CHINE /UNION EUROPÉENNE :
UN ACCORD DÉSÉQUILIBRÉ
Anaïs Voy-Gillis (*)
Consultante en opérations industrielles
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Le 30 décembre dernier, l’Union européenne et la Chine ont signé un accord global sur les investissements. C’est une étape, la prochaine sera la ratification par le parlement européen, qui devrait intervenir dans deux ans. L’auteur ne voit certes pas cet épisode diplomatico-économique d’un bon œil.
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Quel est le but de cet accord ?
Ouvrir plus largement leurs marchés respectifs aux investissements de l’autre.
La Chine bénéficiera d’un accès plus large aux secteurs énergétiques et
manufacturiers en Europe. En contrepartie, la Chine s’engage à faciliter
l’arrivée des entreprises européennes sur de nouveaux marchés prometteurs :
véhicules propres, santé, finances, cloud.
Pour rappel, la Chine est le 2ème partenaire commercial de l’UE derrière les
USA (20,2% des importations, 10,5% des exportations)
Ces dernières années, plusieurs fleurons industriels européens sont passés sous
pavillon chinois : Volvo en Suède, Pirelli en Italie, Lanvin en France, Kuka en
Allemagne.
Si les Européens font preuves d’ouverture, les entreprises européennes sont
soumises à des contraintes pour investir en Chine ; Elles doivent créer
des joint-ventures avec les entreprises locales, et accepter des transferts de
technologie.
Pendant plusieurs années, la Chine a privilégié le développement de relations
bilatérales avec les pays membres de l’UE. Ces projets sont de nature diverse.
En Italie, via les routes de la soie, les ports de Gênes et de Trieste sont à
disposition des entreprises chinoises désireuses de s’implanter en Europe. En
Grèce, le port du Pirée a été cédé au transporteur Cosco. En Espagne, Cosco
contrôle les ports de Bilbao et de Valence.
La Chine a une stratégie d’influence
sur les États membres qui, à terme, pourrait bousculer la cohésion européenne.
Aussi cet accord sur les investissements pourrait-il permettre à la Commission
européenne d’éviter les manœuvres de contournement des instances de l’Europe. Mais
permettra-t–il réellement de freiner l’influence croissante de la Chine au
sein des États membres ? Cet accord questionne également sur le plan économique
:
D’abord, il est asymétrique, car il engage l’Union européenne plus que la Chine
en raison de la nature du système chinois. La Chine s’est engagée à adhérer à
l’OIT, mais cet engagement pose question. La Chine respecte rarement l’ensemble
des engagements pris dans le cadre d’accords. Elle a violé à plusieurs reprises
des engagements commerciaux pour faire prévaloir ses intérêts politiques et
économiques, comme par exemple à l’encontre de l’Australie, quand le pays a
dénoncé la politique chinoise au Xinjiang, à Hong-Kong et à Taïwan. Et respecte
assez peu les libertés publiques, comme l’illustre le nombre de journalistes
emprisonnés chaque année.
Ensuite, cet accord doit être commenté au travers du prisme géopolitique pour
montrer l’impact qu’il peut avoir sur les relations entre l’UE et les USA. Si
les Routes de la Soie ont divisé les États européens, cet accord est de nature
à créer une ligne de fracture entre l’Europe et les Etats-Unis. Une stratégie
conjointe avec les USA mais également d’autres nations auraient certainement
été plus efficaces.
Enfin, cet accord ne profitera pas de la même manière à tous les États membres,
et profitera principalement à l’Allemagne qui peut ainsi se positionner comme
un acteur entre la Chine et les USA. Le
passage en force de l’Allemagne vient fragiliser un peu plus l’édifice européen
et donner du crédit à ceux qui parlent d’une Europe allemande.
Cet accord rappelle que l’Union européenne n’est pas une organisation
politique. Sa politique commerciale
devrait être un outil de sa politique étrangère. Or, avec cet accord l’Union
semble n’avoir ni vision stratégique, ni culture géopolitique contrairement à
la Chine qui a un projet à portée géopolitique. L’UE voit des gains à court
terme, alors que la Chine cherche des moyens d’affaiblir les États européens
sur le long terme, voire de distiller le poison de la division.
Avec cet accord, l’UE a manqué une chance de s’imposer comme une troisième
voie. Comment se présenter comme le leader de la défense des libertés individuelles
quand on conclut un accord avec la Chine, qui enferme et torture les Ouïghours
?
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(*) Anaïs Voy-Gillis est docteure en géographie et géopolitique de l’Institut français de Géopolitique (IFG). Ses travaux portent sur les enjeux et les déterminants de la réindustrialisation de la France. Elle travaille également au sein du cabinet June Partners et conduit des missions de conseil opérationnel auprès de clients industriels. Elle est membre de l’Observatoire Européen des Extrêmes.
Elle vient de publier « Vers la renaissance industrielle », Editions Marie B. (mars 2020), co-écrit avec Olivier Lluansi
Bonne lecture et rendez-vous le 22 mars 2021
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