ALGERIE :
LA DESCENTE AUX ENFERS
Alexandre Mirlicourtois (*)
Économiste
.
Les soubresauts de l’élection présidentielle en Algérie ont été scandés par des manifestations populaires d’une ampleur jamais vues. C’est tout un système politique qui s’est trouvé remis en cause. Le peuple souffre, alors que le pouvoir en place se révèle incapable de parer les dangers qui s’amoncellent. A en croire l’auteur de cet article, le pays va droit dans le mur.
C’est principalement la jeunesse algérienne qui porte
actuellement la contestation dans le pays. Alors qu’avec le souvenir de la
guerre civile leurs aînés se gardaient bien de participer à tout ce qui était
contestations politiques, la nouvelle génération née après 1999 n’a pas connue
la décennie noire et n’a pas peur de s’exprimer.
Au-delà même du manque de démocratie, elle manifeste aussi un profond malaise
économique et social. Selon les chiffres de l’Office National des Statistiques
algérien, 29% des jeunes de 16 à 24 ans étaient au chômage en septembre 2018,
c’est plus du double de la moyenne nationale et si les chiffres de 2019 ne sont
pas encore connus, ils devraient connaître une nette détérioration d’après les
déclarations alarmantes faites en novembre dernier par le président du Forum
des chefs d’entreprise, la principale organisation patronale du pays. En outre,
sur les 1,5 million de chômeurs algériens, 408 000, soit quasiment 28%,
sont diplômés de l’enseignement supérieur et 386 000 de la formation professionnelle,
soit 26%. Plus d’un chômeur sur deux est donc diplômé.
L’Algérie, n’est pas un pays qui a verrouillé l’accès au supérieur. Bien au
contraire, il y a des universités dans toutes les wilayas (l’équivalent des
départements), beaucoup d’argent investi et beaucoup de boursiers sont envoyés
à l’étranger. Le savoir reste aussi un facteur important de valorisation dans
les familles, mais le marché du travail n’est tout simplement pas adapté. La
faute d’abord à un secteur public en déliquescence. Les entreprises publiques
qui génèrent encore près de la moitié de la valeur ajoutée industrielle sont
moribondes. En 2018, le niveau de la production manufacturière publique
représentait à peine plus de la moitié de celle de 1989. Quant au taux
d’utilisation des capacités de production, il montre une sous-utilisation
structurelle des installations.
Or, cette désindustrialisation publique n’a été que très partiellement
contrebalancée par le privé. Un secteur privé trop petit qui peine à se
développer : le poids de l’administration, la corruption et le lobby des
importateurs bloquent son développement. Principalement présent dans les
activités peu ouvertes à la concurrence internationale, le tissu productif
privé est en fait composé à 90% de microentreprises à caractère familial, qui
opèrent bien souvent dans le secteur informel. Quant aux grandes sociétés
privées, elles sont peu autonomes, le plus souvent liées à l’appareil politique
et à l’armée avec qui elles entretiennent des relations parfois douteuses. Le
procès pour corruption de deux anciens premiers ministres, de plusieurs
ministres et hommes d’affaires emblématiques montre à quel point le système est
gangrené de l’intérieur.
Tant que la rente pétrolière et gazière permettait d’acheter la paix sociale à coûts de subventions, tout le système tenait. Mais c’est un système construit sur la seule performance du secteur des hydrocarbures, donc de leurs cours. Il suffit que les prix du Brents chutent pour que le solde courant vire au rouge. Or, les cours ont commencé à dévisser en 2014, année où il sont passés de près de 110 dollars en janvier, à 60 en décembre. 2014, année où le solde courant algérien a entamé sa descente aux enfers. 2014-2019, ce sont donc six années de plomb, du jamais vu depuis le début des années 80, et 2020 ne s’annonce pas mieux. A ce rythme-là, les réserves de changes s’épuisent très vite, passant de 194 milliards de dollars en 2013 (soit l’équivalent de 3 années et demie d’importations) à moins de 80 en 2018 (soit moins de 2 années d’imports).
A cette vitesse, les caisses seront rapidement vides. Or les réserves de change sont vitales pour un pays dont la monnaie n’est pas convertible et dont l’accès au marché international des capitaux est limité ou inexistant. C’est donc un véritable mur qui se dresse devant le nouveau président, l’économie est en totale décompensation et l’argent du pétrole n’achète plus la colère.
Alexandre Mirlicourtois (*)
Directeur des études économiques du groupe Xerfi depuis 2006. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis. En charge des travaux de prévisions économiques de Xerfi, il est spécialiste de l’immobilier, de la construction et des matières premières.
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Bonne lecture et rendez-vous le 27 janvier 2020
avec le n°130 d’ESPRITSURCOUF
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3 février 2020 at 23 h 11 min
Les difficultés économiques et sociales de L’Algérie ont une traduction politique récurrente depuis 1962 : la recherche de boucs émissaires au premier rang desquels la France. A Tebboune ne fait pas exception à la règle tout en surenchérissant : la France doit dorénavant répondre de « cinq millions de martyrs ».
Il est vrai que le Président Macron a donné le ton en rapprochant, bien qu’il s’en défende après coup, shoah et colonisation française, déjà qualifiée à son initiative de crime contre l’humanité en 2017. Dans la foulée, nous avons entendu notre Ministre des Affaires Étrangères proposer ce dimanche 2 février de relancer le chantier pour une mémoire partagée avec les autorités algériennes. Pour faire bonne mesure nous suggérons du côté français l’apôtre de la Repentance Benjamin Stora qui a consacré sa carrière à faire la promotion d’une Algérie mythique, tout d’abord avec le MNA puis, à défaut le FLN. Et vogue la galère…