AU SUJET
DES CORSAIRES …

par Philippe Mallard (*)
Amiral


L’amiral Philippe Mallard, lecteur assidu d’ESPRITSURCOUF,  nous fait parvenir une  description et une définition d’un « Corsaire ».
Merci Amiral de nous permettre de bien faire la distinction avec pirates et flibustiers car nous sommes des « corsaires » au service de notre pays.
Dans le courant de l’été nous vous présenterons la vie de quelques corsaires célèbres ou originaux.


Pirates, flibustiers, corsaires,… Il faut être un peu précis en ce domaine car tout le monde n’est pas fréquentable. et il faut remettre chacun dans le contexte de son époque, donc ne pas juger avec des critères du XXIe siècle !

Le terme « pirate » est issu du grec (via le latin « pirata ») : celui qui tente fortune. En pratique il est simplement un voleur maritime, hors la loi, pilleur. C’est face à leur multiplication que le célèbre Hugo Grotius rédigera son traité « de la liberté des mers » qui servira de droit maritime pratiquement jusqu’au XXe siècle (1625)

L’appellation de « flibustier »  (de « flibutor », anglais/néerlandais) désigne celui qui fait du butin librement. Elle était employée pour ceux qui « opéraient » à partir de la mer des Antilles… et comme il n’existait guère d’autorité vraiment légitime dans cette zone maritime, le flou était de rigueur… sans trop se faire d’illusions quand-même ! La plupart étaient basés sur l’ile de la Tortue (à terre étaient les boucaniers) et certains se prévalaient d’une « commission », surtout à partir de 1664 quand Colbert fondera la Compagnie des Indes Occidentales. L’âge d’or de la flibuste (François l’Olonnais, Jean Lafitte…) cessera à la fin du siècle et les derniers partiront vers l’Afrique (esclavage) ou l’Océan indien (les Galapagos).

Les « corsaires » (de l’italien « corsao » course).  Dès le Moyen-Age des armateurs obtiennent de leur suzerain le « droit de représailles » en cas d’attaque de leur navire. C’est un système peu onéreux pour l’Etat : l’armateur paie tout et l’Etat ne peut qu’y gagner ! ,Bien-sûr, en faisant référence aux héros célèbres et plutôt récents tels Robert Surcouf, Jean-Bart, Duguay-Trouin, Cassard etc. on range généralement ces marins dans les « honorables », mais…
Historiquement, un corsaire est un capitaine qui opère sous couvert d’une « lettre de course » (ou »commission ») octroyée par un souverain reconnu par les autres rois comme légitime. Ils n’opèrent qu’en temps de guerre et que contre les navires marchands., s’ils sont pris par l’ennemi, ils ont le statut de prisonnier de guerre. Leur statut ( et donc leur honorabilité) se structure vraiment à partir du XVIIe et se développe largement au XVIIIe contre les anglais (et réciproquement évidemment!).
Les trois grands ports français « spécialisés » seront Dunkerque, Saint Malo et Morlaix (mais aussi Calais, Boulogne et Granville)
Cette catégorie d’actions, dite « guerre de course » a été juridiquement abolie par le traité de Paris en 1856 (les USA n’ont pas ratifié de texte et les corsaires y sont toujours-théoriquement- légaux).

Un corsaire est tenu de porter son pavillon pendant le combat (mais pas avant..) et, au retour, il doit faire rapport à l’Amirauté qui envoie un inspecteur vérifier et apposer les sceaux, qui resteront jusqu’à ce que le « Tribunal des prises » ait homologué la mission . Alors le butin peut être vendu (ou partagé) et chacun reçoit sa part: l’État prend 10 à 20%, le capitaine 25 parts, chaque matelot 1part etc..

Les corsaires reconnus sont assez nombreux : la France à elle seule en revendique une bonne centaine mais il y en a eu un peu partout : ottomans ( dont deux Barberousse), anglais, belges, hollandais, suédois, polonais, espagnols, marocains…

*****************************************(*) Philippe Mallard

Philippe Mallard, amiral, a servi dans la Marine tant comme navigant que pilote. Après avoir exercé plusieurs commandements d’unités il a, notamment, été Préfet Maritime , Commandant de la Force d’Action Navale et Contrôleur Général des Armées. En Etat-major il a principalement traité de sujets politico-stratégiques. Il est membre de la 42è promotion de l’IHEDN