Les vrais chiffres
de la pauvreté en France

Alexandre Mirlicourtois (*)
Directeur de la conjoncture et de la prévision – Xerficanal

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Les questions socio-économiques sont particulièrement préoccupantes en France. D’autant lorsque l’on constate que le nombre de pauvres y est dramatiquement en hausse.

 

C’est un chiffre choc : 9,1 millions de pauvres en France ! Il situe le taux de pauvreté à 14,4% de la population. Après avoir diminué des années 90 jusqu’au milieu des années 2000, le phénomène a brutalement pris de l’ampleur et reste à un niveau alarmant.

Pour certain, c’est même plus car l’Insee aurait une vision trop étroite de la pauvreté en limitant son analyse aux personnes vivant en France métropolitaine, dans un logement ordinaire, au sein d’un ménage dont la personne de référence n’est pas étudiante. Ne sont donc pas pris en compte les habitants des territoires ultramarins, ceux qui vivent dans un habitat mobile (caravane, mobil-home,) ou en institutions (EPHAD, résidence étudiante), sans parler des sans-abris. En élargissant la cible, 11,2 millions de personnes seraient ainsi en situation de pauvreté soit 16,5% de la population française. C’est près d’1 Français sur 5, c’est beaucoup, c’est trop, c’est exagéré. Il faut revenir sur le calcul et la notion même de « pauvreté monétaire ».

Deux approches sont possibles. La première renvoie au concept de pauvreté absolue, situation où un individu ne dispose pas des ressources nécessaires pour satisfaire ses besoins fondamentaux (se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner). La seconde, la pauvreté relative est une mesure comparative, c’est celle utilisée en France. Une personne est considérée comme pauvre par rapport aux normes de vie de la société dans laquelle elle vit. Même si ses besoins de base sont satisfaits, une personne peut être considérée comme pauvre si elle dispose de beaucoup moins de ressources que le reste de la population.

Le seuil est souvent défini en fonction d’un pourcentage du niveau de vie médian, celui qui partage en deux la population. Longtemps fixé à 50% dans l’Hexagone, il est monté à 60% pour coller à la définition européenne. A priori, rien de spectaculaire, pour une personne seule, la frontière délimitant la pauvreté passe de 1 000 à 1 216 euros mensuels. En revanche, ce glissement a quasiment fait doubler le nombre de pauvres ! Il n’existe pas de seuil de pauvreté naturel, c’est une convention mais il est possible de poser quelques jalons. A 60% du niveau de vie médian, le seuil de pauvreté pour une personne seule est proche du SMIC (1 300 euros nets mensuels) et atteint 3 040 euros pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans.

Trois remarques. Proche de ces frontières, les personnes concernées n’ont pas le sentiment d’être tombées dans la trappe à pauvreté et ne le vivent pas comme-tel. Ensuite, selon les calculs et l’analyse de l’Observatoire des inégalités, « le seuil de pauvreté aujourd’hui équivaut, une fois l’inflation déduite, au niveau de revenu médian des années 70. Autrement dit, aujourd’hui les personnes au seuil de pauvreté disposent du niveau de vie des classes moyenne de l’époque ». Enfin, il faut rapprocher ces chiffres à ceux des personnes accueillies par les associations caritatives. Le revenu médian de la population aidée par le Secours catholique est de 555 euros, deux fois moins que le seuil de pauvreté.

Il ne s’agit bien entendu pas de faire disparaître la pauvreté des statistiques, mais exagérer le phénomène c’est aussi remettre en cause l’efficacité du modèle de solidarité français qui est l’un des « moins mauvais » d’Europe.

 

Vidéo publiée le jeudi 16 janvier 2025 octobre 2024 sur le site XerfiCanal. Pour la visionner, cliquez ICI

 


(*) Alexandre Mirlicourtoisdirecteur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi depuis 2006, est en charge de la direction économique et quantitative des études sectorielles et responsable des scénarios macro-économiques. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis.