OTAN, alliance militaire indispensable aux Démocraties


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Gilles Rouby (*)
Général de Corps d’Armée (2S)

Alors que les menaces grandissent dans le monde, l’Europe, prise dans sa globalité, est à la fois un géant économique et un nain militaire, du fait de la dispersion de ses efforts, qui restent de la responsabilité nationale. En conséquence, avons-nous d’autres choix pour notre défense que de nous appuyer sur l’OTAN ? C’est la question à laquelle l’auteur, pour sa part, répond sans ambiguïté.

 

Il y a 56 ans, le 7 mars 1966, le général De Gaulle décidait de retirer les militaires français du commandement intégré de l’OTAN. Cette décision a pris en France, une dimension politique telle qu’elle constitue un marqueur fort de notre identité nationale. Pour notre politique étrangère, la relation de la France avec les Etats-Unis, et donc indirectement avec l’OTAN, est depuis cette époque réglée par la célèbre posture dite des 3A, bien connue des diplomates : Amis, Alliés, mais non Alignés !

De leurs côtés, les partis extrêmes de l’échiquier politique national considèrent l’appartenance à l’OTAN comme une obstacle à leurs programmes de restauration de la souveraineté nationale.

Le contexte particulier de cette année 2023 nous impose une nouvelle fois une réflexion en profondeur sur l’OTAN, car les défis qui se présentent dépassent largement le cadre de la plupart des Nations, prises individuellement.

Un désordre géostratégique grandissant

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Pour porter un regard neutre sur un sujet aussi sensible, observons les évolutions du monde depuis une trentaine d’années.

En 1989, la Chine avait un PIB de 347 milliards de dollars soit 6 % du PIB Américain et 18 % du PIB Japonais, les deux plus grandes puissances économiques de l’époque. Or, en 2010, dix ans après son entrée à l’OMC, la Chine communiste est devenue la deuxième puissance économique mondiale. Elle a développé son économie à grande vitesse en profitant notamment de la cupidité générale des Occidentaux et des règles imprécises de l’Organisation mondiale du commerce sur les subventions d’État qu’elle a utilisées massivement pour faire émerger discrètement des champions nationaux dans tous les secteurs. Les effets de cette montée en puissance ont été impressionnants sur les économies occidentales, provoquant désindustrialisation, chômage, dépendance complète pour de très nombreux équipements, dont les plus emblématiques étaient encore récemment les masques anti-COVID…

 

Or, cette émergence économique éclair s’est également accompagnée d’une montée en puissance équivalente de l’outil militaire. En 2000, le budget chinois de la défense était inférieur à celui de la France : il est aujourd’hui six fois plus élevé. Le Secrétaire général du Parti communiste chinois n’hésite plus à fixer l’objectif majeur du pays : devenir en 2049, pour les cent ans de la création de la République Populaire de Chine, la première puissance économique et militaire du monde. Au rythme actuel, on peut même penser qu’en 2030, l’objectif sera déjà atteint. Et si l’on considère, en perspective, l’attitude belliqueuse du pays en mer de Chine, malgré les décisions de la Cour permanente d’arbitrage de la Haye, il faut très sérieusement s’interroger sur notre posture face à des ambitions générales qu’elle ne cache plus : imposer le communisme à la chinoise au reste du monde…

En 1989, la chute du mur de Berlin a marqué le début de la fin du bloc soviétique dont l’existence orientait tous les efforts de défense occidentaux depuis la Deuxième Guerre mondiale. Certains y ont même vu la fin de l’histoire… Mais la Russie communiste est-elle sortie de 80 ans de marxisme-léninisme guérie de l’expérience, soucieuse de rejoindre le camp des démocraties et de partager leur vision du monde ? L’invasion et l’occupation de l’Ossétie et de l’Abkhazie en Géorgie en 2008, puis de la Crimée et du Donbass en Ukraine en 2014 et 2022 montre clairement que non. Le dirigeant russe actuel, pourtant admiré par certains de nos leaders politiques, déteste les Occidentaux et ne rêve que de rétablir l’ordre mondial décidé à Yalta en 1945…

