Dassault,
le mythe français

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Aurélien Hablot (*)
ILERI, relations internationales

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Marcel Bloch, né en 1892, prend officiellement le nom de Marcel Dassault par un décret du 15 février 1949. Il est le créateur du groupe éponyme, groupe qui fait rayonner l’aéronautique française partout dans le monde. L’auteur, qui ne cache pas ses sympathies aéronautiques, raconte l’histoire de cette entreprise en trois temps forts : l’essor de l’aviation, le nucléaire, l’avion à tout faire.

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Lorsqu’éclate la première guerre mondiale, Marcel Bloch, avec sa formation d’ingénieur aéronautique, n’est pas envoyé au front. On le charge de coordonner les plans d’un avion. En 1916, il fonde avec des amis la société des hélices « Eclair » et équipe de nombreux avions français de l’époque, dont le Spad VII. Mais lorsque la première guerre mondiale s’achève, l’aéronautique militaire perd en im;
portance. Marcel Bloch devait fournir mille avions à l’Etat Français, seule une centaine d’appareils est livrée et le contrat est résilié.

Il se lance alors dans l’immobilier. Mais, en 1934, il comprend que l’aéronautique française a des lacunes importantes. Avec Henry Potez, il rachète une société bordelaise qui deviendra la société aéronautique sud-ouest où seront produits les bombardiers MB-200. Il rachète d’autres entreprises afin de contrôler l’ensemble des étapes de production pour ses avions. En 1937, le gouvernement de front populaire décide de nationaliser la société, mais Marcel Bloch en reste l’administrateur délégué, c’est-à-dire le vrai patron.

Lorsqu’en septembre 1939 la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne, l’effort de guerre pour l’aéronautique devient prioritaire, et l’État commande des avions en grande quantité. Il est cependant trop tard pour contrer la puissance allemande.

Marcel Bloch refuse de travailler pour le IIIème Reich. Il est déporté à Buchenwald. De santé fragile, il réussit à l’aide de certains codétenus à survivre dans cet enfer concentrationnaire.

L’essor

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Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie aéronautique française est réduite, voir complètement dépassée par quatre années d’occupation. Mais Dassault va réussir à s’imposer comme la seule entreprise capable de fournir aux armées françaises les avions de combat dont elle a besoin. Ces avions permettent à la France d’avoir un tissu industriel performant qui aujourd’hui encore fait de nous un pays référence en termes d’avions de chasse. De l’Ouragan en 1949 au Rafale d’aujourd’hui, l’innovation c’est la force de Dassault qui fait entrer la firme dans la légende. Plus qu’une histoire, c’est un mythe français !

Entre 1945 et 1960, les différents conflits internationaux et la guerre froide vont modifier le rôle des avions de chasse. L’avion de combat devient un outil de politique étrangère. C’est en 1967 que l’entreprise va connaître ses premiers succès au combat, lorsque les avions israéliens, Mirages III, Mystère IV, Super Mystère et Vautour vont en quelques heures détruire l’ensemble de l’aviation arabe coalisée. Dassault entre alors dans le patrimoine mondial de l’aéronautique. En 1981, Marcel cède 26% des actions qu’il détient dans le capital des AMDBA à l’État français. Désormais, l’État sera l’intermédiaire obligé dans les exportations à l’étranger.

La dissuasion nucléaire française 

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Le général Pierre Gallois, grand stratège, est l’initiateur de la dissuasion nucléaire française.  « Lorsqu’en août 1945 éclate la première bombe d’Hiroshima, cela a été un véritable choc et la question s’est posée : quelle est la signification de cette arme nouvelle ? », a-t-il écrit. « Deux bombes, celle d’Hiroshima et celle de Nagasaki, avaient suffi avec un avion et un équipage de 10 hommes à mettre totalement, brutalement, un arrêt à un conflit d’extermination qui avait duré 5 ans, et au cours duquel les hommes s’étaient affrontés par dizaines de millions, avait utilisé des canons par centaines de milliers, des chars par centaines de milliers, des avions par dizaines de milliers, des bateaux de guerre par milliers. Et là, une dizaine d’hommes mettaient fin à un conflit semblable…

La leçon était simple à tirer. Je me disais que jamais plus la France avec une industrie d’armement modeste ne serait en mesure de jouer un rôle. En revanche, si d’aventure elle était prise à la gorge dans une situation désespérée et si elle disposait d’une dizaine de bombes avec une dizaine de bombardiers, elle représenterait un pouvoir d’anéantissement colossal puisqu’elle serait capable d’affliger dix Hiroshima à toutes puissances qui menaceraient ses intérêts vitaux. ».

