GRÈCE
GRANDE HISTOIRE, PETIT PAYS.
Jean Yves et Odile Leloup (*)
Bernard et Christiane Joubert (*)
Gilles Cyrot (*)
Rapport d’étonnement (première partie) suite à un voyage en Grèce et plus particulièrement au Péloponnèse, en mai dernier d’un groupe de membres d’espritcors@ire
La semaine prochaine un article sera consacré à « La religion orthodoxe ciment de la nation grecque »
La
Grèce est bien plus qu’une page, c’est tout un volume de notre histoire, dans
lequel s’est déjà écrit notre lointain passé, et qui a largement inspiré notre
civilisation et enrichi notre langue. C’est l’histoire d’un pays qui a su se
battre pour garder son identité face aux invasions et se défaire, entre autres,
de la très pesante occupation ottomane. C’est toute une littérature, comme
l’Iliade et l’Odyssée, une philosophie, celle des « anciens », de
Socrate, de Platon…. C’est aussi tout un roman dont la trame se révélait et les
personnages –hors du commun- réapparaissaient au fil de nos visites de musées
magnifiques et alors que, pas à pas (ces pas que nous ne comptions plus), nous
découvrions, chaque jour, les sites exceptionnels de leurs exploits
fantastiques. Cette mythologie –omniprésente- semble encore imprégner fortement
une terre restée profondément attachée à ses (et à son) dieux.
Il est vrai que le contraste est frappant entre une époque glorieuse et très
lointaine où furent déjà semées, en terre Péloponnèse, presque toutes les
graines de nos civilisations contemporaines et où l’art atteignit des sommets
de perfection, et un présent bien plus modeste qui, entre mer et montagnes,
entre ciel et garrigues, oliviers et orangers, survit essentiellement des
traces de richesses que le passé lui a laissées.
Oui, ce pays a inventé il y a 25 siècles et plus, , une société incroyablement
moderne.
Il a inventé la ville, comme on l’a vu à Mycènes ou à Mystras, où le seigneur
des lieux, isolé dans sa demeure haut perchée, permettant de voir arriver de
loin un éventuel assaillant, protégeait la population laborieuse qui lui
apportait ses récoltes.
Il a inventé le théâtre populaire, haut lieu de culture et de loisirs, comme on
l’a vu à Épidaure ou à Delphes, en construisant des amphithéâtres possédant une
acoustique de grande qualité.
Il a inventé la communication politique, celle de la Pythie, porte-parole des
prêtres de Delphes, eux-mêmes préposés à l’interprétation de ses oracles.
Il a inventé ces êtres exceptionnels que sont les dieux et les déesses,
personnages mythiques et source d’inspiration inépuisable pour les arts, les
lettres et même les politiques. Il leur a construit des temples, des merveilles
d’architecture pour en célébrer le culte, tels le temple d’Apollon à Delphes ou
le temple de Zeus à Olympie, le temple de Poséidon au cap Sounion et les deux
autres temples sacrés, Aphaïa sur l’ile d’Égine et bien sûr, le Parthénon à
Athènes, consacrés à la déesse Athéna.
Il a inventé le sport spectacle pour tous, populaire et très apprécié. Le vaste
site d’Olympie accueillait tous les 4 ans les meilleurs athlètes grecs, dont
chacun se donnait pour mission de gagner pour sa province. C’est dans ce lieu,
qui fut un lieu d’excellence, qu’est allumée aujourd’hui encore la flamme
olympique.
IL a inventé un grand nombre de techniques de constructions pour soulever,
déplacer tailler des blocs de plusieurs tonnes. De grands scientifiques comme
Archimède, Ptolémée, Pythagore, Thalès… ont mis au point de grands principes
qui seront développés plusieurs siècles plus tard par Léonard de Vinci ;
Copernic, Newton…
Il a inventé la démocratie, en mettant ses citoyens sous l’égide de Zeus, ce
bouclier recouvert de peau de chèvre, aux vertus protectrices reconnues. Quant
aux personnalités politiques qui ne donnaient plus satisfaction, leur nom était
ostracisé, c’est à dire écrit sur un tesson de céramique et elles étaient
bannies de la cité (que de tessons il nous faudrait aujourd’hui !)
