LA MER,
NOUVELLE FRONTIERE DE L’EUROPE
de Jean-Dominique Giuliani (*)
Président de la Fondation Robert Schuman
Face au regain de tension sur les mers, l’Europe doit se réveiller
Les tensions se sont encore accrues sur
les mers : A l’entrée du Golfe persique, des pétroliers ont été attaqués ; en
mer de Chine, une puissance montante entend s’accaparer les rivages de ses
voisins ; la Turquie lorgne sur le gaz des eaux chypriotes, des migrants
meurent en Méditerranée et le combat contre la piraterie continue, notamment
dans le golfe de Guinée.
Partout sur la planète, la mer est devenue le lieu de prédilection
d’agissements illégaux révélant la stratégie d’Etats à la recherche de
conquêtes faciles. On y pratique les échecs ou mieux encore le jeu de go, celui
dont le vainqueur a su le mieux occuper l’espace.
L’Europe, géographiquement le plus petit espace continental du monde, est aussi
le plus riche, le plus dépendant de son commerce et de son ouverture. Elle a inventé
la globalisation, découvert les continents, nommé les caps et les océans. Sa
fortune fut avant tout maritime, de Venise à nos jours.
Elle doit redécouvrir sa vocation maritime, qui concerne tous les grands enjeux
du moment. Protéger notre environnement c’est ne pas faire des océans, qui
recouvrent deux tiers de la planète, ce que nous avons fait de la terre. Or la
course aux ressources sous-marines est lancée, qui devra être maîtrisée.
Maintenir des relations pacifiques entre Etats exigera de gérer les espaces
maritimes sur un mode multilatéral, avec des traités, des accords des règles.
Garantir la sécurité des routes commerciales nécessitera d’agir partout où où
la liberté de navigation peut être menacée, nos intérêts pris en otage et nos
Etats sujets au chantage. Pour cela, il faut disposer de moyens conséquents
qui, seuls, permettent de dissuader. La sécurité des espaces maritimes impose
aussi d’y assurer une réelle présence.
Or, à l’exception de la France et du Royaume-Uni, les moyens navals européens
sont bien minces. Eux seuls permettent pourtant de connaître, de manière
indépendante, ce qui se passe sur les mers, d’en tirer les conséquences et
d’agir librement pour défendre nos intérêts. Le groupe aéronaval français,
accompagné de bateaux danois, portugais et britannique est la seule présence
européenne crédible dans la présente crise dans le golfe.
Près de la moitié de leur pétrole importé emprunte le détroit d’Ormuz et les
Européens doivent être capables de s’informer par eux-mêmes avant d’être
entraînés dans un éventuel conflit. Ils doivent être en mesure d’agir si les
routes maritimes devaient être menacées, comme ce fut le cas pendant la guerre
Iran-Irak. Il en va de même en mer de Chine du Sud où passe l’essentiel du
commerce européen avec l’Asie.
L’Europe est riveraine du monde. Elle doit se lancer sur les mers, mutualiser
ses moyens, soutenir ceux qui y sont déjà déployés, pour défendre et promouvoir
ses intérêts, pour conquérir son autonomie et garantir son indépendance.
La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d’utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l’organisation de conférences.
La Fondation Robert Schuman est répertoriée dans la rubrique THINKTANKSde la « Communauté Défense et Sécurité » d’ESPRITSURCOUF.fr
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