NOUVEAU EN AFRIQUE :
LE CHARBON VERT

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Meriem Houzir, Consultante (*)
Inès Lézin
, Etudiante (*)


En Afrique, la forte demande en énergie entraîne une pression sans cesse croissante sur les forêts et les zones de mangroves. Il est désormais vital de trouver d’autres sources d’énergie. Une nouvelle filière, dite du « charbon vert », est en  train de se développer. Si elle s’impose, ce serait une révolution pour l’Afrique, le mot n’est pas trop fort. Car elle amènerait un progrès colossal dans les domaines économique, social, sanitaire et écologique.
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Garantir pour tous l’accès à des services énergétiques fiables, durables, modernes et à un coût abordable, est un objectif des politiques de développement durable.

En Afrique, pour les ménages, l’accès à l’énergie pour la cuisson, le chauffage et les besoins en électricité est de plus en plus difficile. L’Afrique subsaharienne fait face à une fracture énergétique marquée : plus de 65 % de la population n’a pas accès à l’électricité, et plus de 80%  utilise pour cuisiner des combustibles traditionnels (bois, charbon de bois).

Pénurie d’énergie


Certaines régions sont confrontées à la raréfaction du couvert forestier et à la désertification. En milieu rural, la collecte du bois de feu est une tâche ardue, souvent dévolue aux femmes et aux jeunes filles. La multiplication des interdictions d’exploitation du bois dans certaines zones (au Mali, au Cameroun et au Bénin) oblige les personnes chargées de la collecte à trouver de nouvelles sources d’approvisionnement de plus en plus éloignées de leurs lieux de vie. De plus, la fabrication du charbon de bois est très réglementée, voire totalement interdite dans certaines régions ou pays (Rwanda, Tchad, Nigéria).

Photo Pixabay

En milieu urbain, les prix du bois de feu et du charbon de bois ont fortement augmenté au cours des dernières décennies en raison de la rareté de la ressource, de l’augmentation de la demande et de l’éloignement des zones de production des lieux de consommation, notamment au Mali par exemple. Selon le site Mali.actu.info du 1er juillet 2020, le prix est subitement passé de 3.500 francs cfa à 6.000 Fcfa. «C’est la première fois que le sachet de charbon de bois, qu’on achetait 50 francs, est maintenant vendu à 100 francs», déplore Oumou Yattara, une vendeuse ambulante de Gao.

Certes, des efforts sont faits pour favoriser l’usage de foyers économes en énergie, qui permettent de réduire de 30 à 60 % la consommation du bois de feu ou du charbon de bois. Toutefois, si ces foyers ne sont pas subventionnés ou bien fabriqués par les populations elles-mêmes, leur coût est assez élevé pour les ménages modestes. Quoi qu’il en soit, la demande pour le bois-énergie reste très forte. Certains pays subventionnent le gaz, ce type d’énergie, n’est cependant pas accessible à tous. Et certaines préparations culinaires (grillades, tajines…) nécessitent l’emploi du charbon de bois.

Il est donc nécessaire de gérer au mieux la ressource en Afrique, de trouver de nouveaux types de biocombustibles et des sources d’énergies alternatives.

Le charbon vert : énergie alternative


Alors qu’en 2013, les énergies vertes (éolien, solaire, hydroélectricité, biomasse, etc.) couvraient 5% des besoins énergétiques du continent, elles pourraient atteindre 22% d’ici 2030, assure l’Irena dans son rapport « Africa 2030», qui se veut une «feuille de route» pour la transition énergétique en Afrique. Les énergies vertes peuvent ainsi devenir un réel moteur de développement économique.

Le charbon vert est une alternative au bois de feu et au charbon de bois. Il peut être produit localement, avec des matériels simples, dans des lieux qui ne sont pas raccordés à des réseaux de distribution d’électricité, avec toutes sortes de déchets organiques. Il est fabriqué avec des déchets végétaux ou des résidus agricoles tels que paille de riz, coques d’arachides, tiges de mil, coques d’anacarde, coques de graines de coton, peaux de bananes, rafles de maïs, etc.

Ce produit est méconnu par la majorité de la population. Cependant, pour être adopté par les ménagères et autres restaurateurs, le charbon vert doit être de très bonne qualité. Les producteurs de charbon vert identifiés par « Initiatives Climat » mettent en avant la difficulté de le produire. En effet, il n’existe pas encore de « recette magique » permettant à tous les producteurs d’avoir le même charbon vert. Les principaux producteurs sont encore en phase d’expérimentation, que ce soit sur le taux d’humidité, la densité, le pouvoir calorifique, la température pendant la carbonisation, etc …

Confection de galettess de charbon vert ; Photo « initiatives climat ».

