Vers un Printemps des Plantes ?
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Pascal Le Pautremat (*)
Rédacteur en chef d’Espritsurcouf
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Quittons un peu cette actualité du désordre généralisé, des guerres récurrentes ou larvées, cette conjoncture laissant transparaître le risque d’un effondrement systémique – bien peu craint ou anticipé – pour porter notre regard sur les espaces terrestres que des femmes et des hommes s’appliquent à ressusciter. Des espaces malheureusement restreints où la biodiversité peut avoir libre cours et, ainsi, se réapproprier un domaine foncier profondément meurtri. Car lorsqu’on l’encourage, la Nature reprend en effet ses droits légitimes. Faune et flore s’éveillent et nous émerveillent.
Yann Arthus-Bertrand a ainsi façonné, en 2021, une réserve naturelle, la Millière, sur un territoire de 26 hectares à proximité de la forêt de Rambouillet dans les Yvelines. Bien des gens s’en réjouissent même si quelques maires, aux idées bien cadrés, s’agacent de cette végétation et de cette faune qui s’épanouissent, là où ils voudraient tant faucher les massifs verdoyants et décimer les cervidés. Ailleurs, ce sont des retraités, des passionnés, des citoyens éco-responsables, des élus, conscients de la nécessité de préserver la Nature, qui sur quelques dizaines d’hectares créent, ici ou là, des réserves de biodiversité.
Il y a incontestablement urgence dorénavant – et il faut le marteler sans cesse – à lancer des grandes mesures de sauvegarde et de protections disséminées partout sur le territoire national, comme dans le monde entier.
Près 1 400 scientifiques s’accordent pour constater que ; depuis deux siècles, à l’échelle mondiale, les extinctions d’espèces sont 10 à 1 000 fois plus rapides que celles relevant du rythme naturel.
Comme l’indique le rapport Planète vivante 2020 du WWF, « environ 9 % des 5,9 millions d’espèces terrestres dans le monde ne disposent pas d’un habitat suffisant pour assurer leur survie à long terme et sont condamnées à s’éteindre pour la plupart ». En France, les études récentes continuent, hélas, de confirmer la chute vertigineuse de la biodiversité qui, pour les vertébrés en particulier, aurait perdu près de 61% de son intégrité. Près des 17 % des espèces de faune et de flore sont clairement menacées ou éteintes dans l’hexagone.
Par conséquent, une sixième extinction n’est pas une utopie catastrophiste. Si le rythme établi depuis les années 1850 perdure encore 200 ans, la planète va perdre plus de 75 % de ses espèces. Avec pour seule (ir)reponsable amplement fautive : l’espèce humaine (dans sa grande majorité).
Face à cette effroyable réalité, mais que l’on minimise, les cadres de verdure dans les cités, les micro forêts urbaines, sont loin de composer une solution optimale, même s’ils peuvent contribuer à apporter un incontestable mieux être psychique – prouvé médicalement – à des populations trop souvent coupées de la Nature.
Si les données nationales manquent encore, on constaterait, depuis 2022, une multiplication des démarches en faisant valoir la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Les bonnes volontés s’appuient sur un outil juridique en vigueur depuis 2018 qui permet aux propriétaires fonciers de faire valoir, sur leur terrain, l’obligation réelle environnementale (ORE), c’est-à-dire une obligation durable de protection de l’environnement.
Les particuliers, les associations écologistes, mais aussi des conservatoires d’espaces naturels (CEN) ou même des collectivités locales y ont désormais recours. Le but étant « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémique. ». Le contrat « ORE » (obligations réelles environnementales) peut avoir une durée établie jusqu’à 99 ans. Cela relève du Code de l’environnement.
La biodiversité est en fait menacée par cinq dangers majeurs : les bouleversements dans l’usage des terres avec l’artificialisation (aménagements touristiques, résidences diverses la surexploitation des ressources, avec suremploi de pesticides à l’appui, les pollutions diverses, et, conjointement, la transformation climatique qui facilite la propagation d’espèces exotiques qui déstabilisent les écosystèmes originaux.
On ne fait que répéter l’évidence ; on croule sous les données, les éléments factuels…Pourtant, le déni comme l’inconscience persistent et on ne change rien ou presque.