Sous ce ciel d’un bleu intense et persistant, au-delà des orangers et des
oliviers qui couvrent les flancs des montagnes et des collines, la mer Egée,
d’une couleur très particulière, moirée de gris, de vert ou d’argent selon
l’heure et le temps, n’est jamais très loin, jamais à plus de 80 Km d’où que
l’on se trouve. Elle a joué un rôle majeur grâce à son emplacement stratégique
entre l’Europe de l’ouest et l’Asie Mineure, entre Venise et Byzance. Elle a
été le témoin de bien des batailles historiques. Les citadelles de Monemvasia
et de Nauplie témoignent de l’importance qu’occupait le commerce maritime,
qu’il fallait préserver des pirates et autres ennemis. Et tous les bateaux qui
ont sombré au cours des siècles ont laissé au fond de l’eau les plus belles
statues en pierre ou en bronze qui peuplent aujourd’hui les musées et
permettent de retrouver le sourire archaïque des héros de l’Antiquité.
Cette Grèce que es livres d’histoire apprennent aux enfants qu’ils sont les
héritiers de 25 siècles de l’histoire depuis le siècle de Périclès, Alexandre
le Grand et Philippe de Macédoine. Mais la Grèce moderne après une longue
occupation ottomane n’arrache son indépendance que vers 1830, c’est un petit
état qui au fil des ans et des guerres du XXème siècle va voir se délimiter les
frontières actuelles, concentrées sur l’Europe ,sans l’Asie mineure dont les
grecs ont été chassés par Kemal Atatürk.
Et l’Europe ?
En pleine campagne pour les élections européennes nous n’avons vu aucune
affiche parlant d’Europe. Mais les autorités grecques avaient couplé ces
élections avec les élections municipales.
Nous n’avons pratiquement pas vu de plaque indiquant que telle ou telle
réalisation a été menée à bien grâce aux fonds européens (comme on en voit en
République tchèque ou en Espagne…).
Cependant, la Grèce a, fort logiquement, orienté beaucoup de ces fonds pour
fortifier sa principale industrie : le tourisme. Ainsi, la mise en place
des autoroutes et la rénovation en cours du réseau routier sont réalisées grâce
à ces subventions. Il en va de même de la rénovation des musées, très réussie,
et de la mise en valeur des merveilleux sites antiques si nombreux.
Seul le très beau pont suspendu nouvellement ouvert, traversant le golfe de
Corinthe près de Patras, est ouvertement déclaré « européen », il a
été dessiné et réalisé par des sociétés françaises.
Difficile pour des touristes, dans le cadre d’un voyage particulièrement riche
culturellement et gastronomiquement, d’évaluer avec objectivité et précision la
situation économique d’un pays où l’on n’a guère le temps de tisser des liens
et de « vivre avec » les habitants. Certes, la mer et les terres y
sont fertiles. Certes les marchés regorgent de légumes et de fruits qui nous
semblent délicieux et bien peu chers. Certes, la température y est douce et le
soleil y brille le plus souvent. Dans l’euphorie d’un voyage bien ficelé, on se
dit qu’il doit y faire bon vivre, et on se dit aussi que l’Europe les a bien
aidés, sans forcément beaucoup de reconnaissance. On se dit que leur ferveur
religieuse, sans doute attisée par la proximité avec le voisin Turc,
historiquement agressif, a été un puissant facteur d’unité.
Mais si on interroge les guides, généralement discrets dans ce domaine, sur le
bien vivre dans leur pays, ils vous disent, à regret, que les salaires y sont
très bas, que le taux de chômage –chez les jeunes surtout- y est trop élevé, et
on apprend au retour que Tsipras n’a plus la faveur de la majorité, qu’il a même
dégringolé de son Olympe, comme l’ont confirmé les élections européennes et
municipales grecques.
Mais ce pays a aussi montré que les civilisations sont mortelles, qu’elles
peuvent disparaître, vaincues par d’autres, plus ambitieuses et plus puissantes,
ou par des désordres climatiques ou géologiques, parce qu’elles n’ont pas su se
prémunir contre des menaces nouvelles.
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