LE FRANÇAIS,
UNE LANGUE D’AVENIR ?
Par Jean-Pierre Arrignon,
Président de La Renaissance française Nord-Pas-de-Calais
En France, la langue maternelle n’est pas recensée, à la différence du Canada qui la définit comme « la langue apprise à la maison dans l’enfance ». L’expression apparaît pour la première fois au XIe-XIIe s. dans les sermons des moines de l’Abbaye de Gorze, qui se plaignent des pressions qu’ils subissent de la part des moines clunisiens de langue romane, pour justifier leur sermon en francique. Leur argument est que « le francique était parlé par les femmes »; il souligne que la langue maternelle vous insère dans une ethnie ou un groupe ethnique, soit une population humaine qui considère avoir en commun une ascendance, une histoire, une culture, une langue, un mode de vie.
Langue vernaculaire, Langue véhiculaire,
La langue vernaculaire [1] est la langue communément parlée au sein d’une communauté vernaculum signifie en effet tout ce qui est tissé, élevé, cultivé à la maison par opposition à ce que l’on se procure par échange. C’est Varron (Ier siècle avant JC) qui utilise ce vocable dans un contexte linguistique. Pour lui, le parler vernaculaire est constitué des mots et structures cultivés sur la propre terre du locuteur, par opposition à ce qui est cultivé ailleurs et transporté ensuite.
Au début du IXe s. les fidèles des Gaules ne comprenaient plus le latin des clercs.
Aussi, lors du concile de Tours en 813, les évêques demandent aux clercs de faire leur sermon de manière à ce que les fidèles puissent les comprendre. Les évêques réunis par Charlemagne décident alors que les homélies devaient être prononcées, non plus en latin, mais en « langue rustique romane » ou en « langue tudesque ».
La langue vernaculaire est différente de la langue véhiculaire qui est une langue ou un dialecte servant systématiquement de moyen de communication entre des populations de langues ou dialectes maternels différents, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’une langue tierce, différente des deux langues natives. Elle se distingue de la langue vernaculaire, communément utilisée au sein d’une population, sachant qu’une langue peut être à la fois véhiculaire et vernaculaire.
Ainsi, pour exemple, les langues africaines sont classées en 5 groupes : afro-asiatiques comme le berbère, nilo-sahariennes comme le masaï, nigéro-congolaises, comme le swahili, Khoïssan comme le Bochiman, et austronésiennes parlées à Madagascar, Mayotte et la Réunion. La grande variété dialectale a conduit les autorités locales à prendre comme langue officielle la langue de leur colonisateur. Dans le cas africain, on rencontre assez facilement l’usage de trois niveaux linguistiques : la langue maternelle, la langue vernaculaire et la langue officielle.
La langue maternelle insère l’enfant dans un premier cercle, celui de la famille, du clan, de la tribu, la langue vernaculaire l’insère dans une communauté plus vaste, celle d’un groupe linguistique homogène par sa langue véhiculaire, enfin la langue nationale l’insère dans un espace politique, économique et culturel. Dans les pays francophones, le choix de la langue française est à la fois national et culturel dans la mesure où il insère le locuteur dans un réseau infiniment plus vaste, celui de la francophonie.
La Langue française, son originalité :
Une des particularités de la langue française est liée à sa syntaxe, branche de la linguistique qui étudie la façon dont les mots se combinent pour former des phrases ou des énoncés dans une langue.
Le Français a un ordre des mots qui lui confère une logique fondamentale : Sujet-Verbe-Objet qui trouve sa pleine expression dans la théorie de la grammaire générative et transformationnelle de Noam Chomsky [2] qui s’intéresse au concept de langage universel.
Chomsky propose une organisation du langage en deux niveaux : la structure de surface, l’énoncé, et la structure profonde, le sens. Selon sa théorie générative, chaque locuteur partage une connaissance tacite de certains universaux linguistiques qui lui permettent d’apprendre sa langue maternelle ; or l’apprentissage d’une langue étrangère ajoute à ses universaux, les variables. C’est sur les variables que l’apprentissage du Français est particulier.
Pourquoi apprendre le Français ?
Certes les raisons culturelles, artistiques, juridiques et historiques sont connues et rappelées depuis longtemps, mais il est une autre raison, plus rarement évoquée : la connaissance du Français développe chez le locuteur une prédisposition à concevoir la logique, car la grammaire de Port Royal de 1666 a calqué l’étude de la syntaxe sur celle de la logique.
Or le monde actuel est largement commandé par l’Internet et le sera encore plus avec le développement de l’intelligence artificielle [3] qui choisit déjà les informations que nous consommons via Twitter, Facebook, et Google. La vague des technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives) offre des perspectives de développement extraordinaire. C’est pour cela que dans le domaine des nouvelles technologies, s’illustrent les jeunes chercheurs français tant recherchés par les grands groupes américains et asiatiques : GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et asiatiques BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi); ces grands groupes qui doivent gérer les milliards d’informations journalières déposées sur le web et qui constituent la matière première de l’intelligence artificielle, ont vite compris que les francophones avaient une réelle aptitude pour créer les applications informatiques. De la même façon, la langue française est probablement celle qui prépare le mieux l’ouverture vers les neurosciences, la robotique etc.
C’est pourquoi, choisir d’apprendre le français aujourd’hui, c’est construire le monde du XXIe s., celui de la maitrise de l’intelligence artificielle. C’est dépasser la simple connaissance d’une langue véhiculaire pour maîtriser la complexité technologique et nous permettre de lier entre elles les intelligences biologiques et artificielles. C’est aussi, garder le contact avec l’Humanisme pour transmettre l’héritage des siècles passés dont chaque génération est dépositaire, dans un monde qui se développe surtout par les technologies.
[1] Ivan Illich, Travail Fantôme, Marion Boyard, 1981). lanredec.free.fr/polis/vernacular _tr.html- Valeurs Vernaculaires par Ivan Illich.
[2]Jean-Elie Boltanski, La révolution chomskyenne et le langage, L’Harmattan, 2002.
[3] Laurent Alexandre, La guerre des intelligences, Intelligence artificielle versus Intelligence humaine, Paris,2017, JC Lattès, 339 p.
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