« NOUVEAU COUP D’ÉTAT MILITAIRE EN BIRMANIE »
Colonel André Dulou (*)
Écrivain-Historien
C’est un coup d’État militaire sans grande répercussion, dans un contexte international dominé par la pandémie de la Covid-19.
Les griefs affichés contre les personnalités arrêtées peuvent certes paraître «décalés ». Dans le concert des relations internationales, le régime soutenu par Pékin, à un moment où l’Amérique change de président, ne craint pas grand-chose. Et comme la culture interne et externe connaît les militaires dont il s’agit, la communauté internationale peut s’activer en paroles, elle a bien d’autres sujets de préoccupation en ce moment.
Arrestations
Aung San Suu Kyi, qui occupait les fonctions de Première ministre, a été arrêtée sur ordre de l’état-major de l’armée birmane le lundi 1er février, alors que le nouveau Parlement, issu des législatives de novembre 2020, devait se réunir pour la première fois. Le président birman, Win Myint, et plusieurs hauts représentants du parti au pouvoir ont aussi été interpellés lors d’une opération menée à l’aube dans la capitale administrative Naypyidaw. L’armée a aussitôt proclamé l’état d’urgence pour une période d’un an
Le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing, est le nouvel homme fort.
Rappel historique
La Birmanie n’est devenue indépendante qu’en 1947, elle a vécu sous dictature militaire de 1962 à 2011. Mais les militaires au pouvoir ont fait promulguer une constitution en 2008 et entamé une transition démocratique en 2011. La constitution leur réservait néanmoins toujours les ministères de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires frontalières et 25 % des sièges du Parlement. En fait ils ont gardé le pouvoir pendant cette parenthèse démocratique.
Les militaires n’ont apparemment pas digéré l’échec électoral cuisant de leur parti, le PSDU (Parti de la solidarité et du développement de l’Union), en novembre et criaient, depuis, à la fraude électorale. Rappelons que déjà en 1990, lors d’élections qu’ils avaient organisées le scrutin est remporté à plus de 80 % par la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi. La réaction ne tarde pas : les élections sont annulées et Aung San Suu Kyi est assignée à résidence.
L’accusation
En 2021 l’ex-Première ministre est accusée d’avoir enfreint une loi sur les importations et les exportations, Un tribunal a ordonné sa détention provisoire pour une période de 14 jours, jusqu’au 15 février.
Elle aurait importée au moins dix talkies-walkies., des équipements de communication, sans les papiers et autorisations nécessaires , Ce qui pourrait lui valoir trois ans de prison.
Ces accusations, qui peuvent sembler fantaisistes, rappellent celles qui ont visé par le passé la Prix Nobel de la paix. Elle avait notamment vu sa peine d’assignation à résidence prolongée car un Américain avait nagé dans le lac bordant sa villa, pour non-respect des règles de son confinement.
Les réactions
Quelle sera la réaction de la population birmane ?
Dans le passé, les militaires birmans n’ont pas hésité à réprimer dans le sang les tentatives de soulèvement. Les prochains jours seront cruciaux.
Ainsi les appels à la désobéissance civile se multiplient. Un mouvement, très relayé sur les réseaux sociaux, vise à exprimer pacifiquement l’opposition au régime militaire. Un groupe nommé « le mouvement de désobéissance civile » a été lancé sur Facebook.
Le coup d’État a soulevé des réactions internationales différentes.
Les généraux restaient en tous cas silencieux face aux vives condamnations venues de l’étranger. Le président américain Joe Biden a appelé la communauté internationale à « parler d’une seule voix pour exiger de l’armée birmane qu’elle rende immédiatement le pouvoir », l’ONU et l’Union européenne condamnant unanimement le coup d’État.
Mais le poids des éventuelles mesures de rétorsion sera assez limité compte tenu du soutien implicite de Moscou et de Pékin. La Chine a refusé de critiquer qui que ce soit, demandant simplement toutes les parties à « résoudre les différends ». Il sera difficile au Conseil de sécurité de l’Onu qui se réunit d’avoir une position commune
Colonel André Dulou (*)
Écrivain-Historien
28 février 2021 at 1 h 35 min
Commentaire reçu par mail.
De la part de Michel DAGNIAUX.
Cet article est plus complet que ce que nous avons pu entendre dans les médias, notamment sur les raisons fallacieuses de l’arrestation de la 1ère Ministre.
Il évoque le soutien de la Chine aux militaires mais n’explique pas vraiment pourquoi. Les militaires sont d’accord pour laisser les chinois continuer de piller les ressources gazières et pétrolières de la Birmanie dans le Golfe du Bengale, pire ils laissent construire pipe-line et gazoduc qui vont traverser toute la Birmanie pour ravitailler directement la Chine et, ainsi, éviter le fastidieux détour à faire en tanker. Je ne sais pas si la 1ère Ministre était contre (ce qui justifierait bien mieux son arrestation) mais les populations le sont majoritairement dans certaines zones toujours en guerre larvée contre les militaires birmans. Surtout que les entreprises chinoises qui font les travaux détruisent allégrement les paysages, la faune et la flore tout au long du cheminement, à coup de bulldozers et camions énormes sous prétexte de faire des routes qu’aucun birman n’empruntera avant longtemps vu leur manière de vivre. Les birmans font le travail dans des conditions terribles . Les chinois offriraient-ils quelques largesses aux militaires en échange ? Le contraire serait étonnant.
La population birmane se satisfaisait des premières libertés retrouvées, même si le pays reste globalement très pauvre. La répression du temps de la dictature a été si forte qu’elle risque d’hésiter à se soulever pour défendre leur 1er ministre. Seuls les intellectuels (et ils sont encore peu) peuvent oser le faire, comme d’habitude en poussant devant les étudiants (qui en font partie il est vrai).
Si l’occident n’avait pas autant dénigré la 1ère Ministre après l’avoir encensée, le contexte aurait été moins favorable pour ce coup d’état. Si l’Occident ne s’était pas contenté de parler des Rohingas mais avait évoqué les difficultés des multiples ethnies, l’équilibre aurait été plus juste. Il faut comprendre que les Rohingas en sont pas aimés des ethnies dont ils ont envahi les territoires, chassés par la misère dans leur propre pays, et pris leur travail pour moins cher encore, les rendant plus pauvres qu’avant. Les occidentaux veulent défendre un peuple qui vient prendre la terre de ceux qui habitaient là avant et vivaient déjà dans la misère . . .
La population birmane a crevé de faim pendant des années sans que l’occident lève le petit doigt pour essayer de les aider. Je ne crois pas qu’elle attende grand-chose de l’occident cette fois encore. Les donneurs de leçons peuvent aller voir ailleurs, ce peuple a l’habitude de souffrir.
Michel DAGNIAUX