L’Etat
subit Totalement
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Comment rester de marbre, à l’instar de bien des analystes, lorsque l’on observe le jeu cynique de Patrick Pouyanné, PDG de Total Energie, qui fait fi de toutes les critiques prononcées du bout des lèvres par un pouvoir exécutif QUI « en même temps » – selon le style macronien – est aux petits soins pour le groupe qui a déclaré, pour 2023, un résultat net de 21,5 milliards de dollars (soit 20 milliards d’euros).
La multinationale ne cesse, en tout cas, d’être au cœur de l’actualité pour des raisons loin d’être éthiques. Déjà, en 2021, le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts à l’encontre de Patrick Pouyanné, visé par une plainte de Greenpeace France, Anticor et l’association d’anciens élèves de Polytechnique, La Sphinx, pour avoir tenté, en faisant jouer son statut de membre du conseil d’administration de l’Ecole polytechnique, d’implanter, en son sein, un soit disant centre de recherche et d’innovation qui apparaissait surtout, aux yeux de beaucoup, comme un socle de recrutement d’ingénieurs en vue de les faire adhérer à la pérennité des hydrocarbures.
Ces dernières semaines, le groupe Total Energie a secoué l’establishment en faisant savoir qu’il souhaitait, à l’avenir, sortir du CAC40 pour être uniquement côté à la Bourse de New York. Patrick Pouyanné et son Conseil d’administration visent en effet les investisseurs outre-Atlantique, convaincus, pour leur part, de la nécessité d’une stratégie visant à poursuivre, coûte que coûte, l’exploitation des gisements d’hydrocarbures ; sans aucun état d’âme et avec le pragmatisme de réseaux avides d’accroître leurs dividendes, sans prise directe avec les prospectives environnementales. Seul le pragmatisme néolibéral compte.
Le 29 avril 2024, devant la commission d’enquête sénatoriale qui se penchait sur les agissements de Total Energie, P. Pouyanné a bien confirmé son peu d’intérêt pour les énergies renouvelables. Certes, la multinationale assure quelque financement en leur faveur. Officiellement, il est fait état d’un milliard d’investissement dans les énergies bas carbone (près de 20 fois moins que dans le domaine des hydrocarbures). Cela relève surtout d’un greenwashing, au cœur d’une politique de communication qui veut faire croire à un attachement louable à une certaine responsabilité sociale de l’entreprise. Mais cette démarche stratégique ne dupe pas grand monde. Elle fait même sourire certains employés que nous rencontrons depuis des années…
Patrick Pouyanné, en service commandé pour ses actionnaires, n’a pas manqué de critiquer la position ferme de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en faveur de la décarbonisation en la considérant comme celle d’un « nouveau pape avec une nouvelle bible »… Les expertises scientifiques prévoient pourtant bien, d’ici 2050, un effondrement de la production de pétrole…
Ce sont donc bien les propos d’un homme qui reflète un monde des multinationales aveuglées par leur puissance, et se considérant au-dessus de tout, sans limite aucune…
Avec un sens de la prospection continuellement renouvelée.
Comme en témoignent les projets pétroliers de Total Énergies, notamment en Ouganda et en Tanzanie, via le projet de pipeline transfrontalier EACOP (East African Crude Oil Pipeline) long de 1 443 kms. Patrick Pouyanné, devant les sénateurs, s’est même targué que plusieurs milliers d’autochtones aient pu obtenir des vraies habitations, dans le cadre d’une politique de déplacements et d’expropriation qui a concerné près de 20 000 foyers :« Ceux à qui nous avons construit des maisons plutôt que des huttes traditionnelles ne sont pas mécontents ». Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir au sein de la Commission sénatoriale, en raison de leur caractère insultant et dévalorisant, avec un relan de néocolonialisme des plus avilissants…
Et que dire des pêcheurs qui ont perdu l’accès à leurs zones traditionnelles de pêche sur le littoral tanzanien ? Quid des 419 puits de forage qui vont dégrader odieusement divers parcs naturels traversés, les eaux du Lac Albert, via le champ de pétrole Kingfisher, ou encore les Chutes Murchison, avec le champ pétrolier de Tilenga ? C’est passer outre, aussi, les arrestations et pressions qu’exercent le autorités tanzaniennes et ougandaises, sur les journalistes trop critiques, les résidents locaux trop résistants ou les ONG trop dénonciatrices…
Du moment que les bénéfices soient là et que divers intermédiaires se partagent des royalties, tout va bien…On oublie…ou plutôt on focalise l’attention sur les Jeux Olympiques qui s’annoncent…
Ah pardon, entre temps, le président chinois Xi Jinping est à Paris (visite d’Etat les 5 et 6 mai 2024). Opération stratégique pour l’Elysée… D’ailleurs, Monsieur Pouyanné y était invité lors du dîner d’Etat donné en l’honneur du président chinois, lundi 6 mai 2024. En matière d’oublis et de non traitement des sujets qui fâchent, il avait là une soirée en or…
Dans notre nouveau numéro (N°235) d’Esprit Surcouf, selon la nouvelle formule, bimensuelle, nous vous proposons tout d’abord, deux articles. Le premier, d’Anne Alexandre, revient sur le parcours remarquable de son père, Pierre Hentic, disparu il y a 20 ans, héros de la résistance, notamment au sein du SOE (Special Operations Executive), pendant la Seconde Guerre mondiale, puis officier spécialiste du renseignement dans les guerres de la décolonisation : « Pierre Hentic (1917-2004). Témoin engagé de l’histoire du XXème siècle » (rubrique Histoire).
Le second article, proposé par Louis Caudron, met en lumière les effets du réchauffement climatique qui échappent souvent aux néophytes, à travers leur grande diversité : « Les effets méconnus du réchauffement climatique » (rubrique Environnement).
Enfin, Chers Lecteurs, vous pourrez découvrir la Revue d’actualité d’André Dulou, et l’Agenda « Evénements » tant à Paris qu’en régions, de Laure Fanjeau.
Enfin, nous attirons votre attention sur le nouveau livre de Christian Destremau consacré à Ibn Saoud, qui, en 1932, façonna le royaume d’Arabie saoudite, à partir du clan dynastique éponyme. Compte tenu du talent de Christian Destremau et de la magistrale biographie qu’il avait consacrée à Lawrence d’Arabie, en 2014, nul doute qu’il va à nouveau marquer les esprits par la finesse de son analyse et de sa plume, en la vouant, cette fois à Ibn Seoud et, à travers lui, à tout un Moyen-Orient en ébullition. (Christian Destremau, Ibn Saoud. Seigneur du désert, roi d’Arabie. Ed. Perrin, collection « Biographies », 2024.)
Compte tenu de la parution bimensuelle d’ESPRITSURCOUF, le calendrier de nos publications est modifié :
– le 24 mai, les adhérents d’Espritcors@ire recevront le SEMAPHORE 62 complet qui paraitra sur le site avec seulement le début du Focus
– le 31 mai, sur le site ESPRITSURCOUF une VIDEO ET l’actualisation du DOSSIER CYBER
– le 7 juin, vous retrouverez un n° ESPRITSURCOUF 236 normal » avec son Billet +2 articles +SEMAPHORE En° 63+ VEILLE sur nos armées+ AGENDA CONFERENCE
Bonne lecture
Pascal Le Pautremat
(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |
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