Les Ḗtats-Unis, la Chine
et les métaux précieux

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André Leÿs (*)
Etudiant en Sciences Politiques

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Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé le 14 septembre, Ursula von Der Leyen, la Présidente de la Commission Européenne, a déclaré que sous peu le lithium serait plus important que le pétrole.
Elle confirmait ainsi les conclusions du récent rapport de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques (rattaché à l’IRIS, l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques). Le lithium : l’un des enjeux de la compétition sino-américaine !

Sur la période 2002-2022, le déclin de l’industrie minière aux États-Unis est à mettre en perspective, car la mise en valeur des métaux dans d’autres branches a fait bondir le secteur à 15% du PIB. Cette production est concentrée dans l’ouest américain, entre les mains de quelques champions nationaux comme Freeport-McMoran ou Newmont, et est adossée à un code minier très attractif dans de nombreux États. Entre 1991 et 2021, on observe une importante réduction de la production pour le cuivre (- 40%), l’or (- 39%) et l’aluminium (- 79%), une très sensible baisse du nombre de mines en activité (de 640 à 278), une disparition de 55% des entreprises minières et une suppression de quelques 20% des emplois du secteur. Aujourd’hui, les États-Unis disposent d’une industrie minière prenant appui sur quatre matériaux que sont le cuivre (35% de la production), l’or (31%), le fer (13%) et le zinc (7%).

Aux USA
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La reprise du secteur, très affirmée sous l’administration Trump notamment pour des raisons géostratégiques, ne doit pas masquer la criticité et la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement des États-Unis pour différents métaux. C’est en particulier le cas de l’aluminium, qui résulte de l’extraction de bauxite, de sa transformation en alumine puis en aluminium. Ne disposant pas d’industrie nationale pour la production de ce métal, aujourd’hui indispensable pour de très nombreuses technologies, dont celles destinées à enrayer le changement climatique, les Etats-Unis dépendent à 75% d’importations.

Cette situation apparaît porteuse de risques géoéconomiques, sociaux et environnementaux.  Géoéconomique tout d’abord, avec le rachat par la Chine d’un site de production russe à l’arrêt en Jamaïque (premier fournisseur des USA et l’un des principaux extracteurs de bauxite). Sociaux ensuite du fait des réticences des populations à l’installation de sites miniers sur leur sol. Et enfin environnemental en raison des risques naturels sur les infrastructures, comme en Louisiane. Dans ce contexte, Washington cherche à renforcer sa sécurité par une relation forte et fiable avec le Canada qui s’est spécialisé dans la transformation de l’alumine en aluminium.

Cette dépendance concerne de nombreux autres métaux pour lesquels les États-Unis dépendent à plus de 50% d’importations. Ces métaux étaient en 1984 au nombre de 46 et en 2019 au nombre de 60. Ils sont objet d’une intense rivalité avec la République populaire de Chine pour leur contrôle nécessaires aux technologies bas carbone. En croisant le faible nombre d’États producteurs de métaux stratégiques avec les volumes de chaque métal exporté, on met notamment en exergue le rôle de l’Argentine en matière de gisements lithifères, dont l’exploitation satisfait à hauteur de 50% les besoins américains pour cette ressource.

Depuis la crise des terres rares de 2010, plusieurs dispositions ont été prises par la Maison blanche, en étroite association avec le secrétariat à la Défense. À ces dispositions s’ajoutent depuis 2018 une liste de 40 minerais critiques, dont le nickel et le zinc, et de 20 métaux issus du groupe des terres rares ou des platinoïdes (dérivés du platine).

Mine de cuivre dans le Rio Tinto près de Salt Lake City.
Photo DR (2017).

Aujourd’hui, les priorités de l’administration démocrate reposent sur l’accroissement de la production nationale de métaux primaires et de minerais, le développement du potentiel de recyclage et de récupération des métaux, ainsi que sur une diversification des sources d’approvisionnement dans des pays alliés et partenaires. Différents dialogues sont engagés selon les critères ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance), avec par exemple un modèle de « mine durable » par opposition au modèle chinois.

En Chine
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Pékin, dans sa compétition tous azimuts avec Washington, a adopté la stratégie « de la mine au raffinage », et occupe une place croissante dans l’ensemble des activités minières suivant les étapes de valorisation. À titre d’illustration, pour la production d’aluminium, la Chine dispose d’environ 5% des réserves mondiales de bauxite, mais sa production minière approche les 20% et dépasse les 50% au raffinage. Il en va de même pour de nombreux autres métaux comme l’antimoine, dont elle détient environ 30% des réserves mondiales mais représente 70% du raffinage global.

La Chine ne se limite pas au contrôle toujours plus important de certains secteurs clés des industries extractives. Par le biais des nouvelles routes de la soie, la Belt and road initiative, elle investit massivement dans de nombreux États comme l’Indonésie, le Pérou ou la République Démocratique du Congo. Elle y implante ses entreprises pour sécuriser ses sources d’approvisionnement. Ainsi les entreprises chinoises contrôlent-elles aujourd’hui 62 millions de tonnes de cuivre soit 7% des réserves mondiales.

S’il n’existe pas aujourd’hui de publication chinoise officielle recensant les matériaux critiques, la stratégie de sécurisation chinoise ne fait guère de doutes quant à ses cibles, compte tenu du plan Made in China 2025 et des ambitions de Pékin dans le développement de technologies bas carbone comme la production de véhicules électriques où elle occupe la première place.

La compétition pour le contrôle des ressources énergétiques prend aujourd’hui une nouvelle dimension dans l’affrontement sino-américain, alors que de plus en plus de matériaux critiques deviennent indispensables aux composants clés de technologies duales. En premier lieu celle des semi-conducteurs, objets d’une intense rivalité qui retient chaque jour l’attention des observateurs en raison de leur principal foyer de production : Taïwan.

(*) André Leÿs

Etudiant en sciences politiques et relations internationales à Paris, l’auteur focalise son attention sur les affaires intérieures chinoises (économie, politique, affaires étrangères). Il est un collaborateur ponctuel d’Esprit Surcouf.

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