« LES GILETS JAUNES ET BLACKS BLOCS »

 

 Par Xavier Raufer
Criminologue

Enseignant à l’Université Paris II

Compte tenu de l’actualité nous reprenons un article de Xavier Raufer rédigé après l’émeute du 1er mai 2018. Malheureusement l’essentiel est toujours d’actualité, nous avons seulement à remplacer « l’émeute du 1er mai » par « Les manifestations des Gilets jaunes à Paris ces 2 derniers samedis » ;

Le comité de rédaction.

 

Comment expliquer l’émeute du 1e mai ou les manifestations des Gilets jaunes à Paris ces 2 derniers samedis quand des « Black Blocks » sont identifiés par les polices de France et d’Europe ? Quelle(s) failles y a-t-il eu ? Quelles conclusions en tirer ?

Les « Black Blocks » et anarchistes adjacents clairement présents ces 2 derniers samedis, infiltrés dans les rangs des Gilets jaunes, qui sont-ils ?  Ce sont souvent des gosses de riches en révolte pubertaire. Gauchistes à 17 ans, ils « combattent » futilement la police – et à 40 ans, dirigent les agences de com’ ou médias du système.

Pour leur faire face, la police travaille ; d’abord à Paris et alentours (92, 93, 94) la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP, ex-renseignements généraux de la PP), l’entité de renseignement civile la plus ancienne de France – et sur son territoire, la plus affutée.

L’auteur est formel : la DRPP connaît un par un, depuis belle lurette les deux ou trois cents anars et « black blocks » les plus agités et peut aisément, sur instruction, en cueillir la plupart chez eux avant émeute (dans les beaux quartiers ou divers squats…) et les isoler quelques heures. Les codes en vigueur le permettent, sans atteinte à l’état de droit. En prime, ces milieux anarchistes grouillent séculairement d’indicateurs. Songez aux toxicomanes et délinquants parmi eux, « tenus en laisse » pour une sale affaire et balançant leurs camarades… En Ile-de-France, la PP connaît ainsi en détails les préparatifs d’une émeute.

De plus, l’Europe du renseignement existe. L’auteur affirme que, quand trente émeutiers allemands (les plus aguerris), belges ou italiens, partent pour Paris se joindre à la « fête », un signalement souvent nominal arrive à Paris. Ces notes d’alerte donnent aussi l’immatriculation des véhicules, des itinéraire, etc. (les « indics », toujours…).

Ainsi, tout gouvernement français récent peut à volonté neutraliser une émeute – du moins, en limiter les dégâts à 90%. Exemple : le 17 avril 2017, avant l’élection présidentielle, les Black blocks voulaient ravager le secteur du Zénith, lors d’une réunion du Front national. Prévenue (comme d’usage), la police, a agi et l’affaire s’est bornée à de « brefs heurts ». Or cela, elle le peut toujours.

Pour une manifestation type Gilets jaunes, comment le maintien de l’ordre est-il prévu en termes techniques ? Qui fait quoi, qui est responsable de quoi ?

L’auteur a déjà écrit que l’Elysée s’inquiétait de ce que l’Intérieur « patine » sous l’ère Collomb. Machine lourde et complexe, tout dans ce ministère procède du sommet – l’image du chef d’orchestre est ici valide. Main ferme, santé de fer sont cruciaux pour animer le ministère de l’Intérieur en souplesse, c’est ce qui rend ce poste ministériel éreintant .

Là, l’émeute du 1e mai interroge. Des mois auparavant, un délicat ballet débute entre l’Elysée, les services du Premier ministre, l’Intérieur et la Préfecture de police de Paris(*).

En pareil cas, le renseignement (recueilli à la DGSI, voire à l’UCLAT si risque terroriste) converge à la DRPP. Pour les mesures de terrain (périmètre… interdictions… cortèges…), c’est la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Nul ne peut interdire une manifestation en France sans recours, mais des périmètres de sécurité peuvent être imposés, des individus dangereux tenus à distance, etc. Voilà (en simplifiant) la machine prévue pour une manifestation à risque.

La même préparation a eu lieu avant chacun des 2 samedis derniers.

Le ministre de l’intérieur a changé et clairement, le dispositif a échoué à prévenir les débordements. Pourquoi l’échec, faute à qui ? Au gouvernement de s’interroger et d’en tirer les leçons rapidement d’ici le samedi 8 décembre.

Peut-on redouter que le scénario se répète samedi prochain ?

Paris à feu et à sang les samedis 24 novembre et 1 er décembre, le ministère de l’Intérieur démontre qu’il n’a toujours pas la capacité d’anticiper les crises et vit toujours dans la culture flicarde-Maigret, la trilogie : commission d’une infraction – enquête – traduction en justice.

La vraie révolution, au ministère de l’Intérieur – venue du chef, forcément dans un ministère régalien – sera d’adopter les doctrines et normes du décèlement précoce des dangers et menaces. Voici quinze ans que les criminologues – l’auteur en tête – disent que cette pratique est cruciale dans un monde numérisé, désormais sans profondeur stratégique ni distance protectrice : le « choc stratégique » est sur vous à la seconde, il faut l’anticiper – ou subir. L’Amérique du 11 septembre 2001, la France du 1e mai 2018, la France des samedis 24 novembre et 1 er décembre n’ont su anticiper.

Pour la France, l’émeute du 1er Mai 2018 était un avertissement sans (trop de) frais. Le gouvernement ne l’a pas compris. Sera-t-il capable de mettre en place les actions et les moyens pour éviter de tels débordements ce samedi 8 décembre ? L’enjeu est là.

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(*) Première police du monde moderne, la PP, Préfecture de Police de Paris, descend directement de la « Lieutenance de Police » fondée sous Louis XIV (1667) par Gabriel de la Reynie – bien antérieure au ministère de l’Intérieur lui-même (« Ministère de la maison du roi » devenu « de l’Intérieur » en 1789).

Xavier Raufer écrit régulièrement dans http://www.atlantico.fr/