Plaidoyer pour un monde
en sûreté

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.Arnaud Liria (*)
Consultant en géopolitique

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Le temps qui passe est précieux, il ne doit pas être celui du désœuvrement car le retour en arrière est impossible…Cette sentence de l’auteur donne le ton de son article. Pour le lire, il faut assurément bien accrocher ses neurones. Mais dans cette tentative de démontrer les imbrications de l’écologie scientifique, des ressources en énergie fossile et des questions de Défense, on voit quelques vérités essentielles apparaitre en filigrane.
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’année 2021 marque un tournant dans l’histoire des catastrophes climatiques qui meurtrissent tous les continents, sans que quiconque puisse en prédire la fin. Si beaucoup d’entre nous ont à peu près conscience de l’impact néfaste du réchauffement des températures, conséquence directe d’une activité économique énergivore croissante depuis un siècle et demi dans les pays développés, d’aucuns ignorent encore l’état critique dans lequel se trouve non seulement nos espaces naturels, mais aussi et surtout celui de nos ressources énergétiques, et les impacts potentiellement dramatiques de cette alchimie dans le contexte géopolitique mondial.

La situation est d’autant plus préoccupante que la gouvernance mondiale est remise en question au profit du chacun pour soi. Croyant se protéger des fléaux énergétiques, environnementaux et sociaux, les Etats s’engagent dans une course contre la montre qui favorise l’essor du communautarisme et risque de conduire à la désagrégation des institutions supranationales. Si le temps n’est pas encore tout à fait venu, force est de constater des signes de désunion. On peut citer le Brexit, qui souligne la fragilité de la cohésion européenne ; ou plus récemment le dernier rapport du GIEC qui, au final, n’a été qu’un esclandre de quelques heures sur toutes les chaines d’informations ; ou encore l’ultime évènement illustrant une méfiance dans les relations internationales : la crise diplomatique entre la France et l’Australie qui fragilise l’Alliance atlantique.

Quelques chiffres actuels

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Les crises sont pour le moment relativement bien maitrisées, notamment grâce aux mesures d’urgence destinées à rattraper la croissance perdue. Mais nul ne semble pouvoir contester que les plans de relance sur la recherche et l’investissement se font, dans la discrétion, en faveur des dépenses militaires. On peut évoquer, en France, la loi de programmation militaire 2019-2025, dont le budget 2021, à 39.2 milliards, a augmenté de 1.7 milliards d’euros, soit une hausse de 4.5% par rapport à l’année précédente. Du côté des Etats-Unis, on remarque que le plafond atteindra 752 milliards en 2022. Quant à celui du Japon, il sera d’environ 50 milliards de dollars. La Chine n’est pas en reste avec une hausse de son budget militaire avoisinant les 7% par rapport à 2020, pour s’établir à 209 milliards de dollars cette année. Enfin, la Russie affiche également une volonté de renforcer sa puissance militaire avec un budget défense supérieur à 65 milliards de dollars selon l’estimation de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

 

Le tigre de Sumatra en voie d’extinction à cause de la déforestation (afin de récupérer le bois pour l’industrie du papier, et de planter des palmiers à huile). Photo Pixabay.

Dans le même temps, il convient de relever les données principales concernant la biodiversité et les énergies. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sur les 138 374 espèces étudiées, 38 543 sont classées en danger. Parmi ces espèces, 41% des amphibiens, 14% des oiseaux et 26% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 37% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères. De manière plus explicite on peut rappeler que 99% des rhinocéros et 97% des tigres ont disparus depuis 1914, mais aussi 90% des lions depuis 1993, 40% des girafes depuis 2000 et 80% du krill en Antarctique depuis 1975. La liste est bien sûr non exhaustive.

Cet effondrement se produit au profit de l’exploitation massive des énergies fossiles dans les espaces sauvages. Cependant, avec la crise du covid-19, l’Agence Internationale de l’Énergie  rapporte que leurs productions ont diminué de manière significative en 2020 par rapport à 2019 (-5%). Elle précise que tous les combustibles ont été touchés, en particulier la production de pétrole (-7%), mais aussi celle du charbon et de gaz naturel, qui ont diminué respectivement de – 4%  et -3%.  Malgré ces baisses tendancielles et le concept de transition écologique mis en avant par les gouvernements, les combustibles miniers demeurent les principales sources énergétiques mondiales (81%).

L’ensemble de ces données infèrent un déséquilibre du vivant qui entraine une aggravation du contexte sécuritaire.  Dans cette circonstance particulière où les nations souveraines cherchent à se protéger d’une invasion extérieure qui pourrait venir piller leurs ressources naturelles, un contexte géopolitique tendu nous amène à reconnaitre le lien entre la préservation de nos ressources énergétiques, l’écologie scientifique et le secteur de la défense. 

