LA CHINE : DES DIMENSIONS ÉTONNANTES
René Occhiminuti
12 février 2018
Voici quelques impressions d’étonnement d’un voyage en Chine. Elles complètent les rapports d’étonnement présentés dans les N°44 et 45 du 29 janvier et du 5 février.
En novembre dernier avec mon épouse nous sommes retournés en Chine, pays, continent, que nous pensions connaitre. 30 ans après notre premier séjour en Chine nous avons noté nombres de « différences », nous y sommes retournés plusieurs fois. Mais depuis notre dernier voyage il y a 8 ans nous avons perçu une accélération des changements.
Voici, parmi beaucoup d’autres, 8 points d’étonnement et de comparaison avec le monde occidental et la France.
1 – Des institutions politiques et administratives très diversifiées :
- 22 provinces,
- 4 grandes agglomérations (Pékin, Shangaï, Chongqing et Tianjin…) ayant le statut de province,
- 5 régions autonomes pour des minorités pour les 55 « minorités» (Zhuang, Mandchous, Ouïgours, tibétains, …de 16 millions à quelques dizaines de milliers par minorité) qui occupaient 60 % du territoire.
- Les 2 régions à statut spécial (Hong-Kong et Macao) ne font pas partie intégrante de la RPC.
Il faut savoir que la notion d’« ethnie » est très présente en Chine. L’ethnie Han, qui constitue la majorité (plus de 92 % de la population) occupait 40 % du territoire et les minorités se partageaient les 60% restant moins densément peuplé… Mais les autorités chinoises mènent deux politiques « apparemment contradictoires » : d’une part les Hans sont partout et colonisent les territoires des minorités (voir les problèmes du Tibet, du Sikiang avec les ouighours), et d’autre part, chaque chinois ayant une certaine filiation avec l’une de ces 55 « ethnies », par exemple un grand-père, peut demander d’appartenir à cette minorité, notamment pour profiter des avantages octroyés à ces minorités en matière d’éducation des enfants.
2 – Le rôle éminent du Parti Communiste Chinois
Si le maoïsme a été un succès politique pour la Chine, il a été en revanche un échec économique absolu. Les successeurs menés par Deng Xiaoping ont parfaitement compris dès 1978 que la solution du futur serait la combinaison du communisme et du libéralisme, ce qu’ils ont fait de main de maitre.
La question est pourquoi ont-ils réussi alors que tous les autres ont échoué ? L’empire soviétique n’a éclaté qu’en 1989, soit dix ans plus tard.
Ceci peut s’expliquer parce que leur culture, leur société sont, depuis des millénaires, organisées sur des bases confucéennes : discipline, respect de la hiérarchie, de l’administration basée sur la compétence, recherche du résultat etc….
On ne peut pas voir le PCC avec nos yeux d’occidentaux…
Le pouvoir politique appartient au parti communiste qui regroupent 80 millions de chinois. Ce parti n’est pas le seul, mais il est dominant et toute personne qui a réussi est appelée à en faire partie, ce qui régénère en permanence ce parti et l’ancre dans la réussite du développement du pays. C’est le parti qui dirige le pays et les structures décentralisées. Dans le parti plusieurs « courants » et « tendances » se livrent des batailles internes.
Historiquement, la politique a toujours été réservée à un pouvoir central fort (hier les empereurs, aujourd’hui le PCC) relayé par une administration de qualité mais soumise (hier les mandarins, aujourd’hui les comités locaux). La population n’a jamais fait de politique au sens où nous l’entendons en occident, le PCC avec le maoïsme a réussi à faire prendre aux paysans conscience de leur état de misère et les soulever en les encadrant dans une structure forte et disciplinée présentant beaucoup de similitude avec l’ancienne.
Dans les villes les comités de quartier ne sont pas « politisés » (dixit les guides) mais ils encadrent fortement les populations, Ce qui nous fait penser que le PCC ne doit pas être loin. Ces comités contrôlent par exemple les déplacements des personnes, le degré de réussite, l’utilisation des compétences et des savoirs faire pour trouver un travail, ou pour être renvoyer dans sa ville de résidence…, la vie de famille (divorce, séparation, enfant supplémentaire…) en proposant à chaque problème ou situation une solution ou une recommandation. Le chinois n’est jamais seul face à une difficulté, il est encadré.
La population n’a pas le choix, si elle veut vivre, elle doit travailler dans le cadre de la politique définie par le pouvoir en place hier les empereurs, aujourd’hui le PCC. Depuis Den Xiaoping le pouvoir a choisi la libéralisation, sous conditions, du marché. De ce fait la population se met à travailler pour gagner plus et vivre mieux …celui qui ne suit pas la règle est simplement exclu ;
Le peuple reste donc à l’écart du débat politique. Sa préoccupation « essentielle » est de gagner de l’argent, de faire des affaires et de veiller à l’éducation de son enfant « unique ». La volonté des chinois de classe moyenne est de mettre leur enfant en situation de mieux vivre et de réussir économiquement sa vie : rien n’est trop beau pour assurer la réussite scolaire de l’enfant unique.
3 – Une politique ambitieuse d’infrastructures
Déjà très développée depuis des dizaines d’années continue et même s’amplifie.
Mais cette perception doit être relativisée, de tous temps, les visiteurs étrangers ont été impressionnés par la taille du pays et des infrastructures (taille de l’empire, la grande muraille, voies terrestres, voies maritimes) ; Mais il faut avoir en tête que c’est un très grand pays à tout point de vue ; ce n’est pas parce qu’ils ont traversé une longue période de décadence jusque vers 1980, qu’ils avaient perdu leur base confucéenne. Les chinois, avec leur souci du détail et de la qualité démontrent leurs capacités et leur niveau d’assimilation du monde moderne.
Ils ont clairement raté la révolution industrielle du 19ème siècle, ils ne rateront pas la révolution du numérique. D’autant plus qu’ayant raté la précédente, ils partent d’une situation vierge et ils ne sont pas encombrés par les conséquences sociales, économiques et technologiques, comme le sont les pays occidentaux. Il faut bien intégrer qu’ils ont bénéficié d’un transfert de technologie sans précédent des pays occidentaux qui ont accepté ce prix à payer en contrepartie d’un accès limité au marché chinois.
Les aéroports sont devenus gigantesques, les TGV sont omniprésents, les gares à nouveau agrandies, les autoroutes sont partout et des échangeurs démentiels, à quatre, cinq ou six étages défigurent les villes et les campagnes. Des ports sont construits en eau profonde pour accueillir les navires modernes de très forts tonnages.
Comme la terre appartient à l’Etat les tracés des voies TGV et des autoroutes, par souci d’efficacité et de vitesse, sont le plus rectilignes possibles. Malgré la nécessité de traverser des montagnes ou de grands fleuves l’Etat n’hésite pas à construire des tunnels ou des ponts gigantesques
Les entreprises de Travaux publics bénéficient de marchés extraordinaires et disposent de tous les moyens techniques modernes et d’une main d’œuvre quasi illimitée leur permettant de construire : ponts, tunnels, routes ou voies suspendues de très grandes longueurs.
Dans le domaine de l’énergie on peut citer le barrage exceptionnel des 3 gorges sur le Yangtsé :
C’est un barrage « poids », long de 2 309 mètres et haut de 185 mètres. Le niveau maximum d’eau du réservoir est de 175. Sa construction a nécessité vingt-sept millions de m3 de béton. Sa construction a duré treize ans et sa première mise en service partielle a eu lieu en 2006, il est achevé en 2009.
Le barrage est constitué de plusieurs parties avec d’ouest en est :
- Un tronçon usine hydro-électriqueavec quatorze turbogénérateurs d’une puissance unitaire de 700 MW ;
- Un tronçon déversoir ;
- Une deuxième usine hydro-électrique avec douze turbogénérateurs d’une puissance unitaire de 700 MW ;
- La partie dédiée à la navigation avec son ascenseur à bateau et sa cascade d’écluses ;
- Une troisième usine hydro-électrique composée de six turbogénérateurs d’une puissance unitaire de 700 MW et de deux groupes de 50 MW chacun.
Lors de sa mise en service, le barrage était censé fournir 10% du besoin en électricité du pays. En 2014, la centrale a produit selon les autorités du barrage, 98,8 TWh nouveau record mondial de production d’hydroélectricité, détenu jusque-là par la centrale brésilienne d’Itaipu avec 98,6 TWh en 2013. Par comparaison, la production hydroélectrique française annuelle issue d’un parc composé de plus de 400 barrages varie entre 60 et 70 TWh ; la France est pourtant dotée du 2e parc européen derrière la Norvège (130 TWh annuel).
Le barrage peut être franchi par un ascenseur à bateaux et un système d’écluses. Grâce à ceux-ci, la navigation sur le Yangtsé est possible de six à neuf mois par an. Le trafic fluvial annuel est passé de 10 à 100 millions de tonnes avec des coûts de navigation abaissés de 30 à 37 % et une sécurité de la navigation améliorée grâce à un débit régulier sur les 650 km de voie navigable.
En trente ans le paysage des Gorges du Yangtsé a été entièrement modifié : les petits villages de pêcheurs dispersés le long des berges ont disparu. Ils étaient situés en hauteur pour faire face aux crues fréquentes et étaient accessibles par de longues rampes d’escaliers spectaculaires. Ces escaliers permettaient aux villageois de concentrer leurs activités sur le fleuve avec la pêche et le transport des personnes et des cultures réalisées sur les terrains qui bordaient le fleuve. Ces liaisons avec le fleuve ont disparu englouties par une montée des eaux de 170m due à la construction du barrage.
De ce fait de nombreux nouveaux villages ou agglomérations ont été construits avec des groupes d’immeubles, remplaçant les petites maisons paysannes, la vie des habitants, grâce aux routes se tournent vers un travail dans les villes avoisinantes et le barrage.
Bien qu’ayant complétement modifié l’économie, la géographie, l’habitat et la vie de toute une région (un « déplacement » de plus d’un million de personnes a de l’être réalisé), les chinois sont très fiers de montrer cette gigantesque réalisation » unique au monde ».
4 – Le gigantisme des villes, des agglomérations et des constructions
La croissance des villes est exponentielle et des promoteurs nationaux ou locaux qui font des ensembles de dizaines d’immeubles de plusieurs dizaines d’étages (désormais la hauteur serait limitée à 30 étages…), serrés les uns contre les autres pour loger les nouveaux habitants. Avec ces nouvelles constructions les logements sont plus grands et une famille de classe moyenne de 3 personnes peut vivre dans un appartement de 100 à 120m2. Mais la surface de la terrasse, privative n’est pas incluse mais celle des parties communes le sont. Ce qui signifie des surfaces privatives de l’ordre de 80 à 100m2. Ils auront alors assez de place pour faire venir les parents pour qu’ils puissent garder l’enfant unique …
Mais à côté de ces immenses villes satellites ou dans la périphérie des grands centres sont construits des immeubles de prestige, des tours, avec des architectures audacieuses et originales, réalisées par des architectes venant du monde entier. Ce ne sont pas seulement les centres de Pékin ou de Shangaï (comme nous le montre les médias) mais toutes les centres des villes ayant plusieurs millions d’habitants. Les 3 plus importantes Chongqing (82 000km2), Shangaï (6 400km2), Pékin (16 000km2) ayant chacun 30 à 20 millions d’habitants et donc des densités de population très différentes.
Les problèmes de transports sont énormes, les distances parcourues par les habitants énormes d’où des réseaux de métro très dense, des bus et des voitures avec des gigantesques embouteillages,
Paris serait une petite ville « chinoise » : elle se classerait au 40 ème rang avec 2, 2 millions d’habitants, au 30 ème rang avec les 7 millions du Grand Paris et au 15 ème rang avec les 12 millions de la Région Ile de France sur 17 000 km2.).