Nombreux sont les jeunes entrepreneurs, les associations les coopératives qui, séduits par la perspective de procurer à la société une alternative en termes d’énergie, se sont lancés dans la fabrication de ce combustible végétal. Toutefois, la majorité de ces nouveaux producteurs ont échoué dans leurs projets par manque de connaissances techniques et d’esprit d’entreprise.

La filière « charbon vert » est très porteuse en termes de valorisation des déchets organiques, de production d’énergie renouvelable ou bien encore de création d’emplois. En revanche, elle est peu structurée et ne peut, de ce fait, appuyer les organisations de la société civile et autres jeunes entrepreneurs verts pour créer des unités de production et en garantir la pérennité.

Le Cluster Charbon Vert


Fort de ce constat, l’association « Initiatives Climat » conduit depuis 2017 un ensemble d’activités en lien avec le charbon vert. Elle a créé le « Cluster Africain Charbon Vert », qui rassemble un réseau de producteurs expérimentés d’une dizaine de pays d’Afrique francophone. Les membres du Cluster sont en mesure de conseiller, d’apporter un appui technique et une aide pour la gestion, à tout acteur désireux de se lancer dans la fabrication du charbon vert. A ce jour, 16 producteurs majeurs de charbon vert ont été identifiés à travers onze pays africains francophones.

Une formation collaborative a été organisée à Agadir (Maroc) en 2019 ; elle a réuni une vingtaine de participants de douze pays. La formation a été une occasion de faire connaissance et d’échanger autour des expériences de chacun. Elle visait aussi à renforcer les capacités des producteurs de charbon vert, actuels et futurs, et à tester des prototypes de matériels et d’équipements : carbonisateurs et presse de compactage notamment. Ces derniers ont été conçus dans le cadre de deux ateliers de Recherche & Développement : le premier a eu lieu au Burkina Faso et le second au Maroc.

Avec du matériel
fabriqué localement.
Photo « initiatives climat ».

Ces ateliers ont eu pour objectif de créer un réseau de producteurs autonomes dont le but est de partager les savoir-faire et expertises, et de concevoir des prototypes, par les Africains et pour les Africains, prototypes peu coûteux, manuels, ou mécanisés avec des matériaux locaux. L’emploi de ceux-ci permet de réduire les coûts d’importation, de fabrication et surtout de pouvoir assurer la maintenance par des techniciens locaux. De plus, dans le cadre des activités du Cluster, un manuel technique sur le processus de production du charbon vert a été élaboré (en français et en anglais).

L’emploi de ce biocombustible, produit avec toutes sortes de résidus organiques, constitue donc une alternative sérieuse au charbon de bois. Il apporte une réponse aux demandes d’énergies des populations, leur permet de réaliser des économies, et contribue à réduire considérablement les émissions de gaz carbonique. La filière « charbon vert » est très porteuse pour le continent africain. Toutefois, elle manque encore de structuration. C’est pourquoi il est maintenant nécessaire de mettre en relation ses acteurs et de proposer des services. La production a commencé.

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(*) Meriem Houzir est fondatrice et directrice du cabinet de conseil franco-marocain AlliaDev, Ingénieur-écologue et titulaire d’un doctorat en Aménagement du territoire et développement durable, elle intervient en tant que consultante au Maroc, dans les espaces méditerranéens et francophones auprès d’Institutions publiques (aux niveaux national et local), d’ONG et d’Organisations Internationales (PNUD, PNUE, IFDD, GIZ, ESCWA…). Elle est convaincue qu’il est temps de remettre l’homme au centre des préoccupations du développement, et que l’approche territoriale ainsi que le renforcement des capacités des acteurs est un levier d’action.

(*) Inès Lézin, passionnée par les questions de géopolitique, est titulaire d’une double licence Parcours Europe allemand de l’université de Nantes et étudiante au sein du master 2 Conflictualités et Médiation de l’Université Catholique de l’Ouest d’Angers. Elle a d’abord effectué un stage au sein du sénat avant de partir en Jordanie dans le cadre de son mémoire de recherche sur la question des réfugiés syriens en Jordanie, où elle a enseigné l’anglais à des jeunes réfugiées. Toujours à la recherche de nouvelles expériences, elle travaille maintenant avec Meriem Houzir dans le cadre d’un stage au sein de l’association Initiatives Climat.

Un reportage vidéo a été réalisé autour des témoignages des membres du Cluster ; il est diffusé en ligne : http://www.initiativesclimat.org/Mediatheque/Reportages/Cluster-Africain-Charbon-Vert


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