LA DÉMOGRAPHIE,
UN FARDEAU PLANÉTAIRE

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Pascal Le Pautremat (*)
Géopoliticien

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L’ultralibéralisme ne cesse de s’auto-satisfaire et de promouvoir sa politique de croissance sans entrave. Dans le même temps, organisations internationales et pôles d’études démographiques se mobilisent pour rappeler que la question démographique est au cœur de la viabilité de notre monde, dans les décennies à venir et dans le siècle prochain.
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Les multinationales, forgées à l’ère du libéralisme et confortées à l’heure du néolibéralisme, n’aspirent qu’à écouler leurs produits auprès de masses de gens que l’on tente de maintenir dans un consumérisme opportuniste. Elles sont largement actrices de la dégradation systémique de notre monde

La situation est des plus sombres quant à l’avenir : marchés saturés, développement du chômage sur fond de montée en puissance des intelligences artificielles (automatisation, robotisation) qui vont contribuer à faire disparaitre, selon les sources, 20 millions d’emplois industriels d’ici à 2030. De manière globale, 16 % des emplois dans les pays de l’OCDE devraient disparaitre d’ici 2030, et plus de 30% être profondément modifiés par l’extension de l’outil robotisé.

UNE VIE À CRÉDIT DANS UN MONDE SATURÉ

Faut-il le rappeler une fois encore ? Nous vivons à crédit sur la Terre, en épuisant en près de six mois toutes les ressources qu’elle met une année à créer ou à renouveler. Tous les indicateurs environnementaux sont au rouge : recul catastrophique de la biodiversité, extraction sans vergogne des ressources énergétiques à haute valeur ajoutée, déforestation et bétonisation galopante, sur fond de croissance démographique et d’obligation, pour construire des logements, de gagner sur les terres agricoles, les forêts et les savanes…

Les mégalopoles explosent et voient le nombre de délaissés et déviants sociaux augmenter de manière dramatique. Les associations d’aide alimentaire, y compris en France (Restos du Cœur, Fondation Abbé Pierre) soulignent qu’elles sont confrontées à toujours plus de familles nombreuses plongées dans un désarroi social et matériel. La disette revient en force à travers le monde, notamment en Afrique pan-sahélienne, alors que les taux de natalité y oscillent entre 4 et 6 enfants par femme, sur des terres dénudées, appauvries, de plus en plus fragilisées par la hausse des températures.

Ici, la terre est devenue si pauvre que le bœuf n’a plus que la peau sur les os.
Photo Pixabay

L’économiste Stéphane Madaule, dans une tribune publiée le 16 février 2019  dans la journal Le Monde, avait le courage et le mérite de rappeler que « la démographie est bien le chaînon manquant du développement durable », et de préciser que « l’irruption de la dimension environnementale dans nos modèles de développement signifie la fin du laisser-faire en matière économique, puisque, d’une logique d’exploitation des ressources infinies pour tous, on passe à une logique de répartition nécessaire des ressources, de partage, de préservation de nos écosystèmes permettant de généraliser le bien-être pour tous et dans la durée ». Stéphane Madaule soulignait que sans l’explosion démographique, nous ne serions pas confrontés à la difficile gestion des ressources et à la nécessité de changer de paradigme économique de toute urgence.

Chaque année, la Terre compte en moyenne près de 80 millions d’êtres humains supplémentaires. La population mondiale pourrait avoisiner les 11 milliards à la fin du XXIème siècle. Projection, certes, qui est loin d’être une certitude. Certains estiment que ce sera plutôt 9 milliards, tandis que d’autres optent pour 17 milliards d’habitants…

Il est donc grand temps d’adopter une approche responsable de la procréation, de la notion démographique en général. Nous ne sommes plus dans la situation qui prévalait au début du monothéisme et qui insistaient sur le devoir de procréer pour augmenter les communautés de croyants…Ces concepts, toujours en vigueur dans les milieux traditionnalistes ou figés dans les carcans de conservatisme dit religieux, sont des réalités totalement décalées par rapport à la situation globale…


Responsabilisation individuelle et collective…


Après avoir reculé pendant près de 20 ans, l’extrême pauvreté ressurgit en 2020 de manière galopante, accélérée par la pandémie actuelle. En 2016-2017, on comptait 800 millions de personnes vivants avec moins de 3 dollars par jour. Et près de la moitié des plus pauvres est localisée en Afrique subsaharienne à travers cinq pays : le Nigéria, véritable bombe démographique, la République démocratique du Congo, la Tanzanie, l’Éthiopie et Madagascar.

