LA DIRECTION GÉNÉRALE
DE LA SÉCURITÉINTERIEURE
(DGSI)
Capitaine de frégate (H) Joseph Le Gall *
Dans ce numéro 56 suite de l’étude sur « Le Renseignement et le Terrorisme »
Dans le n°48, nous avons présenté : la vidéo de la conférence de Pierre Molins, Procureur de la République de Paris, prononcée au lundi de l’IHEDN le 12 février 2018.
Dans le n°52 : un HUMEURS de Jean François Clair et un FOCUS sur la CNRLT
Dans le n°53 : la DRM par le général Claude Ascensi
Dans le n° 54 : La DRSD
Dans le n°55 : La DGSE
Pour télécharger le dossier sur la DGSI , cliquez sur le PDF ci-dessous.
Créée par décret du 30 avril 2014, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a succèdé à la direction centrale de renseignement intérieur (DCRI), direction spécialisée de la direction générale de la police nationale (DGPN). Désormais rattachée directement au ministre de l’intérieur, la DGSI est l’unique service français de sécurité intérieure.
* Joseph Le GALL, ancien officier de la Sûreté navale (DSM/DPSD : 1970/1997), a travaillé au profit du SDECE, au Havre, entre 1970 et 1974, dans le cadre de la surveillance des navires du pacte de Varsovie
L’histoire du service
La DGSI trouve ses origines dans deux services de renseignement intérieur : la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et la direction de la surveillance du territoire (DST).
La DCRG
Créé en 1907, les Renseignements généraux (RG), rattachés à la direction générale de la police nationale (DGPN), avaient pour principale mission de renseigner le gouvernement aux plans politique, économique et social, ainsi que sur toute activité pouvant porter atteinte à l’État.
En 2007, forte d’environ 3 900 fonctionnaires (y compris les RG de la préfecture de police de Paris), la DCRG était divisée en quatre sous-directions :
- la sous-direction de la Recherche, comprenant notamment la SNRO, Section nationale de recherches opérationnelles (environ 120 hommes), chargée de la surveillance des groupes à risque, en particulier terroristes ;
- la sous-direction de l’Analyse, de la Prospective et des Faits de société;
- la sous-direction des Ressources et Méthodes;
- la sous-direction des Courses et des Jeux.
La DST
Par une ordonnance du général de Gaulle en date du 16 novemebre 1944, relative à l’organisation du ministère de l’Intérieur, est créée la direction de la Surveillance du territoire (DST). Sa direction est confiée à Roger Wybot, qui a dirigé à Londres, à partir de décembre 1941, la section de contre-espionnage du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA).
Roger Wybot va donner à la DST ses lettres de noblesse, tout en lui assurant une indépendance totale. Il va créer une section de documentation chargé de l’exploitation du renseignement recueilli par les agents de terrain, afin d’alimenter le fichier de la DST. Dans le contexte de la Guerre froide, la DST va identifier par recoupement les diplomates et les résidents étrangers suspectés de se livrer à des activités d’espionnage sur le territoire national. Elle assure également la police des communications radio (PCR), c’est-à-dire la recherche d’émetteurs clandestins grâce à des stations d’écoute.
Roger Wybot, directeur de la DST de 1944 à 1959 (Photo DR)
Au fil des ans, la DST va s’adapter aux nouvelles menaces. Sa mission contre-espionnage concerne la défense, la prévention et la lutte contre toutes les activités inspirées ou soutenues par des puissances étrangères et de nature à menacer la sécurité et la souveraineté du pays et de son patrimoine à tous les niveaux (économique, scientifique, industriel, etc.).
Sur l’ensemble du territoire, la DST est d’abord organisée en directions régionales, puis zonales subdivisées en brigades et parfois antennes, avec plus récemment des officiers de liaisons dans certains pays. Le siège historique de la DST était le 13, rue des Saussaies à Paris (8ème) , puis de 1985 à 2007 au 7, rue Nélaton dans le 15ème arrondissement.
En 2008, la DST est forte de 1800 personnes (dont 95% de fonctionnaires de police).
Parmi les succès majeurs de la DST, on peut citer l’affaire Farewell (voir encadré) et l’enlèvement au Soudan en août 1994 du terroriste international Ilich Ramírez Sánchez, dit Carlos, auteurs de nombreux attentats meurtriers en Europe entre 1974 et 1983, et de l’assassinat de deux inspecteurs de la DST, le 27 juin 1975 à Paris.
