JAMES MATTIS SECRÉTAIRE
À LA DÉFENSE DES USA
UN ADULTE PARMI LES ENFANTS
DU GOUVERNEMENT
Par Mohamed Gareche
« jeune diplômé »
Master 2 Droit des relations internationales et de l’Union Européenne. Université Paris Ouest Nanterre la Défense.
Master 2 Relations internationales. Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
Le 09 août 2018, le vice-président des Etats Unis, Mike Pence, a annoncé la création d’une armée spatiale américaine qui viendra compléter les autres composantes de l’armée américaine. Actuellement, les activités spatiales sont dirigées par l’armée de l’air (US Air Force) avec notamment un complexe situé dans le Colorado que les fans de la série Stargate visualisent très bien. Elle deviendra ainsi une armée à part entière au sein du Pentagone dont le responsable actuel est le secrétaire à la Défense James Mattis.
Entrée du complexe situé dans le Colorado.
(Photo libre de droit)
Un militaire à la tête de l’institution militaire
La désignation du général 4 étoiles James Mattis par Donald Trump fut acceptée par la quasi-unanimité du Sénat américain le 20 janvier 2017 (98 voix pour, 1 contre, 1 abstention)[1].
Le secrétaire à la Défense des États-Unis est membre du Cabinet du président des États-Unis et dirige le département de la Défense des États-Unis (en anglais : United States Department of Defense, abrégé DoD), Il est responsable des affaires militaires et des Forces armées des États-Unis.
Surnommé « Mad Dog » (chien fou) durant la guerre en Afghanistan, James Mattis est l’un des « adultes »[2]entourant le président Trump. Né en 1950, l’actuel Secrétaire d’Etat à la défense des Etats Unis connait bien cette administration puisqu’il s’est engagé dans les Marines à l’âge de 18 ans jusqu’à sa retraite. Militaire très apprécié dans la troupe, conduit de nombreuses opérations en Afghanistan, et en Irak, dirige l’un des commandements de l’Otan avant de prendre sous l’administration Obama, la tête du Commandement central (US CENTCOM) [3]. Suscitant la méfiance du président Obama pour ses prises de position anti Iran et après quatre décennies passées dans les Marines, il prend sa retraite en 2013.
Les positions politiques de l’« Adulte »
Pour exposer ses idées, nous allons nous servir du résumé du « National Defense Strategy » paru en janvier 2018[4] ainsi que d’une interview de James Mattis à l’Hoover Institution (Think tank proche du parti républicain dont James Mattis fut professeur invité)[5] qui explique ce document fixant le cadre de travail du Pentagone.
Véritable intellectuel, il considère qu’une armée sans stratégie globale à long terme ne peut être efficace. Pour lui, le Pentagone doit offrir des options et solutions au président des Etats-Unis ainsi qu’aux diplomates afin qu’ils puissent négocier avec un rapport de force favorable.
L’analyse qu’il porte est la suivante : la compétition inter-étatique est devenue la priorité des USA faisant passer la lutte contre le terrorisme juste après. Les adversaires des USA sont les suivants : Chine, Russie, Corée du Nord et Iran. La Chine utilise son économie prédatrice pour intimider ses voisins tout en militarisant la mer de Chine ; la Russie viole les frontières de ses voisins ; la Corée du Nord viole toutes les résolutions du Conseil de Sécurité ; l’Iran sème de la violence dans la zone du Moyen-Orient.
Toutefois, il se montre confiant et optimiste sur les relations américaines avec la Chine et la Russie. Le relatif succès du dialogue direct entre les USA et la Corée du Nord a été permis via la Chine. La Russie et les USA avaient participé à des entrainements communs pour la paix et la sécurité internationales. De ce fait, la Russie peut être un véritable partenaire pour les USA sans qu’elle n’ait peur de l’OTAN. Il pense qu’à long terme, un vrai travail peut être fait avec ces deux Etats.
La Corée du nord et l’Iran sont en revanche qualifiés d’Etats véreux et sont les ennemis directs des USA puisqu’ils déstabilisent leurs régions avec l’arme nucléaire et/ou biologique (pour la Corée du Nord) ou en apportant leur aide au terrorisme (pour l’Iran). La République islamique d’Iran est la cible prioritaire de James Mattis. Et pour cause, il fait partie des néo-conservateurs qui ne pardonneront jamais au pouvoir islamique chiite d’Iran d’avoir retenu en otage les fonctionnaires de l’ambassade américaine en 1981 à Téhéran.
Les solutions face à ces défis sont les suivantes : investir dans les nouvelles armes, les nouvelles technologies ainsi que dans les matériels, renforcer les alliances militaires et politiques et dégraisser le Pentagone afin de limiter les dépenses américaines.
Sur ce dernier point, il est intéressant de noter que le budget américain est de 700 milliards de dollars ! A titre de comparaison, la France a un PIB de 2200 milliards d’euros[6] et le budget alloué à sa défense est de 34 milliards d’euros[7] quant au budget russe consacré à la défense, il est de 66 milliards de dollars[8]… Ce budget démentiel, James Mattis entend notamment le réduire en réorganisant la bureaucratie du Pentagone ainsi qu’en baissant les contrats avec les entreprises privées qui font partie du complexe militaro-industriel pourtant en perpétuelle demande d’augmentation du budget.
