Sainte-Soline :
Face aux milices extrémistes

Bertrand Cavallier (*)
Général de gendarmerie (2S)
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Les violences lors de
s manifestations interpellent médias, opinion publique et hommes politiques. Il nous a paru intéressant de vous livrer l’analyse de l’auteur, expert en maintien de l’ordre. En bon technicien, il tire trois leçons des affrontements de Sainte-Soline, les 25 et 26 mars derniers. Ses propos, notamment sur l’enseignement supérieur, n’engagent que lui-même.

 

Les images sont plus que parlantes ! Le 25 mars, durant deux heures, la gendarmerie mobile, renforcée par des éléments de la départementale et de la Garde républicaine, a interdit à des hordes d’extrémistes l’accès à une réserve d’eau à Sainte-Soline, dans le département des Deux-Sèvres. Rappelons que cette retenue, surnommée « bassine », a fait l’objet d’un processus de validation auprès de l’ensemble des acteurs locaux comme auprès des juridictions administratives, et que la manifestation aux abords de cet ouvrage était interdite par arrêté préfectoral.

Les gendarmes, confrontés à une violence paroxystique, ont tenu la ligne. Absorbant la violence adverse, ils ont stoppé les assauts de colonnes de radicaux, très bien équipés, et manœuvrant de façon quasi-militaire. Au-delà de l’objectif tactique, ils ont contribué à la primauté de l’état de droit et la cohésion du corps social local.

Trois leçons sont à retenir de cet engagement de haute intensité.

La dimension politique

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Il existe dans notre société, de façon structurelle, une mouvance extrémiste, que l’on qualifie d’“ultra gauche”, qui s’inscrit dans un processus historique de scission avec la gauche communiste qui a opté pour une pratique démocratique parlementaire. Adossée à un corpus doctrinal et opérationnel précis, adepte de la violence systémique, elle affiche de facto un mépris total de la personne humaine. Agissant sur le terrain symbolique, mais aussi dans la recherche de la déstabilisation du corps social et de l’Etat, elle recherche prioritairement la confrontation avec les forces de l’ordre. Elle met à profit toutes les situations de fragilité, comme par exemple dans certaines banlieues, pour favoriser le grand désordre, seul contexte permettant d’amorcer la dynamique révolutionnaire, et ce, quitte à tisser des alliances paradoxales. De façon pragmatique, elle privilégie la conquête de territoires, notamment à partir de ZAD. Elle y développe des modes d’action combinant la violence physique à l’action psychologique contre la population locale qui n’adhère pas à ses thèses. Face à cela, il est particulièrement préoccupant qu’une partie de la classe politique, soit de façon ambiguë, soit de façon ouverte, cautionne les agissements de ces groupes ultra-radicaux.

En d’autres termes, Sainte-Soline constitue un marqueur, un révélateur, du positionnement idéologique fondamentalement anti-démocratique de certains acteurs, sans évoquer les points d’appui, voire les creusets, où se diffuse et se perpétue ce courant maximaliste, comme certaines universités, ou Instituts d’études politiques (IEP), arsenaux idéologiques où se conditionne une partie de la jeunesse.

La guerre de l’information

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Ces mouvances extrémistes, sont parfaitement structurées pour les opérations de vive force, j’y reviendrai, mais également pour l’action de propagande et de désinformation. La captation des images, leur decontextualisaton, la diffusion assumée de fausses informations, pour abonder les réseaux sociaux mais également les grands médias nationaux, notamment télévisuels, s’inscrivent dans une démarche très aboutie, très professionnelle, avec une parfaite maîtrise des techniques les plus modernes. Bien évidemment, l’objectif est d’une part, de revendiquer le camp du bien, le camp de la juste cause, et d’autre part de stigmatiser les forces de l’ordre, sur fond de victimisation de ceux qui les affrontent. Ceci renvoie les forces de l’ordre, bien sûr animées par le souci premier de la personne, à l’impératif d’une grande exigence comportementale et d’un respect premier du cadre légal.

La manifestation de Sainte-Soline vue du ciel. Les manifestants s’apprêtent à déferler sur les véhicules de la gendarmerie.

La provocation, le harcèlement des forces de l’ordre, et la montée voulue dans les extrêmes de la violence de ces activistes, a pour objectif de susciter une erreur individuelle, parmi les militaires ou fonctionnaires, d’autant qu’ils sont soumis à une grande pression psychologique et à une usure physique due au suremploi. Cette montée dans les extrêmes accroit évidemment les risques inhérents à l’usage nécessaire de la force par les gendarmes et policiers, avec celui de dommages corporels subis par un dit manifestant. C’est là le scénario, dramatique, qui fait alors l’objet d’une instrumentalisation d’envergure, avec un conditionnement des perceptions de l’opinion publique dans le but de mettre sous pression le politique et de neutraliser sa volonté.

Il importe donc  de contrer les manipulations et autres inversions de la réalité pour rétablir une compréhension objective des faits par l’opinion publique. Phénomène révélateur, de plus en plus de militaires et de fonctionnaires filment par eux-mêmes et diffusent sur leurs réseaux sociaux, au départ professionnels, des séquences sur la situation qu’ils ont vécue. Tel est le cas pour Sainte-Soline, où un gendarme conducteur a filmé avec son téléphone son véhicule touché par des cocktails Molotov. Outre qu’il montre la réalité vraie, il permet à tout en chacun, de façon très humanisée, de ressentir ce qu’a vécu ainsi ce militaire. 

