ERDOGAN ET TRUMP EN SYRIE :
DES MALFAISANTS

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d’Anne Speckhard (*)
Expert américain en terrorisme.

Mensonges, cynisme et inconséquences,
ce sont les ingrédients de l’offensive turque sur la frontière syrienne
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Anne Speckhard est une experte reconnue internationalement dans le domaine de la lutte contre le terrorisme (voir ci-dessous sa biographie).
Daech, elle connait ! Et quand elle parle, on l’écoute.
Après le déclenchement de l’offensive turque aux frontières nord-est de la Syrie, elle a publié un long article où elle met les points sur les « i » (paru avant l’annonce du cessez-le-feu du 17 octobre). Trois points sont à retenir.

La trahison de Donald Trump

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Source et légende
Légende : Carte de la Syrie
Auteur : the CIA World Factbook

Le 9 octobre 2019, après un « signe de tête » du président Trump (donné par un twitt), l’armée turque a commencé un bombardement aérien et une invasion du nord-est de la Syrie. Cette offensive, disent les turcs, a pour but de créer un corridor de sécurité en territoire syrien, afin d’en expurger le terrorisme kurde et d’y réinstaller un million de réfugiés syriens (sur les quatre millions de réfugiés qui mettent le régime turc sous pression).

Cet objectif du président Erdogan est tout simplement criminel. Il est contraire à tous les principes des droits de l’homme de réinstaller de force des réfugiés, et de le faire dans des régions dont ils ne sont pas originaires. Quelles terres, quels logements leur donner ? Aucune ébauche de plan n’accompagne cette annonce.

Quant au prétendu terrorisme perpétré contre les turcs à partir du territoire syrien par les membres du parti kurde PKK, c’est une contre-vérité. La région est bien contrôlée par le FSD (forces démocratiques syriennes), qui, avec l’aide de la coalition internationale, en a chassé les miliciens de l’Etat Islamique. Les membres du FSD, certes d’origine kurde, ont toujours affirmé qu’ils ne permettaient pas au PKK d’être actif sur leur territoire. Et aucune preuve ne vient contredire leur affirmation. La Turquie n’a présenté aucun fait crédible démontrant que le PKK organise des attaques contre la Turquie depuis la Syrie.

En donnant son « feu vert » à l’offensive turque, Trump a planté un couteau dans le dos du FSD. Il a déclaré que les kurdes ne sont pas les alliés des Etats-Unis parce qu’ils n’ont pas combattu avec eux en Normandie et pendant la seconde guerre mondiale. Déclaration stupide !  A-t-il oublié que depuis 2015, les kurdes syriens, avec le soutien militaire et aérien des Etats-Unis, ont combattu Daech et l’ont vaincu. En servant de « bottes sur le terrain », ils ont perdu 12.000 combattants, évitant la perte de nombreux soldats américains dans la lutte contre l’État Islamique.

Le PKK, une affaire intérieure turque


La Turquie s’obstine à confondre le PKK avec les unités de protection du peuple kurde (YPG) et les unités de protection des femmes (YPG). Ces unités ont rejoint les Forces Démocratiques Syriennes. Certes, tous les kurdes sympathisent avec le projet kurde dans son ensemble. Ils respectent et soutiennent Abdullah Ocalan, le dirigeant du PKK, pour avoir uni les kurdes et pour sa vision d’une gouvernance démocratique. Mais bien qu’Ocalan ait vécu et opéré en Syrie jusqu’aux années 90, le PKK s’est installé depuis longtemps dans les montagnes Qandil, en Irak, pas en Syrie. D’ailleurs, avec leurs drones militaires, les turcs ont bien identifiés les mouvements du PKK dans ces montagnes et les ont bombardés quasi quotidiennement.

Pourtant, le soutien au PKK à l’intérieur de la Turquie se poursuit. Les universitaires turcs admettent que le PKK recrute régulièrement en Turquie. Les attaques dites « terroristes », courantes en territoire turc, près de la frontière irakienne. sont perpétrées par des militants turcs. Le PKK est en fait un problème intérieur turc, avec des implications en Irak.

Il y a deux ans, le gouvernement Erdogan s’était engagé dans des pourparlers avec le PKK turc. Mais ces pourparlers ont échoué, le président turc démontrant ainsi son incapacité à résoudre son problème dit « kurde ». Ce problème doit être réglé en Turquie. Il n’a rien à voir avec les kurdes syriens.

Prisonniers : danger !



Lorsque Bagdadi, le calife de l’Etat Islamique, refait surface sur des clips audio et vidéo, il demande à ses partisans d’essayer de libérer les hommes et les femmes de Daech actuellement prisonniers en Syrie et en Irak. En Syrie, le FSD détient quelques 10.000 combattants de l’Etat Islamique, dont 8.000 sont des locaux, et 2.000 autres des combattants étrangers (dont un millier d’européens). Au moins 8.000 enfants et 4.000 épouses de combattants terroristes sont détenus au camp Hol. Au camp Ain Issa, on dénombre un millier d’enfants et 265 femmes de combattants étrangers. Le camp Roj accueille pour sa part 1.500 femmes et enfants de terroristes étrangers.

Toutes les prisons et les camps des FSD sont surpeuplés. On y enregistre des émeutes, des meurtres et des tentatives d’évasion régulières. Le FSD a beaucoup de mal à gérer ces installations, et a exprimé à maintes reprises le besoin d’une assistance technique pour s’occuper des prisonniers terroristes et une aide financière pour construire au moins cinq prisons.

Alors que le FSD fait face à l’attaque turque, les experts anti-terroristes alertent sur le fait que les prisonniers pourraient s’évader et tenter de revigorer le califat de l’Etat Islamique. S’ils retrouvaient soudainement la liberté dans ce nouveau chaos, Ils se cacheraient probablement en Irak, en Syrie ou en Turquie, ou bien  tenteraient de rentrer clandestinement chez eux, et, ce faisant, pourraient alimenter la mouvance terroriste.

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*******************************************Anne Speckhard (*)

Elle est américaine et directrice du Centre International d’Études de l’Extrémiste Violent (ICSVE) qui a interrogé plus de six cents terroristes, des membres de leurs familles et des sympathisants en Europe, en Asie centrale et au Moyen-Orient. Professeur agrégée de psychiatrie, rattachée à l’université Georgetown, elle a été chargée en 2007 de concevoir les aspects psychologiques et islamiques du programme de réhabilitation des détenus en Irak. Elle est consultante auprès de l’OTAN, de l’OSCE, du gouvernement américain et de gouvernements étrangers, du Sénat et de la Chambre des Représentants aux Etats-Unis, de la CIA, du FBI et de nombreux médias écrits et télévisés. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la psychologie de la radicalisation et du terrorisme.
Ses publications se trouvent sur : https://georgetown.academia.edu/anne
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