MORALE, ETHIQUE, DEONTOLOGIE, LEGITIMITE, LEGALITE
par le GCA (2S) Alain Bouquin
Président du G2S
La morale et l’éthique.
Le premier terme est d’origine latine et désigne la science du bien et du mal. C’est une théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien, et elle se matérialise par un ensemble de règles de conduite.
L’éthique n’est pas très différente et, d’ailleurs, les deux mots ont été utilisés de manière indifférenciée jusqu’à un passé très récent. Terme d’origine grecque, il définit un corpus de valeurs fondamentales qui, parce qu’elles sont partagées par une culture, un groupe, peuvent constituer la référence commune d’un corps social.
Les deux mots recouvrent donc deux réalités très proches : ils désignent des codes, destinés à régir les conduites humaines. Pourquoi ne sont-ils plus employés de la même manière aujourd’hui ? Une première explication tient au fait que le terme « morale » souffre d’une connotation négative.
Une différence plus fondamentale vient du fait que l’éthique, selon certains auteurs, ne pose pas la question du bien et du mal, et évite de nous renvoyer à notre conscience, à la religion ou à la philosophie. Dit autrement : la morale aurait pour fonction de définir une démarcation entre le bien et le mal, alors que l’éthique se contenterait de faire le constat du positionnement d’un acte donné par rapport à cette ligne de partage.
Alexandre JAUNAIT donne une définition qui semble répondre le mieux aux besoins militaires dans le cadre de ce dossier : un champ éthique est « un ensemble de questions, de pratiques, d’acteurs, qui définissent en permanence les frontières de leurs activités ».
Cette définition pose intrinsèquement la question du bien, qu’il nous faut donc aborder : soit l’être humain a naturellement en soi la démarcation entre le bien et le mal, qui sont deux absolus, soit la notion du bien est relative, conjoncturelle et évolutive, et l’Humain en actualise les contours. Dans les deux cas, il est la référence par rapport à laquelle l’éthique s’applique.
La déontologie
Elle est d’une autre portée, car directement liée à une profession. Elle constitue une forme de « droit privé » en ce sens où les prescriptions qu’elle fixe s’adressent aux professionnels concernés uniquement, et qu’elle a un rapport direct au législatif : elle se traduit en codes ou en règlements, appuyés sur des critères objectifs et rédigés de manière très précise, elle possède donc un statut normatif.
Une autre différence tient au fait qu’il n’est pas nécessaire, pour se conformer aux règles de la déontologie, de réfléchir aux valeurs qui sous-tendent ces règles, ni même de les partager. Car ce qui compte, en matière de déontologie, c’est la conformité à la règle.
Éthique et déontologie.
On le voit, éthique et déontologie sont d’essences différentes :
pour la déontologie, aucune réflexion n’est indispensable ni même nécessaire sur les conséquences de l’action décidée car les règles sont identique à l’ensemble du corps de métier.
L’éthique elle, impose une réflexion sur les valeurs qui motivent les actes et sur le choix de la conduite adoptée par chacun, y compris au sein d’un groupe. Il ne peut y avoir d’éthique sans liberté car l’individu reste responsable des conséquences de ses choix et de ses actes. Finalement, la déontologie est en quelque sorte une référence pour la légalité alors que l’éthique fixe davantage le cadre de la légitimité.
Légitimité et légalité
Un souci récurrent pour le militaire en opération, lorsque qu’il souhaite rester dans un cadre éthique et déontologique approprié, est donc de savoir conserver à son action son double caractère légitime et légal.
La légalité est le caractère de ce qui est conforme à la loi. D’apparence simple, elle présente cependant une difficulté pour les militaires qui n’appliquent pas le même droit suivant leur situation, en temps de paix ou en temps de guerre.
La légitimité est la qualité de ce qui est juste, équitable, raisonnable. Pour ce qui touche l’action militaire, l’acceptation courante du terme est celle d’une conformité aux intérêts collectifs, basée sur un consensus.
La légitimité relève donc du sentiment, d’une conscience aigüe de son devoir, de la perception que l’on peut avoir de l’intérêt supérieur de la communauté que l’on sert, de la Nation ; c’est une notion relative et qui peut relever de l’appréciation personnelle, et c’est ce qui fait sa difficulté. Elle n’est, parfois, clairement identifiable qu’a posteriori.
La légalité est une notion objective ; elle trouve son fondement dans la loi et dans les règlements ; elle est en théorie simple à identifier ; elle relève de la raison. Elle est mécanique et consiste à respecter des préceptes fixés par des textes.
Inscrire son engagement personnel dans une perspective de légitimité est une question d’honneur ; le respect de la légalité est davantage une affaire de discipline.
Cet article fait partie du dossier n°23 réalisé par Le Cercle de réflexions du G2S
« L’ETHIQUE dans le métier des armes » publié en mars 2019 et consultable sur : http://www.gx2s.fr/
Le G2S est répertorié dans la rubrique THINK TANKS
de la « Communauté Défense et Sécurité » d’ESPRITSURCOUF.fr
.Association selon la loi de 1901, le G2S est un groupe constitué d’officiers généraux de l’armée de terre qui ont récemment quitté le service actif.
Ils se proposent de mettre en commun leur expérience et leur expertise des problématiques de défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques,
pour donner leur vision des perspectives d’évolution souhaitables de la défense.
Le prochain n° 120 d’ESPRITSURCOUF paraitra le lundi 9 septembre,
Bonne lecture
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