Cet enjeu central de l’image est aussi induit par la mise en cause systématique des forces de l’ordre devant la justice. Dès le moindre dommage, mais également dès le ressenti d’une restriction des certaines libertés, la machine judiciaire est activée, pouvant toucher tous les personnels d’un dispositif de maintien de l’ordre, de l’exécutant jusqu’à l’ensemble de la chaîne de commandement. L’image, fournie pour l’instant mais de façon trop limitée par les caméra-piétons, est déterminante pour apporter des éléments à même d’établir la réalité des faits devant le magistrat.

Corrélativement, car les opérations de maintien de l’ordre sont souvent complexes, et qu’elles ne peuvent relever d’une lecture abrupte et immédiate, il convient de densifier la protection fonctionnelle, en disposant d’avocats rompus aux contentieux dans l’emploi de la force, mais également de mieux former les acteurs de tout niveau à cette éventualité de la mise en cause. La question de l’entraînement peut au demeurant être évoquée devant des juridictions, à l’heure où l’on ne tient plus les rythmes normaux de recyclage des escadrons de gendarmerie mobile au CNEFG (Centre National d’Entraînement des Forces de Gendarmerie) de Saint-Astier.

L’adéquation des équipements
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Sainte-Soline conforte un questionnement de fond au sein des praticiens du maintien de l’ordre, s’agissant de l’adéquation des équipements et armements à la violence paroxystique produite par ces groupes extrémistes, mais qui peut également survenir dans d’autres contextes caractérisés notamment par le déchaînement subi d’une foule.

Deux phénomènes se sont télescopés : la contraction continue des armes de force intermédiaires depuis le drame de Sivens, et dans le même temps la montée en gamme des armes par destination détenues par les activistes. On pense notamment à l’usage quasi systématique du mortier d’artifice, mais aussi à la combinaison de dispositifs incendiaires (bouteilles en plastiques remplies d’essence) avec des pétards de façon à en augmenter l’effet, et à la confection de projectiles équipés de pointes de métal…

Or l’interdiction de lancer à la main la grenade Gm2L, sachant que les grenades de desencerclement démontrent leur limites et que le tirs de LBD sont inefficaces face à des individus surprotégés, aboutit objectivement à une grande difficulté des forces de l’ordre de maintenir à distance un adversaire très violent dans la zone de contact des 20 derniers mètres.

Ce positionnement permet aux éléments radicaux d’optimiser de façon notable l’emploi des leurs armes, en visant au plus près gendarmes et policiers, causant un plus grand nombre de blessés (brûlures par engin incendiaire et bouteille d’acide, traumatismes dus à l’éclatement d’artifices à hauteur des visages, ou à l’impact de projectiles contondants ou acérés…).

 

En termes d’équipement, il faut également s’interroger sur une autre dissymétrie. A Sainte-Soline, l’adversaire, très bien articulé, a utilisé des drones qui lui ont permis d’avoir une vision très précise, en instantané, du dispositif de la Gendarmerie, et de son évolution. Ces professionnels du désordre et de l’action violente, souvent fanatisés, ont pu ainsi adapter leurs modes opératoires. Attaquant sous plusieurs cotés les positions de la Gendarmerie forcément étirées compte tenu du vaste périmètre à tenir, ils ont ensuite, selon le principe de la concentration des efforts, déployé une colonne d’assaut pour percer les lignes de défense des gendarmes.

Les activistes utilisaient des drones, les gendarmes n’en avaient pas le droit. Cette situation où les adversaires disposent de moyens d’observation, de repérage, et bientôt probablement d’action directe sur les forces de l’ordre, alors que dans le même temps, leur emploi est interdit aux gendarmes et policiers, était totalement absurde. Aussi le ministère de l’intérieur autorise désormais l’emploi de drones par les forces de l’ordre, ils s’en sont servis lors de la manifestation du 1er mai à Paris.

Pour revenir aux moyens mis en œuvre par les forces de l’ordre, il faut noter le rôle très important tenu par la composante portée sur quad, qui a permis, en renouant avec les principes fondamentaux de la manœuvre, par une action sur les flancs d’un adversaire violent, de diminuer la pression qu’exerçaient les colonnes d’assaut des activistes sur le dispositif de défense des gendarmes.

Pour finir, la question d’une commission d’enquête parlementaire sur la fonction maintien de l’ordre qui est aujourd’hui menacée, alors qu’elle est centrale dans la stabilité d’une démocratie, se pose. Elle est mise en danger d’une part par la présence et la passivité complice d’élus de la République avec leurs écharpes tricolores qui “légitiment” les agissements des milices d’ultragauche. Et d’autre part, par la dissymétrie des équipements entre les forces de l’ordre et ces phalanges extrémistes.

Cet article est publié avec l’aimable autorisation de La voix du gendarme (https://lavoixdugendarme.fr/sainte-soline-le-general-bertrand-cavallier-prone-ladequation-des-moyens-face-aux-milices-extremistes/)

La Voix du gendarme est répertoriée dans la Communauté Géopolitique, Économie, Défense et Sécurité d’Espritcors@ire à la rubrique « Lettres et Revues »

(*) Bertrand Cavallier, Saint-Cyrien, breveté de l’école de guerre, a effectué sa carrière militaire au sein de la gendarmerie nationale, où il s’est taillé la réputation de spécialiste du maintien de l’ordre et de la lutte anti-terroriste (il a notamment été chef du centre d’entrainement des forces de gendarmerie de Saint-Astier)  Ayant quitté le service actif avec le grade de général, il est aujourd’hui expert et consultant, en France comme à l’étranger. Il a participé à l’élaboration des concepts de gestion de crise de l’Union Européenne et a contribué à la création de la Force de Gendarmerie Européenne.

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