Et que dire de la Turquie qui, tout en étant membre de l’OTAN depuis 1952, achète des équipements militaires ultra sensibles aux Russes ? Des systèmes de défense aériennes propres à perturber profondément les systèmes d’information de l’Alliance ? Tout en vendant aux Russes des drones utilisables contre l’Ukraine ou en menaçant la Grèce, membre de l’OTAN, de s’approprier en force les matières premières enfouies dans sa zone économique exclusive…

Passons sur l’Iran qui aide Moscou contre Kiev, souhaite officiellement la destruction d’Israël et cherche à se nucléariser… Ou sur la Corée du Nord qui tire des missiles potentiellement nucléaires dans l’espace aérien japonais…

Force est de constater, après ce rapide et parcellaire survol des frictions internationales que le monde non démocratique est de plus en plus menaçant.

Rapport des forces économiques et militaires global
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Au-delà des ambitions et postures nationales affichées, penchons-nous un peu sur les moyens associés aux stratégies volontaristes des uns et des autres. Deux indicateurs donnent toujours une idée assez précise de la puissance réelle d’un pays : sa richesse mesurée à travers son PIB et sa capacité militaire mesurée à travers son budget de la défense.

En 2021, le PIB des États-Unis tournait autour 23 000 milliards de dollars, celui de la Chine autour de 17 000 milliards $ et celui de l’Union européenne autour de 14 000 milliards $ (sans le Royaume Uni) pour un PIB mondial de 96 000 milliards $. Au-delà, l’Inde affichait un PIB de 3 100 milliards $, la Russie de 1 700, l’Iran de 1 400 et la Turquie de 800 milliards de dollars à comparer au PIB de l’Allemagne (4 200), de la France (2 900) et de l’Italie (2 100).

Les premières conclusions qui s’imposent sont les suivantes : l’Occident (États-Unis, Europe et Canada) représente plus de 50 % du PIB mondial, la Chine 18 % et la Russie 1,7 %. La part de la seule Europe des 27 est de 15 % (18 % avec le Royaume-Uni). Les économies additionnées de l’Allemagne, de la France et de l’Italie représentent cinq fois le poids de l’économie russe. Voilà qui permet de relativiser la puissance et les ambitions des uns et des autres et de mesurer assez objectivement leur capacité à faire durer un effort de guerre.

En 2021, le budget américain de la Défense a avoisiné les 800 milliards $, celui de la Chine les 293 milliards, 313 milliards pour les Européens, 76 milliards pour l’Inde et 65 milliards pour la Russie. On peut donc observer que l’Europe n’atteint pas 40 % du budget de la Défense américain. Et comme nous savons bien qu’elle dépense de manière désordonnée, incohérente, pays par pays, sans craindre les duplications inutiles ou les   « trous capacitaires » malgré les efforts de Bruxelles, sa puissance militaire est très parcellaire. La Chine qui, elle, agit d’un bloc, est sur une trajectoire de hausse très rapide de son budget militaire (+7 % en 2022) et aura en volume, en 2023, dépassé l’ensemble des budgets militaires des nations Européennes. Inutile de dire que, d’un point de vue efficacité, la Chine est déjà devant l’Europe.

La Défense européenne, alternative à l’OTAN
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Face à une Chine qui devient très puissante et menaçante et à une Russie agressive depuis 15 ans, ne nous trompons pas de diagnostic : la Défense européenne n’est qu’un concept, très séduisant sans doute, mais utopique. Les militaires savent bien depuis mars 1918 que, sans commandement unique, il n’y a pas d’efficacité dans l’action globale. Or, l’Union européenne est tout sauf un ensemble monolithique fonctionnant comme un bloc. Sa capacité à agir comme puissance militaire autonome face à un conflit d’envergure, bref, à mener une défense collective solide de ses frontières et de ses valeurs, demeure et demeurera une chimère aussi longtemps que l’Europe sera une confédération d’États-Nations.