L’affaire « Farewell »
Début 1980, Vladimir Vetrov, lieutenant-colonel du KGB, est le responsable de la section Europe occidentale au siège du SR soviétique à Moscou.Alors qu’il était en poste au Canada, il a été renvoyé en URSS en raison de problèmes d’alcool. Ressentant de la rancœur à l’égard de sa hiérarchie, il décide de trahir et d’offrir ses services à la DST, le contre-espionnage français, qu’il connaît pour avoir été en poste à Paris de 1970 à 1975.
Pour entrer en relation avec la DST il va contacter à Moscou un français, directeur commercial d’une grande entreprise française, qu’il sait être en rapport avec le service français.Après s’être assurée qu’il ne s’agissait pas d’une provocation ou d’une intoxication de la part du KGB, la DST va le traiter sous le nom de code « Farewell ». Selon Marcel Chalet, directeur de la DST de 1975 à 1982, « Farewell » a fourni à la France entre 1980 et 1982, 2997 pages de documents hautement classifiés, révèlant le fonctionnement du KGB et toute l’organisation de l’espionnage soviétique en direction de l’Occident, dans les domaines industriel et scientifique. Il a également fourni une liste de 250 agents chargés du recueil du renseignement scientifique et technique à travers le monde, et une seconde de 170 agents appartenant à d’autres directions du KGB et du GRU, le renseignement militaire.
Informé par François Mitterrand, Ronald Reagan, alors président des États-Unis, dira qu’il s’agit de la plus grande affaire d’espionnage du XXe siècle.
La France va expulser 47 soviétiques : 40 ayant des fonctions diplomatiques, deux journalistes et cinq membres de divers organismes commerciaux (parmi eux figurent 8 agents du KGB dénoncés par Vetrov). Démasqué par le KGB, en 1983, Vladimir Vetrov est fusillé dans la prison de Lefortovo à Moscou, le 23 janvier 1985.
La fusion de la DST et et de la DCRG au sein de la DCRI, qui deviendra la DGSI
En 2008, la DST et une partie de la DCRG vont fusionner pour constituer la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Ces deux services de sécurité intérieure ayant une histoire et une culture différentes, l’objectif de la réforme a été de regrouper en une seule entité leurs complémentarités opérationnelles et analytiques. Les autres anciens fonctionnaires de la DCRG forment une sous-direction de l’Information Générale (SDIG) rattachée à la sécurité publique, tandis que les RG de la préfecture de police de Paris (Paris et petite couronne) restent en place sous le nom de direction du Renseignement de la PP (DRPP).
Les effectifs de la DCRI sont alors d’environ 3200 personnes . Alors que le livre blanc de 2008 accorde des renforts à la DGSE , rien n’a été prévu pour le service intérieur.
Six ans plus tard, par décret du 30 avril 2014, la DCRI devient la direction générale de la sécuité intérieure (DGSI) afin d’obtenir une autonomie de gestion, une augmentation des moyens humains et financiers mais aussi la possibilité de recruter des spécialistes à l’extérieur de la police nationale et de s’adapter aux nouvelles menaces comme aux évolutions des métiers du renseignement.
La DGSI n’est plus rattachée à la Direction Générale de la Police Nationale et dépend directement du ministre ce qui la met hiérarchiquement au même niveau que celle-ci, à l’instar de la DGGN ( gendarmerie), de la DGSE et de la DRSD au ministère de la défense. A la même date, la SDIG devient le SCRT ( service central du renseignement territorial) toujours rattachée à la Sécurité Publique mais avec un statut plus élevé, des missions précises et des moyens.
Les effectifs de la DGSI, comme ceux des autres services de sécurité, ont été augmentés notablement comme conséquences des attentats de 2015. Ils sont actuellement d’un peu plus de 4000 personnes et vont encore être accrus dans les mois qui viennent ( de même ceux du SCRT , des Rens PP et du Renseignement Pénitentiaire).
La DGSI
Le siège de la DGSI à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)
(Photo AFP)
Organisation
La Direction générale de la sécurité intérieure dispose d’une direction du renseignement et des opérations, d’une direction technique, d’un service de l’administration générale et d’une inspection générale. Elle dispose également d’un vaste réseau de services territoriaux.
Ses effectifs comptent 3 200 personnes (95% de policiers et de personnel administratif, affectés dans le périmètre police), qui devraient être porté à 3 600 dans les cinq prochaines années.
