump.
Ainsi, vous retrouverez, associés dans la même rubrique, deux articles inspirés, respectivement de Renaurd Girard et Vincent Gourvil, posant la même question quant à la probabilité ou non de voir un jour Donald Trump recevoir le Prix Nobel de la Paix. Il se dit de plus en plus fort que l’intéressé le souhaite ardemment : « Trump et le Prix Nobel » (rubrique HUMEURS).
Pour sa part, Alain Chouet, fin analyste et expert issu du milieu du Renseignement extérieur, s’exprime sur la conjoncture moyen-orientale, qui cumule à nouveau divers dossiers brûlants : « La situation eu Moyen-Orient » (Rubrique GEOPOLITIQUE).
L’espace extra atmosphérique, on le sait, compte considérablement dans la nouvelle géopolitique de Washington, combinant processus de militarisation, depuis les années 1960, et d’arsenalisation avec toutes les appréhensions qui peuvent en découler. Nathan Vauthier revient ainsi sur cette modélisation du concept de guerre des étoiles, entre fiction initiale et réalité : « La guerre des étoiles de Reagan à Trump : entre coopération et compétition » (Rubrique DEFENSE).
Pour sa rubrique, Laure Fanjeau vous propose notamment un focus sur la communication américaine et un début de comparatif entre les Etats-Unis et l’Europe, sur la lutte contre la manipulation informationnelle, en 2025. (Rubrique LU, VU ET ENTENDU POUR VOUS).Ce à quoi s’ajouteront quelques vidéos, notamment le discours de Donald Trump lors de la 80ème session de l’ONU et un débat autour des attentes des Américains vis-à-vis de leur Président (Rubrique VIDEOS ET PODCASTS).
Comme de coutume, André Dulou, dresse une sélection de sujets pour son SEMAPHORE dont le focus principal appelle à la réflexion : « Un jeu du fou ? ».
Enfin, nous mettons en avant le témoignage de Matthieu Dépée, ancien membre des forces spéciales française (commando marine), spécialiste de missions de contre-terrorisme et libération d’otages (CTLO), qui revient sur ses vingt ans de carrière et d’opérations. Ses souvenirs concilient introspection, réflexion sur le sens de la mission et du devoir, sur la légitimité et l’acceptation des actions accomplies, au nom de la raison d’Etat, de la sécurité extérieure, et intérieure par voie d’incidence. L’auteur insiste sur la perception mentale de son implication au sein d’une des prestigieuses forces d’élite de l’armée française. Il offre ainsi aux lecteurs un récit des plus réalistes quant aux situations vécues, en Afghanistan en 2010, au Mali, à travers plusieurs missions menées dans les années 2010, sans oublier des actions de contre piraterie maritime… Tout est vécu à hauteur d’opérateur, dans la synergie des groupes de frères d’armes, dans le fracas des tirs, des explosions, en gérant les souffrances physiques et les épreuves psychiques endurées. Surtout lorsque des compagnons d’armes sont blessés ou, pire, tués…Matthieu Dépée décrit alors aussi l’état psychologique dans lequel lui et ses commandos tombent. Il relate comment tout cela est ressenti mais peu extériorisé. Il donne l’occasion aussi, de disposer d’éclairages et précisions sur les circonstances de la mort de certaines figues des FS qui ont profondément marqué la communauté des Forces spéciales et le cercle des experts : le second-maître Jonathan Lefort en 2010, en Afghanistan, le lieutenant Damien Boîteux, du 4e RHFS en 2013, au Mali ; le sergent-chef Thomas Dupuy, Commando parachutiste de l’Air (CPA) n°10, en 2014, au Mali également.
On perçoit combien Matthieu Dépée a su être au plus près de ses hommes, comme de ses chefs, scellant à vie des liens puissants, au gré de situations éprouvantes, côtoyant la mort, relevant des défis avec un sens inné de l’initiative et de l’adaptabilité. L’intériorisation est de mise et les états d’âme ne sont guère partagés, si ce n’est avec l’entourage intime de la cellule familiale. En soi, on ressent nettement l’immense reconnaissance qu’il porte aux femmes, compagnes des commandos, et à son épouse en particulier, venant ainsi rappeler combien, d’autant plus dans le cercle restreint des groupements opérationnels de l’élite de l’armée, les femmes ont un rôle clé de soutien comme de partage des douleurs et des traumatismes avec lesquels il faut avancer coûte que coûte, au gré de l’existence en cherchant à se réinventer et à relever de nouveaux challenges.
Matthieu Dépée, Au service de l’Etat – À la source du commandement. Paris, éd. Solar, 2025, 352 pages. (Rubrique LIVRES).
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Bonne lecture !
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(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |

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