Marché immobilier :
l’impact de la guerre
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Alexandre Mirlicourtois (*)
Directeur de la conjoncture et de la prévision – Xerfi
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Ce n’est sans doute pas notre préoccupation première, mais la guerre en Ukraine aura des conséquences sur le marché immobilier. C’en est fini de l’euphorie connue dans ce domaine ces dernières années. C’est inévitable, et l’auteur en démontre ici la certitude.
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Une des conséquences de la guerre en Ukraine sera une concentration encore plus forte de la richesse immobilière. En cause principalement les conséquences du choc de l’inflation. A 4,8%, la hausse des prix à la consommation est à un pic depuis le milieu des années 80. Une inflation alimentée principalement par la flambée des prix de l’énergie et à un degré moindre par la progression des prix de l’alimentaire, deux postes qui pèsent lourd dans le budget des ménages les moins aisés.
Ces hausses de prix viennent mécaniquement mordre sur le revenu et mettent sous-pression le pouvoir d’achat, qui devrait légèrement reculer cette année. Bref, une fois déduites les dépenses obligatoires, ce qui reste, que l’on appelle le reste à vivre, se rabougrit. Les banques pour prêter seront plus attentives ces prochains mois à certaines dépenses courantes dont la facture risque de s’envoler.
Cette plus grande sélectivité exclut de facto du marché les profils les plus modestes. Il faut certes évoquer les 175 milliards d’euros de surplus d’épargne héritée de la période Covid qui s’est principalement constituée pendant les confinements. Mais ce surplus d’épargne est très inégalement réparti, et se concentre sur les hauts revenus qui se retrouvent avec des moyens renforcés pour investir. Autre avatar du choc inflationniste et des craintes sur l’activité économique lié au conflit ukrainien, les taux d’intérêt à long terme remontent. Le taux à 10 ans des obligations de l’Etat français, qui sert de référence pour fixer les taux des crédits immobiliers, se tend et s’éloigne après avoir été négatif pendant deux ans. Certes, le mouvement est encore embryonnaire concernant les taux immobiliers. Mais ce n’est qu’une question de temps. La remontée est d’ores et déjà programmée et réduira la capacité d’accès au crédit des moins favorisés.
Une partie de la clientèle va donc temporairement disparaître du marché, alors que l’autre, la plus aisée, restera active, conséquence de la confrontation d’une tendance lourde et d’une inquiétude. Tendance lourde : les doutes sur l’avenir des retraites. Inquiétude : celle de l’évolution du marché des actions.
Selon une enquête réalisée par la Caisse des Dépôts sur les « attentes et la perception de la retraite » réalisée au printemps 2020, 78 % des répondants sont inquiets voire très inquiets sur l’avenir du système de retraite, 40% s’attendant à ne pas avoir de pension au moment de leur départ et 25% à ce que le système de retraite n’existe plus.
Se pose donc naturellement, la question du niveau de vie une fois la vie active terminée ? Sur quel type de placements se positionner ? Or, s’il n’y a pas de rendement sans risque, c’est encore plus vrai en Bourse, notamment dans le contexte actuel marqué par une forte volatilité des cours, avec coup sur coup, en 2020, les conséquences de la crise de la Covid-19 et aujourd’hui celle du conflit ukrainien. Sans oublier que sur long terme, le CAC 40 a mis plus de 20 ans pour dépasser son pic historique d’août 2000.
Sur le marché de l’immobilier, les ventes dans l’ancien se maintiennent à des niveaux exceptionnels, bien au-delà du million de transactions. Et même si un recul des mutations cette année est une quasi-certitude, les prix toujours en progression, résisteront, la pierre entretenant cette image de valeur refuge, en dépit de rendements locatifs ridicules.
C’est l’espérance de plus-value à la sortie qui fait le marché. En se resserrant autours des ménages les plus fortunés, le marché immobilier va consolider la tendance de fond à la concentration : les Français multipropriétaires, qui représentent à peine le quart de ménages vivant en France, possèdent déjà plus des 2/3 du parc de logements détenus par les particuliers. Et si l’on restreint l’analyse aux seuls propriétaires de 3 logements ou plus (soit seulement 11% des ménages) c’est près de la moitié du parc dont ils disposent, un peu plus de 4 fois leur part dans la population.
C’est de la concentration à haute dose et tout laisse à croire que le mouvement va se renforcer tant la prime aux propriétaires déjà en place est gigantesque, dopant l’investissement dans la pierre dans une logique d’accumulation patrimoniale, alors que la primo-accession sera, elle, de plus en plus difficile.
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Site d’origine (publication et diffusion) : XERFI Canal
Sujet : Immobilier : l’impact de la crise géopolitique
Animateur : Alexandre Mirlicourtois, Date de l’émission : jeudi 5 mai 2022 .
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(*) Alexandre Mirlicourtois Directeur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi depuis 2006,en charge de direction économique et quantitative des études sectorielles et Responsable des scénarios macro-économiques. Il est également responsable de la lettre de conjoncture Xerfi-Previsis. En charge des travaux de prévisions économiques de Xerfi, il est spécialiste de l’immobilier, de la construction et des matières premières. |
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