Un désordre bien ordonné
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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À ce jour, sous la Vème République, les dissolutions de l’Assemblée nationale ont été décidées à six reprises, la dernière en date étant celle du dimanche 9 juin 2024, sur décision d’Emmanuel Macron, en faisant valoir l’article 12 de la Constitution. Le président de la République a essuyé une sanction claire, quant à sa politique ; paradoxalement dans un processus d’élections à destination d’une Europe qui, là aussi, cristallise bien des critiques. Ainsi, le Rassemblement national a réuni 31,3 % des suffrages exprimés, contre 14,6% pour la majorité présidentielle. Pour autant, le taux d’abstention est resté très élevé (48,51%).
Sous la IIIème République, la dissolution fut décidée par deux fois, contre une seule sous la IVème République.
Charles de Gaulle est le premier président de la Vème République à avoir ordonné la dissolution de l’Assemblée nationale ; l’espoir étant, à chaque fois, de recomposer les couleurs de l’hémicycle en parvenant à établir une solide majorité présidentielle. Il y recourt en 1962 puis en 1968. Ce fut ensuite le tour de François Mitterrand, à deux reprises également : en 1984 et en 1993. À la différence de Charles de Gaulle, François Mitterrand échoua et dût se résoudre à accepter la cohabitation, d’abord avec Jacques Chirac comme premier ministre de 1984 à 1986, puis, lors d’une seconde cohabitation (1993 à 1995) avec, comme Premier ministre, Édouard Balladur.
Jacques Chirac n’eut recours à la dissolution qu’une fois et échoua dans l’effet recherché. Une cohabitation s’imposa de 1997 à 2002, avec un premier ministre socialiste, Lionel Jospin.
Seul, finalement, Charles de Gaulle fut donc plébiscité au gré des élections législatives anticipées, suite à la dissolution de l’AN.
Quant à Emmanuel Macron, son choix laisse perplexe. Quelle est la finalité recherchée ? Reconstituer un semblant de stabilité législative pour parachever son mandat ou poursuivre une œuvre gouvernementale, empêtrée dans un marasme financier, une crise existentielle de l’État-nation et une fragmentation croissante de la société française ?
Alors que le Président était à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 2024, pour commémorer la destruction du village et l’anéantissement de sa population par une compagnie de la division SS Das Reich, en 1944, des journalistes ont saisi cette affirmation de l’intéressé, glissée à un grand patron qui lui demandait si ce n’était « pas trop dur ces jours difficiles en politique » : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…» (cf. Chronique de Solenn de Royer, « « Emmanuel Macron, qui a déclenché cette dissolution pour piéger les partis, s’est piégé lui-même » in Le Monde, 14 juin 2024)
On ne peut que compatir pour la fonction présidentielle qui, de toute évidence, est loin d’être de tout repos. Mais on ne peut que réprouver profondément, une telle affirmation lancée avec une telle légèreté… Phrase qui d’ailleurs est sans cesse réfutée par les services de l’Élysée. Le déni de façade.
Toujours est-il qu’une fois de plus, on assiste à une mobilisation permanente des médias, des divers courants politiques pour appeler tout à chacun à faire barrage à l’extrême-droite…en rappelant les affres des années 1980, et en sollicitant les spectres de l’Histoire des années noires (1930-1945). Pourtant, si l’on se penche sur les vrais stigmates d’une extrême droite glaçante, on ne peut que constater que le RN n’est pas dans ce sillage. Car il existe bien des courants plus à droite que le RN et qui relèvent, eux, d’une véritable extrême-droite… qui juge trop à gauche le RN….
Quant à l’antisémitisme que l’on a longtemps attribué à la seule extrême-droite, il serait malhonnête intellectuellement de ne pas reconnaître qu’il est désormais très bien ancré dans une certaine gauche et extrême-gauche, plus prompte à l’islamo-gauchisme qu’à une approche équilibrée de la réalité internationale.
Que l’on soit pour ou contre le RN, cela relève de la liberté individuelle. Autant que l’on fasse prévaloir des argumentés crédibles, et non pas en jouant sur les clichés, les craintes et excès, en manipulant les citoyens pour insuffler un climat de peur.
On ne fait pas de politique sur les caricatures mais en faisant valoir des programmes que l’on partage ou pas.
Or, dans le cas de la France actuelle, on ne pourrait que souhaiter la constitution de gouvernement d’hommes et de formes de bonne volonté, libérés des carcans dogmatiques, capables d’insuffler des politiques constructives, clairvoyantes et adaptes du juste milieu. En faveur d’une Europe de la juste mesure et non du militantisme béat, avec des pays membres soucieux de coexister en n’oubliant pas leur culture propre, leurs spécificités économiques et sociales qui doivent être préservées.
À défaut, rien ne changera et tout ira de mal en pis, comme c’est le cas depuis un demi-siècle. De Philippe Séguin à Jacques Delors, divers hommes politiques ou économistes n’ont eu de cesse de le répéter.
Pour ce nouveau numéro (N°237), Espritsurcouf vous propose deux articles. Celui d’Anne Alexandre parachève le récit du parcours de vie militaire de son père, Pierre Hentic, en insistant, cette fois, sur son implication dans les guerres d’Indochine et d’Algérie : « Pierre Hentic (1917-2004). Témoin engagé de l’histoire du XXème siècle » (rubrique Histoire).
Vient ensuite l’article de Yannick Harrel qui permet de faire le point sur la politique de l’Union européenne dans le commerce hautement concurrentiel des minerais d’importance stratégique à haute valeur ajoutée : « L’Union Européenne impuissance minéralogique » (rubrique Économie).
Vous découvrirez également la nouvelle Revue d’actualité du colonel André Dulou qui attire notre attention sur l’Europe, son devenir et ses futures frontières et l’Agenda « Événements » tant à Paris qu’en régions.
En matière de lecture, le compte-rendu de lecture, de Martine Cuttier met en lumière le dernier ouvrage de Michel Goya, consacré à la nouvelle guerre israélo-palestinienne : L’embrasement, comprendre les enjeux de la guerre Israël-Hamas. Perrin-R. Laffont, mars 2024.
Dans la rubrique VIDEOS–PODCASTS, nous vous proposons le Journal de la Défense consacré à « l’Intelligence Artificielle : nos armées accélèrent ». Cette vidéo vient compléter, l’émission présentée la semaine dernière sur ce thème au cours d’une émission sur OPEN BOX TV, animée par Alain Juillet , avec la participation du vice-amiral d’escadre, Arnaud Coustillière, premier COMCYBER de 2011 à 2017
Avec l’été nous ralentissons le rythme bimensuel de parution d’ESPRITSURCOUF,
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Bonne lecture
Pascal Le Pautremat
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |
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