5 – L’omniprésence de la digitalisation
Elle est partout avec les téléphones mobiles, les chinois sont en permanence la tête penchée sur leur appareil. Le téléphone sert à tout : téléphoner, écouter de la musique, jouer mais aussi dans les villes à payer, à commander (le 11 novembre 2017, 11 milliards de Yuans (1,4 milliards €) de transactions sur le site Alibaba, sur internet), à louer et utiliser un vélo… : la carte de crédit est en train de disparaitre comme d’ailleurs l’utilisation des espèces.
Si Google, Gmail, Facebook ne sont pas accessibles en RPC (ils le sont à Hong-Kong et à Macao) c’est pour deux raisons : PCC ne veut pas d’un accès libre à l’information et les chinois développent des systèmes similaires et très puissants.
6 – Une sécurité exceptionnelle
La Chine par crainte des attentats en particulier ceux pouvant venir des tibétains ou des musulmans de Chine ou de l’extérieur a une politique de sécurité très développée.
Bien sûr le contrôle aux frontières et dans les aéroports avec des fouilles des bagages y compris ceux en soute (pas de briquet ou de piles au lithium, même si elles sont dans des appareils photos ou tablettes. Les bagages sont systématiquement ouverts et contrôlés.
Le contrôle est fermement appliqué dans tous les établissements publics, dans les gares où il y a près d’un million de voyageurs chaque jour, sur les sites touristiques… avec des tunnels de détection pour les valises et les sacs, des portiques de sécurité, et une fouille complémentaire par un personnel spécialisé. Même à l’intérieur des trains des gardes de sécurité circulent avec des détecteurs (probablement d’explosifs…). Le personnel dédié aux contrôles de sécurité constitue une véritable armée agissant avec beaucoup de zèle.
Partout des caméras dans les rues, sur les routes, dans les magasins, tout est relié à un central de la police, et en fait peu de police dans les rues sauf pour faire la circulation.
7 – La pollution : un combat
Vue à travers les médias français le pays est pollué, mais en 3 semaines de séjour, en novembre, peu de signes de pollution. Certes à Pékin la circulation est alternée, et Donald Trump étant venu 3 jours plus tôt beaucoup d’usines avaient été arrêtées. Conscient de ce grave problème le gouvernement a un grand programme de lutte contre la pollution avec, par exemple, des fermetures d’usines vétustes et polluantes, l’interdiction du chauffage avant le 15 novembre et après le 15 mars quelle que soit la température extérieure, la dissuasion d’achat de voitures dans certaines villes (par exemple Shangaï) par la mise en place de taxes importantes (coût de l’immatriculation qui double pratiquement le prix de la voiture), les facilités faites pour l’achat et/ou l’utilisation de vélos et scooters électriques, ce qui assainit les villes… mais reporte la pollution vers les lieux de production d’électricité…
Dans les rues les gens portent souvent un masque non seulement contre la pollution mais aussi pour des raisons d’hygiène (ne pas contaminer les autres en raison de grippes, de rhumes ou autres…). Ainsi dans les aéroports des systèmes de détection automatique de températures des passagers entrant sur le territoire chinois. Si un état de fièvre est détecté, la personne ne peut pas entrer en Chine…
8 – L’industrie automobile : un immense marché
Le plus grand marché automobile du monde ayant une croissance annuelle qui varie entre 7 et 14% par an. Le premier constructeur en Chine est Volkswagen et aucun français dans les 10 premiers, Peugeot a de l’ordre de 2% du marché, Renault aussi, mais l’Alliance de Renault avec Nissan se positionne dans les tout premiers constructeurs avec plus de 6% de part de marché.
- Volkswagen (Allemand) 3 millions de véhicules, 13,7 % de part de marché
2.Honda (Japonais) 1,2 million, 5,4 %
3. Hyundai (Coréen) 1,2 million, 5,4 %
4. Buick (Américain) 1,2 million, 5,4 %
5. Toyota (Japonais) 1 million, 4,8 %
6. Nissan (Japonais) 1 million, 4,63 %
7. Changan (Chinois) 976 000, 4,45 %
8. Great Wall (Chinois) 957 000, 4,36 %
9. Ford (Américain) 951 000, 4,34 %
10. Baojun (Chinois) 755 000, 3,44 %
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