Réarmer la France pour réindustrialiser ?

Alexandre Mirlicourtois
Directeur de la conjoncture et de la prévision – Xerficanal

Les questions socio-économiques sont particulièrement préoccupantes en France. D’autant lorsque l’on constate que le nombre de pauvres y est dramatiquement en hausse.

 

Et si le réarmement devenait « LE » moteur de la réindustrialisation française ? Entre l’élection de Donald Trump et la guerre en Ukraine, la France, l’Europe ont ouvert les yeux : il y a urgence à reconstruire les capacités de défense. En France, cela s’est traduit par la Loi de programmation militaire 2024-2030, qui prévoit 413,3 milliards d’euros de dépenses sur sept ans. Un bond historique de 40% par rapport à la précédente enveloppe. La Commission européenne a, elle, dégainé le plan « ReArm Europe » (devenu « Readiness »), visant à mobiliser environ 800 milliards d’euros. Bruxelles propose aussi de mettre en place une centrale d’achat commune pour l’armement et réserver un traitement préférentiel aux entreprises européennes en imposant que 65% de la valeur totale d’un produit soit d’origine européenne. Avantage est donc donné à ceux qui sont déjà dotés d’une industrie militaire puissante, France en tête.

Une industrie de défense déjà solide et puissante

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Ces investissements seront pleinement profitables à la base industrielle et technologique de défense, la BITD, qui regroupe l’ensemble des entreprises de défense qui conçoivent et produisent directement ou indirectement les équipements pour les armées. Elle est composée de 9 grands groupes industriels et de 4 500 startups, PME, ETI sous-traitantes représentant 220 000 emplois directs et indirects, pour un chiffre d’affaires annuel d’environ 30 milliards d’euros dont près de la moitié réalisée à l’étranger. La France se positionne ainsi comme le deuxième exportateur d’armes au monde sur la période 2020-2024 derrière les États-Unis.

Un pari industriel à condition d’un réel soutien financier

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À n’en pas douter, les industries de défense, les secteurs liés, leur capacité d’entraînement sont de solides atouts mais de là à en faire « LE » levier pour revitaliser l’ensemble du tissu productif paraît léger. L’ensemble ne pèse finalement pas plus que la filière automobile. Mais là s’arrête la comparaison. Cinq dimensions sont à intégrer.

1- La grande majorité des entreprises de la BITD a également une activité civile, ce qui leur permet d’avoir un portefeuille équilibré, civil, militaire, marché national et export, à même de les rendre plus résistantes face aux retournements sectoriels ou géographiques et d’ainsi mieux traverser les périodes de crise.

2- Les activités de défense irriguent de très nombreux champs industriels : fabrication d’équipements d’aides à la navigation, de communication, de composants électroniques, aéronautique, spatiale, navale, métallurgie (dont la fabrication d’armes et munitions), textile, chimie…

3- Les avancées dans le domaine militaire ont des retombées civiles majeures. C’est un moteur d’innovation transverse.

4- Les emplois de la BITD, souvent très qualifiés, sont par nature très peu délocalisables, souveraineté oblige.

5- L’activité est répartie dans des centres de production et de recherche sur l’ensemble du territoire ce qui renforce sa capacité d’entraînement sur le tissu productif local.

 

Produire plus d’armement, ce n’est pas seulement renforcer notre sécurité c’est aussi donner un nouvel élan à notre machine industrielle pour peu que les financements soient bien là pour accompagner les entreprises dans leur développement.

 

Texte publié et vidéo complète mise en ligne le jeudi 27 mars 2025 sur le site XerfiCanal. Pour y accéder, cliquez ICI

 

 

(*) Alexandre Mirlicourtoisdirecteur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi depuis 2006, est en charge de la direction économique et quantitative des études sectorielles et responsable des scénarios macro-économiques. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis.

 

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