MACRON, LE MONDE ET NOUS…

 

Richard Labévière
Rédacteur en chef 

S’il n’y a pas un rebattage radical de cartes aux législatives, la politique étrangère de la France va continuer à grandement nous étonner. Première mauvaise nouvelle des coulisses de lamacronie : on évoque François Bayrou pour le Quai d’Orsay, autant dire la Syrie, la Palestine, la Corée du nord, la Chine, l’Inde, le Brésil et le pôle nord vus du Béarn… C’est un genre ! Deuxième bruit tout aussi peu rassurant, le nouveau conseiller diplomatique du président de la République pourrait être Gérard Araud, l’un des chefs de file de l’école néo-conservatrice française : en deux mots pro-Atlantique, pro-israélienne, pro-saoudienne, anti-russe et anti-iranienne sous couvert de droit-de-l’hommisme.  

Clone de l’autre Gérard – Gérard Errera parti pantoufler dans un fonds d’investissements américains le lendemain même de son départ du Quai d’Orsay où il occupait les fonctions de de secrétaire général – Araud est toujours ambassadeur de France à Washington, malgré plusieurs demandes de rappel express de sa hiérarchie. Le lendemain de l’élection de Donald Trump, il avait lâché un tweet bien peu conforme aux intérêts de la France : « Après le Brexit et cette élection, tout est désormais possible. Un monde s’effondre devant nos yeux. Un vertige ». Malgré cette flagrante violation de son devoir de réserve, Monsieur décide de ne pas rentrer… sans être sanctionner ! Le 9 mars dernier, il récidive par le même canal, à propos de l’élection présidentielle française.

Nommé par Nicolas Sarkozy ambassadeur de France aux Nations Unies en 2009, il a été l’une des chevilles des guerres de 2011. Le 5 juin 2011, le JDD titrait « Gérard Araud, l’homme de la guerre en Libye ». Fidèle brosse à reluire des options du Quai d’Orsay, le JDD ajoutait « Le représentant de la France à l’ONU, fin tacticien et négociateur hors pair, a imposé de haute lutte deux textes majeurs sur la Libye et la Côte d’Ivoire. Ce diplomate sans langue de bois symbolise la renaissance du Quai d’Orsay ». A voir… mais dans le même papier, Gérard Araud confirme son implication : « le mardi 15 mars au soir, nous nous sommes engueulés au téléphone, ma collègue américaine Susan Rice et moi. Je lui ai dit : « Susan, je te préviens, on va mettre ce projet de résolution au vote ! » Elle m’a répondu : « Bullshit ! », « Foutaises ! ». Deux jours, plus tard, le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU votait la résolution 1973 instaurant une zone de non vol au-dessus de la Libye. Le 19 mars, avait lieu la première frappe française dans le cadre de l’opération Harmattan suivie par celle de l’opération britannique Ellamy.

Infatigable, Gérard Araud a, aussi mouillé la chemise sur la Côte d’Ivoire. En décembre 2010, avec Susan Rice, ils donnent l’ordre à Joung-Jin Choï (représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire), de proclamer Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle avant la validation du Conseil constitutionnel. Cette proclamation signe le début de la « crise ivoirienne ». Comme pour la Libye, Gérard Araud milite en faveur de la résolution 1975, adoptée le 30 mars 2011. Ce texte signe le début de la guerre en Côte d’Ivoire. Sous prétexte d’autoriser la destruction des armes lourdes pour « protéger les civils », cette résolution permet à la France de larguer des bombes sur Abidjan dès le 4 avril 2011 !

Emmanuel Macron a déclaré, qu’une fois président, il commencerait par rendre visite à nos troupes engagées sur les théâtres extérieurs. On peut craindre qu’il n’y prenne goût et qu’il ne réitère les velléités de François Hollande contre la Syrie. Le 28 avril à Amiens, il déclarait : « Je condamne avec la plus grande fermeté l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad. Cela contrevient d’une part au Droit International et d’autre part aux accords de 2013. Et donc si je suis élu président de la République, je prendrais les dispositions en lien avec la coalition et, si possible sous mandat de l’ONU, mais même sans mandat de l’ONU pour neutraliser ses capacités chimiques du régime de Bachar el-Assad ».

De là à voir ressurgir Bernard Kouchner et son ingérence « humanitaire » aboutissant toujours – toujours – à de nouvelles guerres à l’instar de celles de Donald Trump qui s’octroie le droit d’interventions unilatérales en violation flagrante du droit international avec l’aval de la France, de la Grande bretagne et de l’Allemagne. Le troisième bruissement concerne un autre personnage : Justin Vaïsse, l’homme de l’alliance avec les jihadistes en Syrie…

Propulsé en 2013 par Laurent Fabius à la direction du Centre d’Analyse de Prospective et de Stratégie – le CAPS – (la boîte à idée du Quai), Justin Vaïsse est une autre figure des néo-cons du Quai, baptisés La Meute par les initiés… A l’époque, notre homme travaillait à Washington comme chercheur à la Brooking Institution. Très vite, il s’impose comme l’un des oracles de l’équipe diplomatique du candidat dirigée par Eric Lechevalier, ancien conseiller d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Sous sa houlette, le CAPS a fonctionné comme pure courroie de transmission des orientations idéologiques de Laurent Fabius, contournant consciencieusement l’expertise des directions régionales du MAE, notamment sur la Syrie.

Ainsi dans l’une de ses livraisons – datée du 3 janvier 2017 – et intitulée « Quelle place pour la France dans le conflit syrien au lendemain de la chute d’Alep ?, le CAPS préconise de s’opposer à Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères, sur la reconstruction de la Syrie au prétexte que cela conforterait Bachar al-Assad. Les stratèges du Quai avancent alors une idée de génie : aider et soutenir « les zones libérées », c’est-à-dire les régions sous contrôles des groupes armés tel que Fatah al-Sham, ex-Jabhat al-Nosra affilié à la Quaïda ! Notre ami, le géographe Fabrice Balanche, chercheur invité au Washington Institute, commente : « le simple fait qu’il définisse les zones tenues par les jihdadistes et les islamistes comme des « zones libérées » fait froid dans le dos. Les fiefs d’al-Qaïda en Afghanistan et le territoire d’AQMI au Sahel seraient ainsi également des « zones libérées » ». Et Fabrice Balanche de s’interroger « Pourquoi la politique française à l’égard de la Syrie est-elle aussi désastreuse ? Sans doute parce que le Ministre des Affaires Etrangères applique les recommandations du CAPS » !

Le pire n’est jamais fatal. Mais invoquons les dieux pour éviter un tel désastre, pour que la politique étrangère de la France, sa diplomatie, sa défense et sa sécurité, retrouvent indépendance, inventivité et dignité !

 

Richard Labévière 

 

 

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