POPULISME
du Club des Vingt (*)
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Dans les peuples aspirant à l’indépendance, dans les pays occidentaux vivant les Trente Glorieuses, dans les Etats communistes espérant en une société sans classe, chacun à sa façon avait la perspective d’un avenir meilleur. Mais l’indépendance a souvent débouché sur l’impuissance, les démocraties sont de plus en plus en crise, le communisme s’est effondré. A cela se sont ajoutées la mondialisation et une libéralisation effrénée creusant et cristallisant les inégalités.
Elites et institutions, en particulier dans les démocraties, ont failli à conduire le changement, –tout en accaparant les profits-. Alors, face à eux, les partis populistes entendent incarner le vrai peuple. Dans un monde de plus en plus complexe et insaisissable, d’aucuns, craignant de perdre leur identité et leur intégrité, cherchent un refuge dans le retour au nationalisme. Le populisme, usant d’arguments simplistes, s’oppose à la fois à la société et à l’étranger.
Il n’est pas entièrement chose nouvelle. On le connût par exemple dans la Rome ancienne. Mais à présent le populisme traduit un désarroi, un sentiment de solitude dans un contexte général où il n’y a plus de véritable projet collectif et où, sur le plan international, le multilatéralisme se dégrade. Partout la violence tend à prévaloir.
La remise en cause est d’autant plus brutale que nous avions érigé la démocratie en modèle universel. Aujourd’hui, tout le monde a accès à l’information et estime pouvoir largement se passer de représentants. Le numérique est alors devenu un pouvoir de contestation sans projet commun, ni organisation. Les réseaux sociaux ajoutent à la confusion. Les régimes populistes savent bien en jouer pour entretenir et aviver la colère contre les responsables et les nantis.
Le populisme touche de nombreux Etats. Il n’est pas nouveau au Brésil, avec aujourd’hui Bolsonaro. On le connût naguère avec Fujimori au Pérou, Chavez au Venezuela et Peron en Argentine. Ailleurs, des pays, tout en s’affichant démocratiques, présentent certains aspects populistes : l’Inde avec Modi, le Turquie avec Erdogan, la Russie avec Poutine, tous se présentant comme les seuls vrais défenseurs de leur peuple dans leur identité nationale, culturelle et religieuse. Aux Etats-Unis, Monsieur Trump combine ses convictions populiste et nationaliste et celles de son électorat avec l’usage de formes démocratiques.
En Europe, les populistes dénoncent la « mise à l’écart » des peuples dans la construction européenne. Une technocratie envahissante les en éloigne davantage. Pis encore, le Traité de Maastricht a confié à la BCE, qui est indépendante des Etats, la responsabilité monétaire. L’Union Européenne est l’un de leur bouc émissaire privilégié.
Les pays d’Europe de l’Est, sauf la Tchécoslovaquie de Benes, n’avaient pas connu la démocratie. Aujourd’hui, ils craignent les Russes, mais non pas tant un régime autoritaire. Il s’y développe une opposition populiste aux valeurs occidentales, dans une volonté de préserver l’identité nationale et culturelle illustrée par le refus de l’immigration.
A l’Ouest, l’Italie au passé fasciste a cédé à un gouvernement populiste qui, comme certains pays de l’Est d’ailleurs, appelle la religion en renfort. Les partis populistes participent d’autre part aux gouvernements de certains pays scandinaves. En Allemagne même, on assiste à la place prise par un mouvement d’extrême droite.
Il ne faut ni surestimer, ni sous-estimer la menace populiste. En Europe de l’Ouest notamment, il existe heureusement une forte tradition démocratique. Mais il ne suffira pas pour combattre le populisme de le condamner et d’en dénoncer les méfaits.
Il importe d’abord de faire valoir en soi, et non pas dans une sorte de compétition avec le populisme, ce qu’apportent la démocratie en général et l’Union Européenne en particulier. Il y a là à mener un travail considérable d’information et d’explications aussi objectif que possible.
Mais la véritable solution demandera du temps. Il faut s’attaquer aux causes mêmes du populisme et répondre aux situations qui sont à son origine. Notamment :
- Comment redonner l’espérance dans l’avenir avec un projet collectif ? Comment assurer une participation des citoyens aux différents niveaux où les décisions sont prises, en complément et non pas en concurrence d’une démocratie représentative qui doit demeurer la base essentielle ?
- Repenser la construction européenne, définir, plus de soixante ans après son commencement et avec près de cinq fois d’Etats-membres qu’alors, un nouveau projet commun qui, exempt de toute idéologie ou visées institutionnelles, parte d’une connaissance de ce que les peuples en attendent. Distinguer parmi les sujets, ceux qui font l’objet d’une solidarité générale entre tous les membres et peuvent relever de décisions communautaires et ceux qui, n’intéressant que certains Etats, seraient traités par des coalitions ad hoc.
Club des Vingt.
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