Soudan :
La guerre et ses conséquences

Nathan Vauthier (*)
Master en RI à l’ILERI Paris & UGA

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En juillet 2025, la situation au Soudan est catastrophique. Elle se détériore au fur et à mesure que le conflit se développe dans le temps. Depuis 2023 le pays est en proie à la guerre civile. Ce conflit armé oppose deux hommes militaires puissants et aguerris.

Contexte : la genèse d’un conflit dramatique en Afrique de l’Est

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La raison principale de ce conflit repose sur une lutte et une conservation du pouvoir. Dans ce scénario-ci, les tensions entre les deux camps se sont transformées en rivalité qui elle-même a muté en affrontement direct.

La guerre civile somalienne met en opposition le général Abdel Fattah al-Burhan, chef des forces armées, et le président du pays à son ancien adjoint le général Mohamed Hamdan Dagalo. Il est celui qui dirige les Forces de soutien rapide (FSR). Les raisons de l’éclatement de la guerre civile au Soudan sont vieilles comme le monde. Lors du coup d’État d’octobre 2021 qui renverse le gouvernement du Premier ministre Abdalla Hamdok, les deux hommes militaires se sont partagé le pouvoir. Al-Burhan s’est octroyé le poste de président du Conseil de souveraineté de transition de la république du Soudan et Dogolo la vice-présidence. Mais au fil du temps, la société paramilitaire de Dagalo a multiplié les accords commerciaux, et ainsi engrangé de l’argent et gagné en expérience militaire, exemple : intervention lors de la guerre civile en Libye. Face à la montée en puissance économique et militaire de son « allié », le chef de l’armée soudanaise a demandé l’incorporation des forces paramilitaires à l’armée régulière du pays. Cela afin de contrôler cette force qui pourrait être une possible menace pour son pouvoir sur le long terme. Cette demande a été vue comme une insulte, le fait d’accepter serait revenu à ployer le genou et se placer sous la tutelle, le commandement et la vassalité du général Al-Burhan. De plus, face aux diverses prises de paroles et actions qui ont été évaluées et considérées comme menaçantes de la part des deux protagonistes, telles que l’encerclement de la capitale par les paramilitaires de Dogolo, la guerre civile a éclaté en Somalie, mi-avril 2025.

L’engagement de la France au Soudan pour protéger ses concitoyens : opération SAGITTAIRE

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Depuis le début du conflit armé, la guerre a connu des évolutions importantes. Il y eut, d’abord, différentes progressions sur le terrain et prises de villes ou de chefs-lieux importants de la part de deux belligérants. Puis, offensives et contre-offensives n’ont cessé de répéter.

La capitale du Soudan, Khartoum, a été le terrain de violents affrontements. Face à la montée des violences, différents gouvernements étrangers ont décidé d’organiser des évacuations de leurs ressortissants, afin qu’ils ne soient pas pris entre les combats ou soient confondus avec des militaires ou belligérants.

La France, par l’intermédiaire du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en coopération avec le ministère des Armées et l’état-major des armées sous la tutelle du Premier ministre, a décidé de faire rapatrier ses ressortissants français. Aussi, le 15 avril 2023, sur ordre du président de la République, la France a-t-elle lancé l’opération Sagittaire. L’opération militaire regroupe à la fois les services du quai d’Orsay, le centre de crise et de soutien du MEAE, des départements de l’armée tels que l’état-major des armées ou encore le commandement des opérations spéciales (COS). L’objectif était d’évacuer en urgence près de200 ressortissants français, dont l’ambassadrice Raja Rabia, et environ 800 autres ressortissants étrangers situés dans la capitale soudanaise. L’opération est pilotée depuis la base française de Djibouti. L’opération Sagittaire est un succès. Mais elle témoigne tout de même de la situation critique du pays. L’engagement des forces et de la logistique déployées ont témoigné de l’importance de la situation. Les civils ont été transférés vers l’aéroport de Wadi Seidna, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Khartoum. Plus de 1 000 personnes ont pu ainsi être extirpées d’un zone d’affrontements qui ont perduré jusqu’en 2025, avec des degrés d’intensité variables.

La capitale, Khartoum, est devenue avec le temps le symbole de cette lutte acharnée entre les deux camps. Si reprise de la capitale par les forces d’Al-Burhan en mars 2025 a été présentée comme une victoire décisive, elle n’a pas suffi, pourtat, à mettre fin au conflit.

Sur le plan régional, le conflit soudanais est loin d’être isolé. L’Égypte, dépendante du Nil, voit dans la stabilité du Soudan une condition vitale pour sa sécurité hydrique. Les Émirats arabes unis, quant à eux, sont accusés de fournir un soutien logistique et financier aux FSR, dans le cadre de leur stratégie d’influence en Afrique de l’Est. L’Éthiopie, fragilisée par ses propres guerres internes, redoute une contagion qui viendrait déstabiliser davantage la Corne de l’Afrique. Ces rivalités régionales compliquent toute tentative de médiation et enferment le Soudan dans une logique de guerre par procuration.

Depuis avril 2025, la majeure partie du sud-ouest du pays est occupée par les forces de soutien rapide (FSR). Quant à l’armée régulière, qui contrôle désormais Khartoum, elle est implantée le long du Nil dans la partie nord du fleuve. Son quartier général est établi à Port-Soudan sur la côte de la mer Rouge, véritable plate-forme économique stratégique. Il y transite de nombreux cargos, sur cette voie de passage importante pour la navigation commerciale.

Un rayonnement à l’international quasi nul pour des conséquences humanitaires quasi totales

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À l’échelle de la communauté internationale et au sein de l’Assemblée générale de l’ONU, le conflit au Soudan ne vient pas “chatouiller” la sensibilité de la majeure partie des autres États. En d’autres termes, hormis la provocation d’émoi de la part des autorités politiques face au drame humanitaire que la situation produit, elle ne provoque pas de sursaut diplomatiques importants. Les seules interventions se contentent de rester dans un registre classique. C’est-à-dire la demande d’arrêt de combat et d’un retour à la diplomatie et aux échanges afin de trouver une solution politique au conflit.

Jusqu’à présent, les conséquences humanitaires liées au conflit sont importantes.  D’après l’Organisation des Nations unies, les combats entre l’armée du Soudan et la société paramilitaire soudanaise ont provoqué le déplacement de millions de personnes (12,4 M), à la fois à l’intérieur du pays et dans les États frontaliers tels que l’Éthiopie, la République centrafricaine ou encore l’Égypte. Ces émigrations forcées créent elles-mêmes des tensions avec les autres chancelleries à l’image du Caire. De plus, plusieurs enquêtes humanitaires telles que Amnesty International ou de services de renseignements (CIA/États-Unis) relèvent diverses exactions commises lors du conflit, contraires à la fois au droit international, humanitaire et au jus in bello. Parmi ces horreurs commises des deux côtés, des viols, des massacres de civils ont été enregistrés dans le pays.

 


(*) Nathan Vauthier est étudiant en master 2 de Sécurité internationale, Cybersécurité et Défense à L’ILERI Paris et à l’université de Grenoble Alpes. Il est passionné parallèlement par le fonctionnement des négociations diplomatiques menées lors de conflits armés ouverts à haute intensité. Quant au sujet géopolitique de manière globale, il s’intéresse particulièrement à la diplomatie de défense américaine depuis le XXIᵉ siècle.