Au-delà de ses missions thématiques, la direction générale de la sécurité intérieure, dispose comme toute entité de cette importance, de services administratifs et de soutien nécessaires à son fonctionnement et à sa gestion, comprenant notamment un cabinet, un état-major, un service des ressources humaines, de la formation, des finances et des achats.
Missions et spécificités
Le décret du 30 avril 2014 précise en son article premier le périmètre des missions de la DGSI : « La direction générale de la sécurité intérieure est un service actif de la police nationale. Elle est chargée, sur l’ensemble du territoire de la République, de rechercher, de centraliser et d’exploiter le renseignement intéressant la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la Nation ».
Crédit photo : DGSI
Pour la DGSI, il s’agit de prévenir et de réprimer, les activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances ou des organisations étrangères et de nature à menacer la sécurité du pays.
Ces missions s’articulent autour de quatre pôles :
– le contre-espionnage (CE)
Le CE, cœur de métier historique, vise à déceler et à neutraliser toute menace résultant des activités de services de renseignement de pays adverses, d’organisations ou d’agents se livrant à l’espionnage, au sabotage ou à la subversion.
Le périmètre et les modalités d’exercice du contre-espionnage ont notablement évolué du fait des bouleversements géopolitiques de ces 25 dernières années. Le passage d’un monde bipolaire, marqué par une rivalité stratégique Est-Ouest (offrant l’avantage d’un adversaire clairement identifié et d’une solidarité occidentale forte), à un monde multipolaire, a conduit les services de sécurité à réviser et à réorienter leurs objectifs.
– la contre-ingérence économique et la contre-prolifération
La DGSI contribue à la préservation de la souveraineté économique, scientifique et technologique de la nation par son action de contre-ingérence économique. Cette mission, qui revêt un caractère préventif et occasionnellement répressif, inscrit dans son champ l’ensemble du spectre des acteurs du domaine, y compris financiers ou du secteur tertiaire.
De plus, au titre des menaces émergentes, elle participe à la lutte contre les proliférations des armes de destruction massive (nucléaires, bactériologiques, chimiques et balistiques) par une politique de coopération avec le secteur économique et industriel français.
Protection de l’entreprise et du monde scientifique français
Cette action s’inscrit dans le cadre de la politique publique d’Intelligence Economique (IE) telle que définie par la Délégation interministérielle à l’intelligence économique au niveau national et pilotée par les préfets de Région au plan territorial. Captations de savoir-faire et de technologie, atteintes à l’image, prédations financières, actes de malveillance, débauchages stratégiques, détournements de clientèle, sont autant de menaces qui pèsent sur les acteurs économiques français, qu’il convient de prévenir, parfois de réprimer par des actions judiciaires, mais aussi de cartographier au travers d’un outil statistique et d’analyse.
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive
Placée au rang de priorité nationale par les autorités gouvernementales, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive s’intègre également par essence à la protection économique. Elle vise à prévenir et neutraliser les activités de pays proliférants sur le territoire national, en particulier l’acquisition de biens à double usage ou de connaissances, savoir-faire ou technologies, utiles à leur programme d’arme de destruction massive.
– la lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents
La lutte contre le terrorisme, très évolutive face à une menace de plus en plus difficile a appréhender car elle met en cause des gens « noyés dans population », exige une adaptation permanente des outils et du dispositif de détection de celle-ci. C’est pourquoi « ses capacités de service judiciaire spécialisé », dont elle a hérité de la DST puis de la DCRI et qu’elle exerce en complément de sa mission de renseignement, ont été au fil des dernières années et des derniers mois nettement augmentées. Cette combinaison permet à la fois de détecter, surveiller et le cas échéant d’interpeller les individus, les groupes et les organisations susceptibles de se livrer à des actes de terrorisme ou d’atteinte à l’autorité de l’État.
Le travail effectué dans le domaine du terrorisme durant plusieurs décennies a mis en évidence l’importance du rôle du renseignement pour prévenir les actions violentes et la nécessité d’une bonne articulation entre le renseignement et le judiciaire, notamment au stade de la prévention. Le travail de renseignement repose sur la collecte d’indices ou d’éléments matériels parfois diffus mais qui, rassemblés, peuvent mettre au jour la préparation d’une action terroriste.