Pire, plutôt que d’accentuer le recours à des méthodes ancestrales et naturelles, le lobby du secteur agroalimentaire, qui a de solides ancrages au sein du pouvoir législatif, prône une réaffirmation du recours à divers produits chimiques phytosanitaires aux effets néfastes pourtant amplement reconnus. En France, à titre d’exemple, retenons le vote du Sénat, en février dernier, pour modeler le projet de loi d’orientation agricole en y intégrant le principe de non interdiction des pesticides sans d’autres « solutions économiquement viables techniquement efficaces ». Une posture que soutient la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), très portée sur le productivisme et les méthodes libérales et le recours aux produits chimiques. Gageons que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) saura faire valoir la dangerosité tous azimuts des produits phytopharmaceutiques.
En toute indépendance politique…
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Pour ce 254ème numéro d’ESPRITSURCOUF, alors que la situation russo-ukrainienne laisse apparaître une évolution improbable, tant la paix est loin d’être acquise à ce jour, Renaud Girard porte un regard analytique sur la posture à tenir face à la Russie, en prenant en compte divers paramètres : « Parler à Poutine, Oui ; lui céder, non » (rubrique HUMEURS).
La stratégie des Washington vis-à-vis des pays européens laisse également songeur, sur sa nature réelle et ses conséquences à moyen et long terme. Mais, de toute évidence, le jeu d’influence du camp trumpiste est particulièrement incisif, sur le plan économique, certes, mais aussi en matière de lobbying et d’ingérence directe, comme le souligne Paul Charles, en faveur de courants politiques inscrits dans des logiques de contestation et de radicalisme, plus ou moins de populiste : « L’ingérence américaine dans la vie politique européenne » (rubrique GEOPOLITIQUE).
Gérard Brachet, grand spécialiste des problèmes de l’espace, dans la 2ème partie de son analyse, « Politique spatiale : L’entrée en lice de l’Union européenne », vient traiter du rôle croissant de l’Union européenne dans la politique spatiale européenne et des questions de gouvernance qui en découlent. (rubrique GEOPOLITIQUE).
Il n’en demeure pas moins que la situation économique française est des plus préoccupantes, avec, en particulier, le déclin catastrophique de l’industrie. D’où l’aspiration de l’Exécutif, selon Alexandre Mirlicourtois, à miser sur l’économie de guerre pour favoriser une relance de la branche industrielle française : « Réarmer la France pour réindustrialiser ?» (Rubrique ECONOMIE).
Comme d’habitude, la revue d’actualité du colonel André Dulou, avec une réflexion sur «Les fausses pièces maitresses à l’international ».
Pour illustrer et compléter ce numéro sur « la guerre à nos frontières », nous avons sélectionné deux vidéos , qui attirent notre attention sur les capacités des armées européennes:
– « Comment la POLOGNE veut construire la PLUS GRANDE ARMÉE d’EUROPE pour CONTRER la RUSSIE »
– « Que valent les armées européennes face aux États-Unis, à la Russie et à la Chine ? »
Enfin, en matière de lecture, nous vous recommandons l’ouvrage que dirige François Cochet, Professeur émérite de l’Université de Lorraine-Metz, spécialiste de l’expérience combattante, de la mémoire des guerres, consacré à l’empreinte qu’a laissée la bataille de Verdun tant chez les Français que chez les Allemands, entre mythe et réalité, entre dimension mémorielle et réalité stratégique ; bataille qui, à elle seule, semble résumer toute la « Grande Guerre » dans la mémoire collective.
François Cochet (dir.), Les dramaturgies de Verdun, de 1916 à nos jours. En partenariat avec le Mémorial de Verdun – Champ de bataille. Ed. Pierre de Taillac, 2025, 528 pages. (rubrique LIVRES).
Laure Fanjeau publiera, la semaine prochaine le 2ème volet de sa veille « Guerre en Ukraine, trois ans déjà ! » traitant des aspects économiques de cette guerre ainsi que le 3ème volet sur les aspects géopolitiques de cette dernière.
Elle est disponible, sur demande, auprès de Laure Fanjeau <fanjeaulaure@yahoo.fr>
Bonne lecture,
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(*) Pascal Le Pautremat est Docteur en Histoire Contemporaine, diplômé en Défense et Relations internationales. Il est maître de conférences à l’UCO et rattaché à la filière Science Politique. Il a enseigné à l’Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr et au collège interarmées de Défense. Auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense nationale), ancien membre du comité de rédaction de la revue Défense, il est le rédacteur en chef d’ESPRITSURCOUF. Son dernier ouvrage « Géopolitique de l’eau : L’or Bleu » est présenté dans le numéro 152 d’ESPRITSURCOUF. |
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