Le Brésil et la COP30 :
Tout et son contraire ?
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF
Le regard médiatique porté sur les conclusions de la Conference of the Parties (COP) 30 sur les changements climatiques, qui s’est déroulée à Belém au Brésil, est imprégné d’une certain fatalité, doublée de déception tant le rapport final est, une fois de plus, bien peu réjouissant pour les bonnes volontés déterminées à agir à court terme et de manière déterminante.
On retiendra donc que les délégations de 194 pays ont signé un accord sans vraiment de force persuasive pour concrétiser au plus vite les promesses de l’accord de Paris de 2015. Les pays dits du « Sud global », comme l’Inde, les pétromonarchies et même le Brésil, ont tout fait pour que les énergies fossiles ne soient pas au cœur de décisions susceptibles de réduire de manière drastique les gaz à effet de serre dont elles sont pourtant la source première.
Ainsi, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva,Lula, n’a pas manqué d’affirmer, d’un côté, combien il y a avait nécessité de modifier nos rapports aux énergies fossiles et d’aller dans le sens de nouvelles politiques énergétiques ; de l’autre, combien il fallait que chaque pays aille à son rythme, surtout ceux considérés comme des pays dits émergents. Comble du paradoxe, il faut, selon ses propres dires, agir « sans imposer quoi que ce soit à personne, sans fixer de délai, pour que chaque pays puisse décider des choses qu’il peut faire à son rythme, selon ses possibilités. […] », par le jeu du consensus, tout en sachant « infliger une nouvelle défaite aux négationnistes » du réchauffement ou bouleversement climatique.
Les contradictions brésiliennes ne s’arrêtent pas là puisque le Président Lula – en se voulant le chantre d’une pseudo prise de conscience minimaliste – n’a pas hésité à donner son accord pour le lancement d’activités de prospection offshore d’une major pétrolière, la compagnie nationale Petrobras, à 175 kms au large des côtes de l’Etat de l’Amapa, et à 500 kilomètres seulement de l’estuaire de l’Amazone. Tous les experts conviennent qu’il s’agit là d’une aberration environnementale d’autant que l’Etat de l’Amapa, jusqu’alors préservé de la déforestation et témoignant d’une extraordinaire biodiversité, est aujourd’hui en proie à une politique de destruction de la nature sauvage, sur son littoral en face même du site de forage…Sans parler la concentration d’une population bigarrée, entre reîtres de trafics en tout genre et malheureux en quête d’emplois d’opportunité.
La déforestation, que le président Lula appelle pourtant à stopper, est loin d’être inversée dans son propre pays, même si la destruction annuelle 2024-2025 est considérée comme la plus basse depuis 11 ans au Brésil, avec une baisse de 11,08%. Elle représente toute de même 5 796 km2 ! Les contrôles et inspections contre les actions de déforestation sauvage auraient augmenté de 38% en 2025, par rapport à l’année précédente, et se seraient traduites par un total de 520 millions de dollars d’amendes pour infractions environnementales.
Et même si le Brésil souhaite stopper la déforestation d’ici 2030, même si 16 réserves indigènes ont été créées, le moratoire sur le soja, établi en 2006 et qui engageait des entreprises majeures de ce secteur à ne plus acheter le soja produit sur des espaces rasés, a été annulé en août 2025 par le Conseil administratif de défense économique (CADE). Cette autorité de la concurrence du Brésil rend donc à nouveau vulnérable tout le Sud de l’Amazonie…
Et pour ce qui est de la biodiversité – les ¾ de la faune sauvage ont aujourd’hui disparu – ; la COP30 n’a nullement abordé le sujet . Pourtant, écosystèmes, énergies, et biodiversités sont intimement liées.
Il n’y a pas que les approches d’ingénierie à mettre en avant. Le lien au vivant est essentiel…
On se souvient que la 16ème conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024. Elle avait conclu sur la perspective de protéger 30 % des terres et des mers de la planète d’ici 2030. Nous verrons ce qui ressortira de la 17ᵉ conférence des Nations unies sur la sauvegarde de la nature (COP17), prévue en Arménie, à Erevan, du 18 au 30 octobre 2026.
Mais, incontestablement, il ne s’agit plus d’aller à son rythme selon ses propres exigences et considérations lobbyistes. Il s’agit de pérenniser la vraie vie sous toutes ses formes dans un environnement diversifié digne de ce nom.
Dans ce 269ème numéro d’Espritsurcouf, que nous avons voulu essentiellement consacré à l’Amérique latine, Vincent Gourvil, avec un ton qui lui est propre, porte un regard critique sur la politique que la France souhaite engager contre les narcotrafiquants de ce sous-continent : « Trafic de drogue en Amérique latine : Barrot mal barré » (rubrique HUMEURS).
Paul Drouhaud, pour sa part, dresse un état des lieux des relations transocéaniques qui s’établissent avec les pays d’Amérique latine, sur fond de jeux de puissance, d’influence et d’enjeux sécuritaires que les Etats-Unis semblent replacer au premier plan de leur politique étrangère sur ce sous-continent : « Amérique latine, le nouveau front des tensions internationales» (Rubrique GEOPOLITIQUE).
Laure Fanjeau, dans sa rubrique, vous proposera notamment des focus sur l’Amazonie et l’Amérique latine en tant que telle (Rubrique LU, VU ET ENTENDU POUR VOUS).
Pierre Houste, à l’occasion du 69ème anniversaire de l’opération franco-britannique sur le Canal de Suez, revient sur cette crise internationale (29 oct.-7 nov. 1956) dans laquelle elle s’est inscrite : entre démarche de nationalisation du canal de Suez par le président égyptien, Gamal Abdel Nasser, et positionnement en conséquence d’Israël, des Etats-Unis et de l’URSS : « Suez, les raisons d’un échec » (Rubrique HISTOIRE).
André Dulou, enfin, vous propose, comme à l’accoutumée, à raison d’un numéro sur deux, un nouveau SEMAPHORE.
En matière de nouveauté en librairie, nous mettons en avant un ouvrage de 70 photographies prises sur le vif par le photographe américain, Charles W. Alexander, lors du Procès de Nuremberg qui, il y a 80 ans, s’ouvrait le 20 novembre 1945, et aboutissait à la condamnation de 24 hautes responsables du IIIe Reich. Matthias Gemählich, Brigitte Sion, Stéphanie Boissard. Préface d’Olivier Wieviorka. Nuremberg, l’album du procès. Paris, édition Tallandier, collection « Histoire », 2025, 192 pages. 29,90 euros. (Rubrique LIVRES).
André Dulou, que nous mettons également à l’honneur, en matière d’ouvrages en librairie, à travers l’un de ses romans qui place en fond de tableau, la question des ventes de systèmes d’armes en Amérique latin, en l’occurrence à travers le cas du Chili pour un modèle de Mirage. Pour les officiers en charge d’assurer le convoyage en toute sécurité, c’est une expérience humaine forte qu’il leur est permis de vivre. André Dulou, Amère discipline. Editions Edilivre, 2019, 242 pages, 19 euros. 29,90 euros. (Rubrique LIVRES)
Bonne lecture !
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(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |

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