C’est pour cela, qu’en 1957, le programme Mirage IV est lancé. En 7 ans il est achevé, permettant au général de Gaulle, revenu entretemps au pouvoir, de mettre en œuvre en 1964 les Forces Aériennes Stratégiques (les FAS). De Gaulle disait « Il est évident que pour un pays, il n’y a pas d’indépendance imaginable s’il ne dispose pas d’un armement nucléaire, parce que, s’il ne dispose pas d’un armement nucléaire, il est forcé de s’en remettre à un autre qui en a. Il en va de sa sécurité et, par conséquent de sa politique ».

A terme ce sont près de 62 Mirage IVA livrés à l’armée de l’air française par Dassault. Le Mirage 2000N remplace le Mirage IVA en 1988, lui-même remplacé par le Rafale, qui est aujourd’hui le vecteur de la composante nucléaire aéroportée, indissociable du savoir-faire de Dassault. L’entreprise est donc inévitablement une source d’indépendance nationale pour la France.

Le Rafale, réussite à l’exportation 

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Le projet du Rafale est né durant la Guerre Froide. À l’époque la France disposait d’un avion spécifique à chaque mission : le Mirage IV, Bombardier stratégique puis avion de reconnaissance ; le Mirage F1, intercepteur et mission de pénétration à basse altitude, le Mirage 2000 pour la supériorité aérienne, le Jaguar pour l’attaque au sol.

L’objectif de Dassault était donc de concevoir un avion dit “omni-rôle” c’est-à-dire capable de remplir l’intégralité des missions effectuées à l’époque par 7 types d’avions : défense et supériorité aérienne, Reconnaissance, appui-feu rapproché, frappes air-sol de précision, lutte antinavires, mission nucléaire, ravitaillement en vol de chasseur à chasseur.

Le Rafale : « un bel avion est un avion qui vole bien », disait Marcel Dassault. Photo Alain Courtil/Armée de l’Air et de l’Espace.

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En France, cet avion séduit rapidement les militaires français, ainsi que les militaires étrangers s’entraînant avec les pilotes français. Tous admettent que le Rafale est l’un, si ce n’est LE meilleur avion de chasse du monde. C’est un avion dit “combat-proven” c’est-à-dire qui a fait ses preuves au combat réel. Il a reçu son baptême du feu en Afghanistan (2007), s’est illustré en Libye en 2011, au Mali en 2013, ainsi qu’en Irak et en Syrie.

Cependant, ses débuts sur le marché des exportations sont timides, avec des déceptions et des échecs (notamment en Corée du Sud, au Canada, aux Pays-Bas, à Singapour, au Maroc, au Brésil…). Pourtant la réussite à l’exportation est indispensable pour rentabiliser les quelques 47 milliards d’euros investis sur le programme, ainsi que les modernisations indispensables pour rester à la pointe de la technologie et de l’innovation. Mais en 2015, l’Égypte et le Qatar ouvrent le bal avec une commande de 24 appareils chacun, puis l’Inde avec 36 appareils en 2016, le Qatar de nouveau en 2017 avec 12 appareils supplémentaires, et en 2021 l’Égypte repasse commande de 30 appareils supplémentaires. La Croatie en commande 12, la Grèce 18, les Émirats 80 et enfin l’Indonésie 42. Il aura fallu 30 ans au Rafale pour s’imposer, mais aujourd’hui il est incontestablement entré dans la légende.

(*) Aurélien Hablot, est étudiant en Relations Internationales et en Sciences Politiques à l’ILERI (l’école des relations Internationales). Il a rejoint l’association « ILERI Défense » dans laquelle il occupe désormais le poste de vice-président et de responsable des écrits pour l’année 2022-2023. Passionné d’Histoire et  de géopolitique, il collabore à ESPRITSURCOUF

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