La DGSI joue un rôle majeur et de chef de file dans la lutte contre le terrorisme et sa coordination. Elle est aux cotés de la DGSE, DRM, DRSD, Tracfin et DRNED, un des six services membres de la coordination nationale du renseignement pilotée depuis l’Elysée et devenue en 2017 le CNRT (coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme).
Au plan des services de sécurité intérieure elle se coordonne aux niveau , central et territorial avec le SCRT la DRPP etc. Elle est également partie prenante aux échelons de coordination mis en place au Ministère : Uclat , EMOPT et au niveau des préfets territoriaux.
La lutte contre le terrorisme international
La DGSI s’implique dans la lutte contre le terrorisme, en combinant ses capacités de service de renseignement et de police judiciaire. Cette dualité de qualification lui permet d’avoir une approche globale des activités terroristes, tant celles soutenues, directement ou indirectement, par certains Etats étrangers, que celles émanant d’organisations terroristes étrangères.
(Photo DR)
Dans un contexte sécuritaire international tendu, caractérisé par la présence de réseaux terroristes organisés et la montée en puissance des vecteurs de communication tels qu’Internet et les réseaux sociaux, qui offrent la possibilité à des individus isolés de se radicaliser et de se mobiliser, la DGSI a notamment pour mission d’assurer :
- L’analyse des phénomènes de radicalisation violente ;
- Une veille sur l’évolution de la situation dans des zones considérées comme sensibles (pays de l’arc de crise arabo-musulman, de l’Afrique à l’Asie) en raison des incidences que cela peut avoir en France ;
- L’évaluation permanente des risques liés à la montée de l’intégrisme islamique et du retour sur le territoire de groupes de moudjahidin ou d’individus, anciens combattants des guerres où le djihad a été décrété ;
- L’identification de réseaux ou d’individus actifs sur le territoire national et leur neutralisation dans le cadre de procédures judiciaires.
La lutte contre les extrémismes violents
La DGSI est chargée du suivi des irrédentismes violents, cette activité intéressant principalement les thématiques corse et basque. Sont également suivis tous individus et groupes d’inspiration radicale, susceptibles de recourir à la violence.
– la lutte contre la cyber criminalité
Face au développement de menaces ayant pour support les technologies de l’information et des communications, la DGSI est chargée de protéger l’État en enquêtant sur les attaques visant ses intérêts fondamentaux, les secteurs stratégiques d’activité et les infrastructures vitales.
(Photo DR)
Un service de police judiciaire spécialisé
La DGSI a la particularité d’être à la fois un service de renseignement de sécurité et un service de police judiciaire spécialisé.
Dans le domaine de la protection des intérêts fondamentaux de la Nation, elle a compétence exclusive pour conduire, sous le contrôle des autorités de justice et conformément au titre I du livre IV du code pénal, les enquêtes de contre-espionnage ainsi que celles de compromission du secret. Depuis la loi du 14 mars 2011, la DGSI a également une compétence exclusive en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
Elle est également compétente en matière de lutte contre le terrorisme (dans ce domaine, il s’agit d’une compétence partagée avec la police judiciaire). La spécificité de la double casquette judiciaire et renseignement de la DGSI est une vraie force face à la complexité des procédures et des enquêtes.
Enfin, dans le domaine de la cybercriminalité, la DGSI a une compétence judiciaire exclusive pour mener des enquêtes relatives aux attaques visant les Systèmes de Traitement Automatisés de Données (STAD), ciblant les réseaux institutionnels (ministères et organismes gouvernementaux), les Opérateurs d’Importance Vitale (O.I.V.) et les Zones à Régime Restrictif (Z.R.R.).
Métiers
La DGSI exerce, outre ses fonctions de police judiciaire, tous les métiers d’un service de sécurité et de renseignement : recherche de renseignement, analyse, expertise technique notamment grâce à des ingénieurs et techniciens des systèmes d’information et de communication, surveillance et filature… Des contractuels de tout niveau sont également recrutés pour exercer des fonctions linguistiques, techniques et scientifiques.
Ces dernières années, la proportion de spécialistes à très sensiblement augmentée.
Monsieur Laurent Nunez, directeur de la DGSI
Crédit photo : DGSI
Ce dossier a été réalisé à partir d’informations publiées sur des sites officiels (interieur.gouv.fr/Le-ministere/DGSI – académie-renseignement.gouv.fr), avec l’aimable collaboration de monsieur Jean-François Clair, ancien directeur adjoint de la DST.
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