Dès lors, que faire pour tenter de juguler la crise environnementale et ainsi permettre une redistribution progressive et partielle des budgets de défense au profit d’autres secteurs préventifs qui pourraient conjurer cette course à l’armement ?

Du réel…

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Pour commencer, il est bon de rappeler, et même d’insister, sur la finitude de nos existences, conditionnées par deux principaux agents vectoriels. Un premier vecteur est la planète, avec ce qui la compose en termes d’espaces et de ressources. Et un second est le système moderne, qui repose sur un mode de fonctionnement consumériste issu de l’exploitation des énergies naturelles et de leurs transformations. Aussi désagréable soit-elle pour certains d’entre nous, cette prise de conscience n’en est pas moins une vérité tangible qui nous contraindra à la tempérance lorsque les ressources seront totalement épuisées. Au regard de la situation actuelle qui se dégrade vite, le mieux serait peut-être d’anticiper ce point de non-retour et d’adopter, de plein gré, un comportement raisonné qui nous permettrait de durer et de léguer un peu de notre patrimoine commun aux générations futures.

…aux perspectives

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Ceci étant énoncé, les interdépendances complexes qui nous lient les uns aux autres empêchent une réponse simple à la question. On peut toutefois émettre quelques idées. La première est de tenter de comprendre les mécanismes élémentaires qui justifient nos comportements immoraux et qui permettent à la société de s’organiser avec la brutalité que l’on sait. Ces comportements hostiles annihilent souvent nos espérances légitimes pour un monde meilleur.

On peut transformer cela, à condition de vouloir s’affranchir de cet instinct de prédation exclusif à notre espèce, qui renvoie à cette idée obsessionnelle et faussement vertueuse que représente la sécurité individuelle. Plutôt que de stigmatiser sa perversité qui entrave notre résilience, il faut au contraire la distinguer du principe de sécurité, qui est parfois une nécessité pour protéger les plus démunis. Dans ce cas, il suffit d’observer le règne animal pour comprendre que la meilleure des protections est au sein d’un groupe.

Rappelons que notre liberté et notre sécurité se sont affirmées de cette manière, car nous avons su constituer des alliances stratégiques pour mieux nous défendre. Or aujourd’hui, ce principe élémentaire d’association est remis en question, parce-que nous peinons à reconnaitre notre vulnérabilité face à l’appât du gain, ce destructeur insatiable de notre patrimoine énergétique. Cette convoitise nourrit notre conditionnement à l’auto centrisme, faisant ainsi écho à notre instinct primitif évoqué supra, qui délite de fait l’organisation solidaire des sociétés modernes et crée une angoisse palpable justifiant des investissements importants dans l’arsenal de défense.

Dans cette situation compliquée, l’économie est devenue le sacerdoce du progrès et s’illustre notamment par le fait que les dépenses militaires sont parmi les plus bénéfiques sur le plan économique et technologique. Ce rouage profitable particulier enivre au point d’appliquer le tristement célèbre adage – la fin justifie les moyens – qui nous entraine dans un cercle vicieux,  puisque quiconque recourt à un stratagème par le feu pour défendre ses intérêts démontre une attitude menaçante envers autrui, qui emploiera très probablement à son tour le même stratagème.

L’affaire des sous-marins australiens : « les dépenses militaires sont les plus bénéfiques sur le plan économique et technologique….La fin justifie les moyens ». Photo DR

Pour éviter l’escalade d’un tel conflit, il faut oser faire preuve de détermination en optant pour un paradigme nouveau, qui consisterait à enrichir l’individu en lui démontrant que le choix des armes est celui de l’illusion d’une vie sans la moindre tension. Sans toutefois tomber dans la crédulité au point de croire que l’inverse peut mener à la pacification du monde. Cette prise de conscience permettrait éventuellement de permuter les circonstances établies depuis longtemps, au profit d’une culture de l’allocentrisme, qui mettrait ainsi en exergue notre sens des responsabilités (collectives). Cette tendance édifierait un maillage social, solide et coopératif, au sein duquel le respect de l’environnement permettrait d’assurer la subsistance de tout un chacun, et donc de faire tourner la machine économique au-delà de nos attentes élémentaires.

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(*) Arnaud Liria, après un début de carrière dans le commerce et la finance, décide d’entamer une reconversion professionnelle dans l’alignement de ses valeurs et convictions, en tant que consultant en géopolitique. Diplômé de Sciences Po Grenoble (Master en Gouvernance européenne), il oriente ses travaux sur les enjeux environnementaux et sociétaux actuels. Il est aussi engagé dans des associations qui œuvrent à la préservation de la biodiversité.

Bonne lecture et rendez-vous le 18 octobre 2021
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