SUCCESSION MERKEL :
VEUILLEZ PATIENTER
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Hugo Marneffe (*)
Journaliste stagiaire
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Les élections fédérales allemandes ont livré leur verdict : le SPD remporte le suffrage. Mais son leader, Olaf Scholz, n’a aucune garantie de devenir chancelier. N’ayant pas obtenu la majorité des voix, il doit parvenir à créer une coalition s’il veut remplacer Angela Merkel. Il n’est pas le seul à pouvoir y prétendre.
Les résultats électoraux sortis des urnes ce dimanche 26 septembre sont bien différents de ceux pronostiqués au début de l’été, notamment en ce qui concerne le parti en tête. Le SPD, une organisation sociale-démocrate affaiblie depuis le début des années 2000, surtout comparée à son adversaire historique, la conservatrice CDU, a remporté les élections avec 25,7% des suffrages. Son candidat, Olaf Scholz, l’ancien ministre des finances d’Angela Merkel, a pu se présenter comme la continuité de celle-ci. Au sein d’un parti qui donne l’image d’une indubitable unité, sa stratégie de campagne a surtout consisté à rester discret et à éviter les erreurs ; une posture dont son principal opposant aurait dû s’inspirer.
A la CDU-CSU, on peut être déçu. Avec 24,1% des voix, les conservateurs menés par Armin Laschet reculent fortement et connaissent le pire score de leur histoire, car depuis 1949, ils ne sont jamais passés sous de la barre des 30%. La nomination tardive de Laschet, ses passes d’armes avec son concurrent Söder, le soutien modéré de Merkel, ainsi que ses faux-pas, comme le fou rire lors des cérémonies d’hommage aux victimes des inondations, lui ont certainement porté préjudice, alors qu’il bénéficiait déjà de peu de soutien parmi l’électorat conservateur. Malgré ce qui pourrait être interprété comme une déroute, l’écart avec les sociaux-démocrates reste faible, ce qui lui permet, à lui aussi, d’espérer pouvoir accéder au poste de chancelier.
En troisième place se trouvent les verts. Ils auraient pu avoir un meilleur score que les 14,8% issus des urnes. Pendant l’été, ils avaient concurrencé les conservateurs en tête des sondages. Les scandales qui ont touché la prétendante à la chancellerie ont probablement pesé dans la balance. Ils parviennent tout de même à accroitre de près de 6 points leurs résultats depuis les dernières élections fédérales. Leurs discours ont trouvé un écho particulier parmi les jeunes.
Les libéraux du FDP, pour leur part, obtiennent des résultats en légère hausse qui leur permettent de maintenir leur position de force d’appoint pour former un gouvernement, avec un score qui passe au-dessus des 11%.
L’AfD, s’il n’atteint pas un score aussi élevé qu’en 2017, ce qui se traduit par la perte de quelques points de pourcentages, consolide sa place au Bundestag. La crise du coronavirus pouvait laisser penser que les critiques de la gestion du gouvernement allaient bénéficier aux populistes. Les résultats montrent qu’il n’en est rien.
Finalement, Die Linke ne parvient pas à franchir la barre des 5%, sa représentation à la chambre basse allemande sera alors limitée à quelques sièges, obtenus grâce aux élections directes dans les circonscriptions.
Coalitions possibles
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Compte tenu des résultats électoraux, il est désormais nécessaire que deux ou trois partis s’accordent afin qu’une majorité d’au moins 50% des sièges puisse se dégager. Une telle coalition sera formée lorsqu’un accord de gouvernement donnant les grandes lignes de la législature à venir sera déterminé entre plusieurs partis. Puis, selon la tradition, le chef du parti qui participe à la coalition et qui a reçu le plus de voix recevra le poste de chancelier. Quant aux autres portefeuilles ministériels, ils seront répartis entre les différents partis de la coalition selon un accord qu’ils établiront entre eux.
Les deux qui peuvent prétendre accéder à la chancellerie sont Armin Laschet et Olaf Scholtz. Au regard de la répartition des sièges au Bundestag, une nouvelle « grosse coalition » des deux Volkspartei, qui cette fois serait dirigée par le SPD, est mathématiquement possible. Cependant, elle ne semble pas être une option privilégiée par le social-démocrate.
Ce qui est pour l’heure le plus probable est une coalition entre le SPD, les verts et le FDP, ou une coalition entre la CDU-CSU, les verts et le FDP. La première hypothèse est favorisée par la proximité programmatique entre le SPD et les verts, notamment en termes de relance, de projets environnementaux et de justice sociale. En revanche, le second cas est facilité par des positions similaires entre les conservateurs et les libéraux, surtout sur la fiscalité et le budget.
Il faut pourtant nuancer ces positions. De fait, le FDP pourrait être réticent à former un gouvernement avec les conservateurs, compte tenu de la mauvaise expérience qu’ils en ont retiré entre 2009 et 2013. Pour ce qui est des verts, un rapprochement avec la CDU-CSU aurait l’avantage de gagner la confiance d’un électorat plus conservateur.
Suite aux élections, le FDP a annoncé vouloir discuter en priorité avec les verts avant de décider de se rapprocher du SPD ou de la CDU-CSU.
Possibles conséquences pour l’Allemagne
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Les verts feront probablement partie de la prochaine coalition, et auront donc l’occasion de peser sur la politique du gouvernement. Dans le cas d’une alliance avec les conservateurs, ils pourront pousser les thèmes de la préservation de l’environnement et de la protection sociale. En outre, ils se feront l’avocat de la souplesse budgétaire. Au niveau européen, la volonté des verts de ne pas rester enfermé dans le couple franco-allemand pourrait peser.
En ce qui concerne le FDP, qui lui aussi a des chances d’intégrer la coalition, il prendra certainement la défense de la rigueur budgétaire, notamment s’il se retrouve à gouverner avec le SPD et les verts.
Dans tous les cas, l’Allemagne ne vivra pas de révolution. Une autre certitude est que le caractère pro-européen du prochain gouvernement ne fait pas de doute. De fait, les questions européennes ont été peu abordées, et pour cause, il n’y a pas de conflit majeur sur la vision de l’Union Européenne entre les partis qui ont été les plus plébiscités.
L’opposition idéologique et programmatique de ceux pouvant entrer dans la coalition vont rendre les tractations très complexes. Si les deux grands partis affirment vouloir former rapidement un gouvernement, tout laisse à croire que Merkel restera encore aux affaires plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
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(*) Hugo Marneffe. Diplômé d’un Bachelor de Relations Internationales et de Sciences Politiques. Il effectue actuellement un Master de Diplomatie au sein de l’École des Hautes Études Internationales et Politiques de Paris et prépare une thèse sur les nationalismes dans l’Union Européenne. Engagé dans le domaine associatif, il s’investit au sein de la Fédération Francophone de Débat. Il est Journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF |
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