« L’adulte » est différent de l’enfant …
Secrétaire à la défense des Etats Unis, il n’en demeure pas moins que ses positions politiques ne sont pas vraiment alignées sur celles de Donald Trump. Il y a au moins trois éléments qui permettent d’affirmer cela : leurs différences sur la notion de pouvoir, le jeu des alliances et leurs positions sur la Chine.
James Mattis ne cesse de rappeler qu’il y a deux types de pouvoirs américains reconnus par les autres Etats : Le pouvoir d’intimidation et le pouvoir d’inspiration. Contrairement à Donald Trump qui joue la force dans les relations internationales en utilisant le pouvoir d’intimidation, James Mattis pense que le pouvoir d’inspiration est beaucoup plus pertinent et efficace car il permet un meilleur contrôle sur le monde. Ce ne sont pas que des mots et idées ; ce sont des cadres de travail vraiment différents.
L’autre point de différence réside dans le jeu des alliances. James Mattis est convaincu qu’une nation qui n’a pas d’alliés est vouée à disparaitre. Par conséquent, lorsque Donald Trump considère l’Union européenne comme un ennemi au même titre que la Russie et la Chine[9], lorsqu’il maltraite ses partenaires de l’OTAN mettant en péril une coalition face à la Russie[10], lorsqu’il se met à dos la Turquie, membre de l’OTAN et alliée dans la région, pour des raisons de politique interne[11] ou lorsqu’il privilégie l’axe Arabie Saoudite/ Emirats Arabes Unis contre le Qatar alors que ce dernier accueille la plus grande base de l’OTAN dans la région[12] au profit d’une coalition anti iranienne, il va à l’encontre des positions défendues par James Mattis. Ce dernier considère que si les alliances perdurent, les Etats Unis gagneront la compétition mondiale. En revanche, si les vanités personnelles prennent le dessus, le système chinois peut prendre le leadership. En résumé, contrairement à Donald Trump, James Mattis croit fondamentalement au fonctionnement multilatéral des nations.
Enfin, face à la montée de la Chine comme puissance économique, alors que Donald Trump utilise sans modération le pouvoir d’intimidation, James Mattis pense que les Etats Unis resteront leader dans le monde grâce à leur pouvoir d’inspiration. Autrement dit, en raison de la création d’un système international basé sur le libéralisme américain, les USA ont pu diffuser leur soft power qui plait à toutes les nations du monde. Ce soft power, qui n’est ni plus ni moins que le pouvoir d’influencer en douceur constitue la base du pouvoir d’inspiration. De ce fait, aucun Etat ne voudrait d’un système chinois basé sur l’autoritarisme.
Pour conclure, James Mattis est bien différent de Donald Trump à plusieurs égards. Ainsi, la création de l’Armée spatiale a été décidée contre les recommandations de James Mattis. Autre exemple, il a été le seul à demander publiquement à l’Arabie Saoudite de modérer ses assauts à l’encontre du Yémen contrairement à Trump[13]. Ayant une vision globale des affaires, une culture du terrain et une analyse de la complexité du monde, James Mattis a de vraies divergences avec Donald Trump. Plusieurs fois annoncé sur le départ, il reste toutefois à son poste. De toute façon, même s’il n’est pas d’accord avec le commandant en chef, n’oublions pas qu’il reste un général. Et un général, ça obéit…
Mohamed Gareche
[1]https://www.senate.gov/legislative/LIS/roll_call_lists/roll_call_vote_cfm.cfm?congress=115&session=1&vote=00029
[2] C’est ainsi que les médias américains l’ont qualifié avec l’ex secrétaire d’Etat Rex Tillerson
[3] US CENTCOM: Commandement qui dirige les opérations militaires au Moyen-Orient, en Asie centrale et Asie du Sud Est
[4] https://www.defense.gov/News/Article/Article/1419045/dod-official-national-defense-strategy-will-enhance-deterrence/
[5] https://www.youtube.com/watch?v=A8aOcHgbRZw
[6] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3545412
[7] https://www.gouvernement.fr/le-budget-du-ministere-des-armees-pour-2018
[8] https://www.lesechos.fr/02/05/2018/lesechos.fr/0301632594326_les-depenses-militaires-russes-en-baisse–une-premiere-depuis-1998.htm
[9] https://www.latribune.fr/economie/international/trump-designe-l-union-europeenne-comme-le-principal-ennemi-des-etats-unis-avec-la-russie-et-la-chine-785187.html
[10] http://www.lefigaro.fr/international/2018/07/11/01003-20180711ARTFIG00297-au-sommet-de-l-otan-trump-tire-a-boulets-rouges-sur-ses-amis-europeens.php
[11] https://www.ouest-france.fr/monde/turquie/turquie-apres-l-annonce-de-trump-erdogan-denonce-une-guerre-economique-5918501
[12] https://www.challenges.fr/tribunes/pourquoi-le-qatar-a-resiste-au-blocus-voulu-par-l-arabie-saoudite-et-les-emirats-arabes-unis_592469
[13] https://www.reuters.com/article/us-usa-yemen-mattis/mattis-dont-restrict-u-s-support-to-saudi-led-forces-in-yemen-idUSKCN1GS00N
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et au lundi 3 septembre.
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