GUERRE ÉCONOMIQUE SINO-AMÉRICAINE,
MISE À NIVEAU CHINOISE

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Bastien Martel (*)
Universitaire

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Il y a un an, le 17 octobre 2020, la République Populaire de Chine adoptait l’Export Control Law (Loi sur le Contrôle des Exportations « ECL »). Cette loi bouleversait alors le paysage réglementaire chinois, jusqu’alors dispersé entre ministères, comités et autres organes compétents. Cela signifiait que la Chine se mettait en ordre de bataille pour affronter à armes (presque) égales l’Economie américaine.

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’Export Control Law eut pour effet principal de mettre en évidence l’effort chinois de réorganisation de son périmètre juridique d’encadrement des exportations. Derrière cette préoccupation se cache une volonté de lutter contre les influences étrangères en Chine. Cette lutte marque un fort contraste avec la volonté gouvernementale de continuer à attirer les capitaux étrangers. 

Depuis 2016, les relations entre la Chine et les États-Unis se sont dégradées. La politique étrangère de la première puissance mondiale, dirigée à l’époque par Donald Trump, s’opposait à celle de la puissance montante chinoise menée par Xi Jinping. Les escarmouches successives d’une guerre économique de plus en plus importante culminèrent pour la première fois en 2018 autour de la remise en question de la place du géant chinois Huawei dans la technologie de la 5G. L’arrestation au Canada de Meng Wanzhou, héritière du groupe chinois d’électronique, marquait le début d’une crise diplomatique entre les trois pays impliqués, aujourd’hui en voie de résolution.

La lutte commerciale entre les deux puissances se révèle aussi dans leurs politiques douanières l’une vis-à-vis de l’autre, que ce soit sur les panneaux solaires ou le sorgho, un marché à plusieurs milliards de dollars par ans pour les USA. Un bras-de-fer a débuté entre les deux États et les politiques chinoises de contrôle des exportations ne peuvent être sorties de ce contexte.

Nous ne pouvons cependant pas continuer cette analyse sans définir ce qu’est le contrôle des exportations.

Export control, c’est quoi ?

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Le contrôle des exportations, tout en facilitant les transactions légitimes, vise à surveiller toutes les exportations de biens, tangibles comme intangibles, qui peuvent être détournés d’un usage civil pacifique. Le contrôle des exportations s’applique aussi sur toutes les exportations vers des entités soumises à des régimes de sanctions, ainsi qu’aux exportations de matériels de guerre.

Ces régimes de contrôle des exportations sont dans la plupart des cas spécifiques à chaque État qui choisit de s’en doter. Il existe cependant quatre régimes multilatéraux de contrôle des exportations, qui n’engagent que les pays signataires. Ceux-ci portent principalement sur les exportations de Biens à Double Usage (BDU).

Néanmoins, certains régimes nationaux prévalent, en particulier les régimes américains de contrôle et de sanctions, que les Etats-Unis, par leur puissance, parviennent à imposer à une partie du monde. Ces outils peuvent évidemment devenir des armes dans une guerre économique.

Depuis 1980, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine a été multiplié par près de 40, soit un taux de croissance moyen de 11 % par an.
Photo CIIC (China Information Internet Center)

Un cadre législatif et réglementaire plus clair.

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Dans le contexte de la guerre économique qui fait rage entre USA et PRC, la Chine cherche à défendre ses intérêts. C’est ainsi qu’elle mène un effort économique qui s’insère dans sa stratégie de double-circulation. Pour renforcer l’économie chinoise, les autorités s’appuient sur la circulation internationale et la circulation interne des capitaux. Le projet dit des « Nouvelles Routes de la Soie » (Belt & Road Initiative), lancé en 2013, incarne ce développement du volet international, accompagné par l’ouverture aux capitaux étrangers et l’internationalisation du Renminbi (« monnaie du peuple, nom officiel de la monnaie chinoise).

Le volet national, lui, se construit autour de la consommation nationale qui doit croître, ainsi que sur les avancées du marché des Hautes-Technologies. L’effort économique derrière cette stratégie a pour objectif de clarifier le système législatif et réglementaire chinois afin de faciliter les échanges commerciaux et d’attirer les capitaux étrangers pour renforcer les positions et atouts chinois face au rival américain.

Si cet effort transparaît principalement à travers l’ECL, la clarification du cadre législatif commence dès 2019. Ainsi le 1er janvier 2020 la loi sur les investissements étrangers (Foreign Investment Law « FIL ») prenait effet. Elle regroupe les trois lois qui auparavant régissaient le contrôle sur les investissements étrangers en Chine. Cette loi a pour objectif d’encourager la libéralisation de l’économie chinoise et son ouverture aux capitaux étrangers en simplifiant leur circulation, elle s’appuie sur un catalogue des industries dans lesquelles les investissements étrangers sont encouragés. Cependant, de la même façon que les investissements sont encouragés dans certains secteurs, ils sont prohibés dans d’autres. Le Parti-État chinois reste dans un effort global de défense des intérêts chinois et d’appui à une politique régionale d’influence.

L’organigramme du Contrôle des Exportations en Chine.

La continuité de cet effort passe par l’Export Control Law. Elle aussi simplifie le paysage législatif et réglementaire. Avant sa publication le contrôle des exportations était réparti entre de multiples lois, juridiction et entités différentes. Avec l’ECL la Chine simplifie d’une part son cadre afin qu’il soit plus clair pour les acteurs étrangers, mais la Chine se dote surtout des mêmes outils que son rival américain. La loi sur le contrôle des exportations instaure et réorganise les mécanismes de contrôle comme les listes, catalogues ou index tout en instaurant un nouveau système de licence chapeauté par les SECADs (State Export Control Administrative Departments).

Cet effort se construit également sur une clarification des rôles des différents organes du Parti-État ainsi que sur l’établissement d’une politique coercitive pour faire appliquer ces lois. Enfin, derrière l’effort économique se cache un effort égal d’influence et de lutte contre les ingérences, qui sera détaillé dans un prochain article.


Source et légende bandeau : Shanghaï. Photo Pixabay


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(*) Bastien Martel est titulaire d’une Licence Maîtrise d’Histoire obtenue à l’Université d’Angers. Il  poursuit son cursus au sein du Master Conflictualité & Médiation à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers. Il travaille sur la montée des tensions entre Grèce et Turquie en Méditerranée orientale, en particulier à travers les histoires partagées des deux États. Il s’intéresse également à l’économie du secteur industriel militaire et à la géoéconomie, ce qui le porte à étudier ainsi divers autres pays, à l’instar de la Chine.


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