Pour une Défense européenne digne de ce nom, il faudrait une Europe fédérale à l’américaine. Or, les Européens ne le souhaitent pas vraiment et la France, sans doute, moins que les autres. Imaginer qu’on puisse faire disparaître notre identité nationale dans un magma fédéral informe est juste à l’opposé de notre histoire, de notre culture et de notre orgueil national.

Ajoutons pour compléter que la guerre russe en Ukraine montre à quel point l’Allemagne et la France demeurent opposées encore aujourd’hui, 65 ans après la création de la CEE, sur des sujets aussi stratégiques que la politique énergétique, le nucléaire, le système de défense (dissuasion nucléaire contre défense anti-missiles), les équipements de défense, etc. Or, si une Défense européenne existait un jour, elle serait majoritairement sous leadership allemand compte tenu du poids économique et militaire à venir de ce pays.

Des éléments de la brigade franco-allemande se sont déjà retrouvés en Opex, mais de manière juxtaposée, avec des missions différentes. Si la BFA n’a jamais été utilisée en tant que brigade constituée, c’est parce que les ordres viennent de deux pays différents, avec des règles d’engagement, des systèmes de communication et des services médicaux différents. Photo Armée de Terre/SCH Julien C.

L’OTAN, seule alliance militaire réaliste
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La défense d’un pays est son assurance-vie : elle ne peut pas reposer sur des calculs approximatifs de moyen ou long terme, des pseudo amitiés particulières ou sur des intuitions.

L’Alliance atlantique représente aujourd’hui une sorte de coalition permanente regroupant près d’un milliard de personnes et plus d’une trentaine de démocraties attachées à la liberté individuelle et aux droits de l’homme.

Militairement, l’OTAN est la plus puissante alliance mondiale car elle regroupe 60 % des budgets militaires de la planète, dont 40 % pour les seuls Américains. Son existence résout, bon gré mal gré, le problème du leadership militaire entre Allemands et Français.        

Tout comme Churchill avait dit au Général de Gaulle « qu’entre l’Europe et les États-Unis le Royaume Uni choisira toujours le large ! » soyons conscients qu’entre les Américains et les Français, « les Allemands choisiront toujours le large ! ». Sur ces bases, face à un monde communiste qui, avec la Chine, n’a pas dit son dernier mot, quel responsable militaire français conseillerait à son exécutif national de quitter l’OTAN ?

Bien sûr, des doutes se sont instillés depuis vingt ans quant à la qualité du leadership des États-Unis, après les aventures irakienne et afghane. Mais si l’on considère les projets de sociétés défendus par les USA, l’UE, la Chine ou la Russie d’aujourd’hui, il est clair que les Américains et les Européens défendent des modèles comparables et compatibles. Côté français, cultivons donc le réalisme : l’Alliance atlantique a fait ses preuves : elle nous est indispensable comme à toutes les nations attachées aux valeurs démocratiques et qui sont prêtes à les défendre.

Cet article est extrait du dossier n°29 de mars 2023 du Cercle Maréchal Foch, publié par Theatrum Belli.  Le Cercle Maréchal Foch est le nouveau nom du G2S, répertorié dans la communauté Géopolitique et de Défense d’Espritcors@aire. Le Cercle Maréchal Foch est une association d’anciens officiers généraux, principalement issus de l’armée de terre, désirant contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense.

(*) Gilles Rouby est général de corps d’armée (2S). Après avoir participé à la 1ère  guerre du Golfe (1990) et à l’opération Turquoise au Rwanda (1994), il commande un bataillon au sein de la force d’interposition de l’OTAN au Kosovo (2000-2001). Il prend part à la première opération de l’UE en République démocratique du Congo (2003). En 2011, il est désigné général chef de l’état-major international de l’OTAN pour l’opération en Libye, puis nommé représentant permanent de la France auprès de l’UE et de l’Alliance Atlantique. Il est aujourd’hui Associé et Directeur Général de THEMIIS ( the management institute for international security), et membre du Cercle Maréchal Foch.

 


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Rendez-vous le 30 juin 2023 pour le N°217