L’ONU, il y a quelques années, appelait les pays et leurs citoyens à prendre leurs responsabilités pour tendre vers une diminution du nombre de naissances. Le continent africain est particulièrement concerné, sachant qu’à la fin du XXIe siècle, au rythme de l’actuelle croissance démographique, on projette qu’un habitant de la Terre sur trois sera africain. En 2050, l’Afrique va concentrer près de 50 % de la croissance démographique contre plus de 85 % à la fin du siècle.

Et n’oublions pas pour autant l’Asie du Sud-Est, l’Inde et la Chine en particulier.

Comme à l’accoutumée, lorsqu’une situation gravissime est susceptible de conduire à une catastrophe, il y a toujours des spécialistes pour prendre le contrepied. Aussi, sur le champ de la démographie pourtant galopante, quoiqu‘à un rythme moins soutenu depuis plusieurs décennies, certains soutiennent toujours l’idée que la transition démographique est la clé pour atteindre un nouveau point d’équilibre. Il faut, disent-ils, être compréhensif à l’égard de l’Afrique qui amorce à peine sa transition démographique. Or, celle de l’Occident n’a été, en rien, la solution à la surpopulation. Et le progrès technique, considéré comme le seul atout pour élever le niveau de vie et donc favoriser la transition démographique (selon l’argument que plus le niveau de vie s’élève moins l’on fait d’enfants)  n’est pas une fin en soit, sans que l’on se soucie de la dégradation du cadre et des conditions de vie. Pourquoi, d’ailleurs, de plus en plus de gens cherchent-ils des espaces naturels, loin des milieux urbanisés ?

Photo pleine page

Non, ce n’est pas Times Square. Mais toutes les mégalopoles se ressemblent désormais !
Photo Pixabay

Donner la vie raisonnablement


Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de soutenir la thèse d’une suppression d’une partie de la population, ni de défendre la thèse du Mouvement pour l’extinction volontaire de l’humanité, (Voluntary Human Extinction Movement ) créé en 1991 par l’écologiste américain Lee U. Knight. Ou encore de supposer la suppression sélective d’une partie la population passée l’âge de 30 ans, comme cela apparaissait dans l’œuvre d’anticipation de William F. Nolan et George Clayton Johnson, Quant ton cristal mourra (ou Logan’s run, en1976).

Donner la vie est un acte précieux, magique. Le lien à l’enfant, à la vie, ne doit en rien être guidé par l’intérêt matériel et financier, comme on le voit trop souvent an Afrique où l’enfant est vu à la fois comme une assurance retraite (les enfants s’occuperont de leurs parents devenus vieux) et comme un apport de main d’œuvre complémentaire. Ne serait-ce qu’en RDC, près de 40 000 enfants, victimes d’un néo-esclavagisme, travaillent dans des mines de cobalt, de diamants et d‘or…

En Europe, où la France est désormais l’un des seuls pays à connaître une croissance démographique constante, quoiqu’à un rythme moindre, certaines communautés extra-occidentales qui y sont installées, ont un rapport aux allocations familiales qui est loin d’être irréprochable et qui pose question. Si, en France, rien ne semble indiquer une volonté de revoir le planning familial, dans divers pays africains, la question est de plus en plus évoquée, tant la surpopulation est devenue réalité. Mais, aborder la question, particulièrement sensible, est loin d’être aisée.

Depuis quelques années, la question est de plus en plus ouvertement abordée, comme en novembre 2017, lors de la COP 23 à Bonn, au cours de laquelle plus de 15 000 scientifiques, représentant quelque 180 pays, ont insisté sur l’urgence de la situation, autour du concept de « population soutenable à l’échelle mondiale ».

Le temps des prises de conscience à grande échelle est venu. Elles se feront, de gré ou de force, car la Nature nous rappelle que nous ne sommes maitres de rien, et que l’humilité, la sensibilité et la conscience de notre extrême vulnérabilité doivent être le socle de nos existences.

Rédigé le 09 janvier 2021
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(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales, Officier (diplômé ORSEM) dans la Reserve opérationnelle depuis 1993. Conférencier et Chargé de cours dans l’Enseignement supérieur sur les crises et conflits contemporains, il enseigne aussi en Économie internationale et Géopolitique, Sociologie, Doctrines politiques et Éthique politique et militaire.
Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’
Espritsurcouf.
Depuis 2017, Pascal Le Pautremat s’est tourné vers les sociétés et les structures publiques en matière d’analyses géopolitiques et géoéconomiques, de positionnement à l’étranger, d’analyses des Risques et Opportunités Pays. (
www.actiongeos.com).

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