LA GRECE
ET L’ORTHODOXIE

Edith et Daniel Coulomb(*)
Christiane Tourraud (*)



Rapport d’étonnement (deuxième partie) d’un groupe de membres d’espritcors@ire suite à un voyage en Grèce et plus particulièrement au Péloponnèse, en mai dernier.
La semaine dernière un article était consacré à « La Grèce : grande histoire, petit pays » Mettre un lien avec cet article.


Lorsqu’on arpente la Grèce, on ne peut être que frappé par le nombre d’églises, chapelles oratoires, ou simples veilleuses qui jalonnent les routes. La population est à 90 % chrétienne orthodoxe. 

Eglise orthodoxe et nation grecque : un lien fort

Grand artisan de la résistance grecque, l’Eglise orthodoxe en tirera un énorme prestige et l’Institution reste,  dès lors, associée à l’idée de nation. Cette notion est indispensable pour comprendre la construction de l’identité grecque, dont elle est partie prenante au même titre que de son glorieux héritage antique.
La religion est vraiment le ciment de la nation grecque. Pendant les 400 à 500 ans de l’invasion turque, c’était le seul moyen pour les Grecs de garder leur identité grecque,  les Turcs ayant interdit l’enseignement de la langue grecque, l’exercice de la religion… C’est pourquoi,  l’orthodoxie, religion d’Etat, au même titre que la mythologie est indissociable de l’identité nationale d’une communauté nationale bien diverse, historiquement chahutée, entre le nord macédonien, le centre et le Péloponnèse (plus continentaux) et les iles, tournés résolument vers la mer.
Le drapeau grec est mis en berne sur tous les bâtiments publics du pays le vendredi saint, pour commémorer la mort du Christ. Le samedi saint à minuit la lumière sainte recueillie au Saint Sépulcre à Jérusalem est transportée par avion et reçue en grande pompe par les autorités grecques à l’aéroport d’Athènes avant d’être diffusée dans tout le pays
L’orthodoxie est « religion dominante » selon l’article 1 de la constitution grecque, laquelle est promulguée « au nom de la simple et indivisible Trinité ». Les années scolaires commencent par une bénédiction. Depuis toujours, des icônes ornent la plupart des administrations publiques…
L’Église orthodoxe grecque a pratiquement le statut d’une Église d’Etat. La Constitution précise que « la religion dominante en Grèce est celle de l’Eglise orthodoxe orientale du Christ ». Les députés doivent prêter serment de fidélité à la patrie et à la démocratie au nom de la « sainte et indissoluble Trinité ». Les popes et tout le personnel de l’Église sont payés sur les fonds publics. L’instruction religieuse est au programme dans toutes les classes et fait l’objet d’une épreuve lors de l’examen de fin d’études.

La Paque orthodoxe, moment fort de la vie grecque

Certes, comme partout en Europe occidentale, les pratiquants sont de moins en moins nombreux dans les lieux de culte mais l’affluence reste impressionnante lors des grandes fêtes et notamment lors de la Pâque orthodoxe (qui s’écrit au singulier) et jouit d’un prestige encore plus grand que Noël. La date étant calculée avec le calendrier Julien, elle se déroule un peu plus tard que les fêtes de Pâques catholiques fixées selon le calendrier grégorien.
Nous avons assisté aux célébrations de la Pâque orthodoxe dans la région de Nauplie en Argolide. Nous avons pu constater combien cette fête est intégrée dans la vie grecque, non seulement comme fête religieuse mais aussi comme fête populaire. Notre guide nous a confirmé qu’il en était de même dans toute la Grèce. La vie entière du pays s’arrête pour célébrer la Pâque.
La charge émotionnelle qui se dégage de ces cérémonies est très forte et contraste avec la nôtre où lapins et œufs en chocolat constituent souvent un objectif.
Suivons donc le rituel de la semaine de la Passion et les traditions y compris gastronomiques.
Elle démarre le jeudi saint, jour où on commence à célébrer la Passion du Christ. Après avoir préparé gâteaux secs, pains, brioches, et surtout œufs rouges, (les œufs, des vrais, symbolisent la vie tandis que le rouge représente le sang du Christ) les femmes se rendent à l’église pour assister à la représentation de la Crucifixion. La Croix du Christ crucifié est dressée au centre de l’église. C’est une journée triste puisque c’est celle du dernier repas et de la trahison par Juda. Les chants ressemblent à des lamentations.
Le vendredi, à l’aube, femmes et enfants y retournent pour décorer l’Epitaphe ( catafalque symbolisant le Christ au tombeau) de guirlandes et de fleurs blanches, rouges et roses essentiellement,  X. Les Grecs vénèrent l’Epitaphe en passant dessous afin d’obtenir le pardon du Christ.
Le soir, après l’office, lors de la procession à travers la ville, l’Epitaphe sera accompagnée par un cortège de fidèles chantant, un cierge à la main. À noter que chaque fois que possible, une des épitaphes est porté par des militaires. Les cortèges se réunissent sur une place centrale, accompagnés de fanfares et de chorales.
Le samedi saint : la messe de la Résurrection réunit une foule considérable, debout pour la plupart, tenant à la main une lambada (cierge pascal simple et neutre). Le pope récite l’évangile. De nombreux fidèles que ne peut contenir l’église viennent simplement faire un signe de croix devant une ou plusieurs icônes( L’icône n’est pas une idole mais un symbole que l’on vénère c’est un être qui vous regarde). Juste avant minuit, toutes les lumières sont éteintes. A minuit, le pope annonce « Christos Anesti » (le Christ est ressuscité), apporte la flamme, la lumière de la Résurrection, et la donne au fidèle le plus proche. La flamme est transmise de cierge en cierge à tous les fidèles qui s’embrassent en disant « Alithos Anesti » (il est vraiment ressuscité). Les cloches sonnent joyeusement.
De retour à la maison, le jeûne est rompu par une soupe faite d’abats de moutons et de laitue, appelée « maguiritsa ». Chacun prend un œuf rouge de la couleur du sang du Christ et le frappe sur celui de son voisin, le but étant de ne pas le briser à son extrémité. Celui qui cassera le plus d’œufs sans que le sien soit touché aura de la chance toute l’année.

Le dimanche de Paque, dès le matin, dans les jardins, sur les trottoirs, les hommes font rôtir un ou plusieurs agneaux entiers, tournant inlassablement la broche du barbecue, trinquant un verre de vin à la main. Les Grecs font aussi tourner le kokoretsi constitué de foie, de cœur et bien enveloppés du long fil intestinal de l’agneau. Souvent à la fin du repas un dessert extraordinaire, un gâteau à l’orange ,le portokalopita.
La gastronomie a repris le dessus, cette cuisine méditerranéenne mêlant ses origines balkaniques, turques, chypriotes, crétoises, levantines… qui nous a envoûtés et émerveillés.

………………………………………….(*) Les auteurs

Edith et Daniel Coulomb, officiers supérieurs de l’armée de terre
Christiane Tourraud, Responsable de master, Université d’Assas, tous membres d’espritcors@ire et contributeurs à ESPRITSURCOUF