Le climat,
Parent pauvre de la géopolitique

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Renaud Girard (*)
Journaliste

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Achevée avec beaucoup de retard le dimanche 20 novembre 2022, la Conférence annuelle de l’Onu sur le climat n’a pas donné de résultats significatifs. A Charm-el-Cheikh, les États n’ont pu s’entendre que sur la création d’un Fonds de compensation des « pertes et préjudices » occasionnées par le réchauffement climatique dans les pays les plus pauvres, sans aller pour autant jusqu’à organiser le financement concret de ce Fonds.

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Souhaitant positiver, le président de la République française a écrit dans un tweet : « A la COP27, la France et l’Europe ont réaffirmé leur engagement pour le climat ». En rhétorique, on dira qu’il y a là une forme de prétérition. Car les principaux acteurs du réchauffement climatique, à savoir la Chine et les Etats-Unis, ne sont pas nommés par Emmanuel Macron. Il poursuit son tweet ainsi : « Nous avons besoin d’un nouveau pacte financier avec les pays les plus vulnérables. J’y travaillerai avec nos partenaires en vue d’un sommet à Paris avant la prochaine COP ». De quels partenaires veut parler le président français ? Des vertueux Européens seulement, ou des Chinois et Américains aussi ? Ce n’est pas clair.

L’initiative française est louable. Souhaitons qu’elle réussisse. Mais force est de constater que le climat est devenu le parent pauvre de la géopolitique. Il ne l’était pas lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, qui adopta la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La COP (Conférence des Parties) est l’organe suprême de la Convention de Rio ; elle se réunit chaque année depuis 1995.

Aux temps heureux
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A l’époque du sommet de Rio, on était en pleine ère du « nouvel ordre mondial » cher à Bush père. La guerre froide semblait terminée pour toujours ; l’Amérique, à la tête d’une très vaste coalition, venait de libérer, avec l’aval de l’Onu, le Koweït de son envahisseur irakien ; la Russie s’initiait au capitalisme auprès de professeurs venus d’Harvard ; la Chine se développait à vive allure grâce à la technologie et aux investissements occidentaux ; les Européens créaient une union monétaire présentée comme un paradis politique et social ; la paix planétaire paraissait assurée, grâce à une « communauté internationale » suffisamment forte et unie pour amener à résipiscence les éventuels trublions, qu’ils aient été irakiens ou serbes. Réunis à Rio, les leaders mondiaux pensaient sincèrement que la lutte contre le réchauffement climatique était devenue leur priorité numéro 1.

Mais aujourd’hui, pour la majorité des leaders politiques de la planète, l’enjeu du climat passe désormais derrière la guerre en Ukraine, et derrière l’affrontement/compétition sino-américain pour la place de première puissance mondiale.

Du mauvais temps s’annonce pour la planète. Capture d’écran de la Webcam placée sur la statue de la Liberté à New-York. Photo ville de New York

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A la conférence que la France veut organiser à Paris avant la COP28 de novembre 2023 à Dubaï, la Russie sera-t-elle invitée ? Sans doute pas. A cause de l’Ukraine. Pourtant, la Russie est essentielle à toute politique environnementale relative à l’immense continent Arctique.

L’empreinte de la Chine

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Le président chinois ne s’est pas déplacé en Egypte pour la COP27, alors qu’il avait fait le voyage de Samarkand pour le sommet de l’Organisation de coopération de Shangaï, le voyage de Bali pour le sommet du G20, le voyage de Bangkok pour le sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation). Le réchauffement climatique n’est en effet pas une urgence pour Xi Jinping. Economiquement, le programme qui lui importe le plus est le succès des nouvelles routes de la Soie, destinées à conquérir commercialement l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe. Politiquement, son ambition est de survivre au nouvel embargo technologique de l’Amérique, avant de pouvoir la chasser définitivement du continent asiatique (à commencer par l’île de Taiwan).

En matière environnementale, le président Xi est certainement sincère dans son projet de dépolluer l’air des métropoles chinoises. La Chine est en avance sur tous les autres pays du monde en matière de véhicules électriques. Une ville comme Shenzen, au nord de Hong Kong, est quasi-silencieuse, car les moteurs à explosion y sont interdits.

 Mais le réchauffement de la planète n’empêche pas le président chinois de dormir. A l’instar de Trump, il accorde assez peu de crédit aux prédictions catastrophiques du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Si un jour il faut aider les Maldives en raison d’une hausse du niveau de la mer, la Chine préférera toujours le faire de manière bilatérale qu’en passant par un fonds international, fût-il piloté par la France.

Ne soyons pas naïfs. Tant que durera la guerre en Ukraine, tant que l’Amérique et la Chine n’auront pas trouvé un modus vivendi pour sortir de leur piège de Thucydide, la lutte contre le réchauffement climatique ne regagnera pas l’avant-scène de la géopolitique mondiale.

(*) Renaud GIRARD, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENA, est journaliste et a couvert la quasi-totalité des conflits de la planète depuis 1984. Il est éditorialiste de politique étrangère au Figaro depuis 2013. Auteur de sept livres consacrés aux affaires internationales, il a reçu de nombreuses distinctions, dont le prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre pour son reportage « l’OTAN dans le piège afghan à Kandahar ». Il est également professeur de stratégie internationale à Sciences-Po.

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